EXPERTISE. Le Code minier : Quelle adaptation ultramarine avec l'ordonnance du 13 avril 2022? par Patrick Lingibé

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EXPERTISE. Le Code minier : Quelle adaptation ultramarine avec l'ordonnance du 13 avril 2022? par Patrick Lingibé

Ce mercredi 13 avril 2022, une ordonnance sur l'adaptation du code minier en Outre-mer a été présentée en Conseil des Ministres. Après plusieurs années de tergiversations et d'attentes,  cette ordonnance permet des modifications profondes sur les dispositions qui concernent les territoires en Outre-mer. Dans cette expertise,  l'avocat et vice-président de la Conférence des bâtonniers revient en détail sur les apports de cette ordonnance dans le code minier.

 

Quatre ordonnances ont été publiées au Journal Officiel du jeudi 14 avril 2022 se rapportant aux activités minières au sens large du terme. Notre commentaire portera sur l’ordonnance n° 2022-537 du 13 avril 2022 relative à l'adaptation outre-mer du code minier pour en faire un commentaire. Pour rappel, cette ordonnance, comme celles publiées le même jour, intervient en application l'article 81 de la loi n° 2021-1104 du 22 août 2021 portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets. Sur la base de cette loi, le Gouvernement était donc habilité à réviser les régimes juridiques applicables aux autorisations et aux permis d'exploitation dans les régions-départements d’outre-mer, notamment en ce qui concerne les projets miniers de petite taille et l'encadrement juridique des projets miniers comportant l'utilisation du domaine public ou privé de l'Etat ainsi que d'adopter des mesures destinées à mieux encadrer l'activité en matière d'or en Guyane.
L’ordonnance s'applique uniquement aux régions-départements d'outre-mer (DROM). Il modifie en profondeur les dispositions du livre VI du code minier relatif à l'Outre-mer. En dehors de simples corrections matérielles qui n’avaient pas été intégrées lors de la recodification du code minier opérée par l’ordonnance du 20 janvier 2011, les Terres Australes et Antarctiques Françaises, les collectivités d'Outre-mer et la Nouvelle-Calédonie ne sont pas impactées.

Deux parties importantes du code minier font donc l'objet de modifications substantielles de la part de cette ordonnance du 13 avril 2022 : d’une part, le régime juridique des autorisations d'exploitation et des permis d'exploitation (Titre Ier du livre VI) et d’autre part, les dispositions particulières à la Guyane (Chapitre 1er du titre II du livre VI) qui comprend l'introduction d'une section entièrement dédiée aux autorisations de recherches minières délivrées sur le domaine privé de l'Etat.

Les articles de cette ordonnance ont été exposés dans le rapport de présentation au président de la République par le Gouvernement. Nous insisterons sur neuf points de cette ordonnance qui impacteront le droit minier en outre-mer.

1° La rénovation du régime des autorisations d’exploitation. L'article 2 rénove en profondeur le régime des autorisations d'exploitation. En premier lieu, les autorisations d'exploitation peuvent désormais être délivrées en mer. La démonstration de l'existence d'un gisement ou la réalisation d'une phase de prospection préalable est exigée pour son obtention. En deuxième lieu, l'accord du propriétaire du sol, et quand la demande se situe sur le domaine public ou privé de l'Etat ou d'une collectivité territoriale, du service gestionnaire du domaine est expressément requis. En troisième lieu, les demandes sises
sur ce domaine sont soumises à concurrence. Ce qui nécessitera la mise en place d’une procédure formalisée de mise en concurrence entre les personnes intéressés par l’exploitation d’un gisement marin. En quatrième lieu, les demandes de renouvellement y sont également soumises sous réserve de remplir les conditions définies à l'article L. 142-4 du code minier qui prévoit : « Si un permis exclusif de recherches vient normalement à expiration définitive avant qu'il soit statué sur une demande de concession introduite par son titulaire, la validité de ce permis est prorogée de droit sans formalité jusqu'à l'intervention d'une décision concernant la demande de concession. Cette prorogation n'est valable que pour les substances et à l'intérieur du périmètre définis par la demande de concession. » En cinquième lieu, les autorisations d'exploitation ne peuvent porter que sur des substances minérales et fossiles et les granulats marins. Enfin, en sixième lieu, le nombre d'autorisations d'exploitation par bénéficiaire n'est plus limité.

