EXPERTISE. Journée de l'Europe : Unie dans la Diversité, une devise pour les RUP et les PTOM ? par Joël Destom

EXPERTISE. Journée de l'Europe : Unie dans la Diversité, une devise pour les RUP et les PTOM ? par Joël Destom

Le 9 mai, journée de l’Europe commémore la date de la déclaration Schuman, point de départ de l’Union européenne d’aujourd’hui. Joël Destom, membre du Comité économique et social européen, nous invite à une visite virtuelle de la Maison de la Société Civile qui célèbre traditionnellement cette journée en ouvrant ses portes au public (lien en fin d'article). Dans le même temps, il partage son regard sur le « sens » d’un symbole souvent méconnu, la devise de l’Europe.

S’intéresser aux cinq symboles (drapeau, hymne, devise, monnaie, journée du 9 mai) régulièrement associés à l’Union européenne, c’est découvrir qu’ils ne sont intégrés à aucun traité. C’est relever qu’il a fallu attendre Emmanuel Macron pour que la France rejoigne la déclaration relative aux symboles de l'Union européenne. C’est la nécessité d’accepter la complexité, les contradictions, les avis différents à condition de « Parler d’Europe » !

Cette devise est le résultat d’une aventure pédagogique et citoyenne. L’idée d’un concours de devises dans les classes de l’enseignement secondaire des quinze États membres en 1998 est un processus non officiel. La formule retenue le 4 mai 2000 est : « Unité dans la diversité ». Elle est traduite dans les onze langues officielles de l’Union, ainsi qu’en latin : « Invarietate concordia ». En allemand « In Vielfalt geeint », en espagnol « Unida en la diversidad », en tchèque « Jednotná v rozmanitosti », en anglais « United in diversity », etc. Mentionnée pour la première fois en 2004, elle apparaît alors légèrement modifiée « Unie dans la diversité ».

Mais que signifie le terme « diversité » dans les trois bassins océaniques et sur le continent européen ? Comment je me perçois ? Quelle « image de moi » me renvoie mon environnement ? Comment se forge mon identité ? Où vais-je et comment ? Dans un écho aux accents de différenciation, ceux qui interrogent le terme « Outre-mer » posent la même équation. Une substitution aux colonies ou possessions ? Un rapport différent à une « métropole » ? Un au-delà des mers ? 

Pour ces mots, les sens développés dans les trois bassins océaniques ne sont pas les mêmes que sur le continent européen. A Iracoubo, à Grand’Rivière, à Pointe-Noire, à Chiroungui, à Cilaos ou encore à Hienghène… le rapport à l’Hexagone et à l’Europe endosse des significations différentes, liées à des contextes uniques. A bien y regarder, tout comme « E pluribus unum » aux États-Unis, la devise de l’Europe a un statut de fait et semble vouloir transmettre un message assez proche : construisons une communauté à partir d’une multitude d’unités.

L’Union européenne est un immense espace de vie pour appréhender la palette des unités. Chaque région ultrapériphérique (RUP), chaque pays et territoire d'outre-mer (PTOM) est un laboratoire passionnant pour comprendre toutes les nuances de la complexité à l’échelle des unités. Selon les anthropologues Marc Abélès et Irène Bellier, L’Europe forge une « culture de compromis » plus qu'un « compromis des cultures ». Les territoires ultramarins pourraient revendiquer cette approche.

 « In varietate concordia », pourrait être la devise des RUP et des PTOM parce que chacun de ces territoires développe une expression politique propre et que l’idée de formuler « une synthèse Outremer » serait une erreur. Sur ces terres, géographiquement éloignées, les citoyens s’intéressent peu à l’Europe qui y finance pourtant de nombreux projets. Cette journée de l'Europe n'aura de sens pour les territoires ultramarins qu'à la condition d'une meileure appropriation tout au long de l'année. Ils interrogent sur la différence entre « variété » et réelle « diversité ». D'une certaine façon, ils suggèrent de rechercher des chemins vraiment divergents, comme demander un authentique pluralisme. 

A quelques mois de la présidence française de l'Union Européenne, les Outre-mer pourraient s'imposer dans l'affirmation de cette devise. Tirer les premières leçons d'une crise sans précédent, assumer une ambition sociale, partager une sensibilité sociétale .... « Parler d’Europe » et pas seulement de « Financement européen » !

https://www.eesc.europa.eu/fr/visite-360deg

Joël Destom, membre du Comité Économique et Social Européen