2° Permis de recherche et autorisations d’exploitation. L'article 2 de l’ordonnance confirme quant à lui que le détenteur d'un permis exclusif de recherches peut solliciter des autorisations d'exploitation sur le périmètre de son titre. En cas de superposition d'une demande d'autorisation d'exploitation avec une demande de titre minier, permis exclusif de recherches ou concession, en cours d'instruction, l'accord du demandeur du titre n'est pas requis. Il précise que l'extension d'un permis exclusif de recherches sur le périmètre d'une autorisation d'exploitation contenue sur son périmètre et arrivée à échéance doit faire l'objet d'une analyse environnementale et d'une consultation du public.

3° La distinction superficiaire des exploitations. L’article 2 distingue d’une part, les autorisations d'exploitation de superficie inférieure ou égale à 25 hectares sont soumises à évaluation environnementale au cas par cas et d’autre part, les autorisations d’exploitation de superficie supérieures à 25 hectares allant jusqu'à 1 km2 sont soumises à évaluation environnementale systématique.

Afin de se conformer à la charte de l'environnement, toute demande d'octroi ou de renouvellement d'autorisation d'exploitation fera l'objet d'une participation du public prévue à l'article L. 123-19-2 du code de l'environnement, lequel définit les conditions et limites dans lesquelles le principe de participation du public prévu à l'article 7 de la Charte de l'environnement est applicable aux décisions individuelles des autorités publiques ayant une incidence sur l'environnement qui n'appartiennent pas à une catégorie de décisions pour lesquelles des dispositions législatives particulières ont prévu les cas et conditions dans lesquels elles doivent, le cas échéant en fonction de seuils et critères, être soumises à participation du public.

4° Le partenariat imposé désormais entre l’Etat et collectivité territoriale de Guyane. L'article 4 de l’ordonnance prévoit dorénavant que le Schéma Départemental d'Orientation Minière sera désormais co-élaboré et révisé périodiquement par le président de la collectivité territoriale de Guyane et le préfet. Le SDOM devient donc un instrument qui sera co-établi par l’Etat et la collectivité territoriale de Guyane qui a succédé dans ses droits et obligations à l’ancien département et l’ancienne région de Guyane en application de l’article L. 7111-2 du code général des collectivités territoriales.

5° – Les dispositions spécifiques pour la Guyane au regard de sa réalité. Cet article 4 prévoit d’une part que le préfet a la possibilité de lancer des appels à candidatures auprès d'entreprises pour la recherche ou l'exploitation aurifère dans des zones présélectionnées.
D’autre part, l’autorité préfectorale peut également, dans le cadre de la lutte contre l'orpaillage illicite en Guyane, de faire appel à des opérateurs réguliers pour remplacer des orpailleurs illégaux et contribuer ainsi à la réhabilitation des sites dégradés en contrepartie de la libre disposition des produits extraits. Cette deuxième possibilité juridique s'explique par la nécessité de lutter contre l’orpaillage clandestin et les ravages que celui-ci produit sur le territoire guyanais en termes de pollution et de nuisances environnementales.

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6° Une conformité imposée à l’égard du SDAGEG. L’article 4 exige que les orientations générales du Schéma Départemental d'Orientation Minière (SDOM) soient compatibles avec d’une part, les orientations fondamentales du Schéma Directeur d'Aménagement et de Gestion des Eaux en Guyane (SDAGEG) et d’autre part, avec la politique nationale définie à l'article L. 133-1 du code minier.

7° L’avis préalable du Grand conseil coutumier imposé. Ce même article 4 introduit une nouveauté. Il impose dorénavant que toute décision d'octroi d'une concession ou d'une autorisation d'exploitation soit soumise, dans un zonage déterminé par décret en Conseil d'Etat, à l'avis préalable simple du grand conseil coutumier des populations amérindiennes et bushinenges. Placé auprès du préfet, ce grand conseil a pour objet d'assurer la représentation des populations amérindiennes et bushinenges de Guyane et de défendre leurs intérêts juridiques, économiques, sociaux, culturels, éducatifs et environnementaux en application des dispositions de l’article L. 7124-11 du code général des collectivités territoriales. Il s’agit ici d’un avis préalable obligatoire mais non conforme, l’administration pouvant toujours délivrer la concession ou l’autorisation d’exploitation demandée, nonobstant l’avis négatif qui serait émis par le Grand Conseil. Par ailleurs, cet article 4 abroge les dispositions spécifiques au déroulement des enquêtes publiques dans le cadre de l'instruction des demandes d'autorisations d'ouverture des travaux miniers en Guyane.

8° Analyse et enjeux environnementaux. L'article 5 de l’ordonnance prévoit que, pour les substances minérales et les granulats marins exclusivement, la demande de permis exclusif de recherches est assortie d'une analyse des enjeux environnementaux si la superficie sollicitée est inférieure à un seuil fixé par décret en Conseil d'Etat et que la durée demandée est inférieure ou égale à cinq ans. Il opère par ailleurs des renumérotations d'articles au sein du code minier à la suite d'abrogations et codifie les autorisations de recherches minières, délivrées exclusivement sur le domaine public ou privé de l'Etat en Guyane.

9° Application de l’ordonnance dans le temps. L'article 14 de l’ordonnance maintient la réglementation applicable avant l'entrée en vigueur de la présente ordonnance pour les permis d'exploitation dans les régions-départements d'outre-mer en cours de validité et les demandes en instruction à la date d'entrée en vigueur de cette dernière. Cet article comporte également des dispositions transitoires prévues pour les autorisations d'exploitation dans les régions- départements d'outre-mer et les autorisations de recherches minières en Guyane. Ainsi, les dispositions de la présente ordonnance entrent en vigueur à compter du vendredi 15 avril 2022, sous réserves des dispositions ci-dessous. En premier lieu, les dispositions de la sous-section 2 de la section 1 du chapitre Ier du titre Ier du livre VI du code minier, dans leur rédaction antérieure à celle résultant du 14° de l'article 2 de la présente ordonnance, continuent de s'appliquer aux permis d'exploitation en cours de validité ainsi qu'aux demandes relatives aux permis d'exploitation en cours d'instruction à la date d'entrée en vigueur de la présente ordonnance. En deuxième lieu, les dispositions de la section 6 du chapitre Ier du titre II du livre VI du code minier, dans leur rédaction résultant du 8° de l'article 4 de la présente ordonnance, entrent en vigueur à la date de publication du décret pris pour leur application et au plus tard le 1er janvier 2024. En troisième lieu, les dispositions de la sous-section 1 de la section 1 du chapitre Ier du titre Ier du livre VI du même code, dans leur rédaction résultant des 1° à 13° de l'article 2 de la présente ordonnance, entrent en vigueur à la date de publication du décret pris pour leur application et au plus tard le 1er janvier 2024. Attention toutefois, cet article 14 de l’ordonnance dispose que ces mêmes dispositions, dans leur rédaction antérieure à la présente ordonnance, continuent de s'appliquer aux autorisations d'exploitation en cours de validité ainsi qu'aux demandes relatives aux autorisations d'exploitation en cours d'instruction à la date d'entrée en vigueur de la présente ordonnance.
 

Patrick LINGIBÉ, Avocat spécialiste et Vice-président de la Conférence des bâtonniers, membre de l'AJDOM

1 Ordonnance n° 2022-534 du 13 avril 2022 relative à l'autorisation environnementale des travaux miniers.
2 Ordonnance n° 2022-535 du 13 avril 2022 relative au dispositif d'indemnisation et de réparation des dommages miniers.
3 Ordonnance n° 2022-536 du 13 avril 2022 modifiant le modèle minier et les régimes légaux relevant du code minier.
4 Ordonnance n° 2022-537 du 13 avril 2022 relative à l'adaptation outre-mer du code minier.
5 Ordonnance n° 2011-91 du 20 janvier 2011 portant codification de la partie législative du code minier.