EXPERTISE.Agriculture et résilience pour les régions ultrapériphériques … Oui, mais comment ? par Joël Destom, Membre du Comité économique et social européen

EXPERTISE.Agriculture et résilience pour les régions ultrapériphériques … Oui, mais comment ? par Joël Destom, Membre du Comité économique et social européen

Le vendredi 27 novembre 2020, le budget du programme d’options spécifiques à l’éloignement et à l’insularité (POSEI) dans les régions ultrapériphériques (RUP) a été maintenu. Les aides de ce programme qui bénéficie aux RUP espagnoles, portugaises et françaises complètent le premier pilier de la politique agricole commune (PAC), destiné aux agriculteurs d’Europe continentale. Les allocations financières annuelles en faveur du POSEI sont de l’ordre de 270 millions d’euros pour l’Espagne, de 110 millions d’euros pour le Portugal et de 280 millions d’euros pour les agriculteurs des Outre-mer français. Joël Destom, membre du Groupe Diversité Europe du Comité Économique et Social Européen (CESE) s’interroge sur la préparation de l’avenir après la Covid-19.

Le vendredi 27 novembre 2020, le budget du programme d’options spécifiques à l’éloignement et à l’insularité (POSEI) dans les régions ultrapériphériques (RUP) a été maintenu.
Les aides de ce programme qui bénéficie aux RUP espagnoles, portugaises et françaises complètent le premier pilier de la politique agricole commune (PAC), destiné aux agriculteurs d’Europe continentale.
Les allocations financières annuelles en faveur du POSEI sont de l’ordre de 270 millions d’euros pour l’Espagne, de 110 millions d’euros pour le Portugal et de 280 millions d’euros pour les agriculteurs des Outre-mer français.

La baisse de 3,9%, proposée par la Commission européenne dans le cadre de la préparation du budget 2021-2027, a donc été écartée après que le gouvernement et les eurodéputés français se soient « battus » selon les termes employés par Julien Denormandie (ministre de l’agriculture et de l’alimentation) lors d’une audition à l’Assemblée nationale et au Sénat, le jeudi 26 novembre 2020. Le 7 octobre 2020, c’est avec Sébastien Lecornu (ministre des Outre-mer) et Clément Beaune (secrétaire d’Etat chargé des affaires européennes) qu’il avait réaffirmé la volonté française, partagée par les autorités espagnoles, portugaises et grecques.

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© Ministère de l’agriculture

Il faut s’en réjouir sans manquer de relever que la Commission européenne est résolument hétérotemporelle car le temps de cette « longue bataille » a coïncidé avec celui pendant lequel elle engageait une série d’évaluations de la PAC pour la période 2014 – 2020 et produisait son premier rapport annuel de prospective stratégique.

Si les évaluations permettent de développer un regard rétrospectif, le rapport recense les premiers enseignements tirés de la crise de la COVID-19 et examine le rôle de la prospective stratégique pour renforcer la résilience de l’Union Européenne (UE) et de ses États membres.

« Tracer la voie vers une Europe plus résiliente ». C’est ainsi que s’intitule ce rapport qui introduit la résilience comme nouveau point de référence pour l’élaboration des politiques de l’UE. Elle y est analysée selon quatre dimensions interdépendantes : sociale et économique, géopolitique, écologique et numérique.

Dès lors, et pour l’avenir, quelles orientations envisager pour l’agriculture dans les Outre-mer ? Quels objectifs à long terme dans un contexte caractérisé par de multiples transitions ? Agriculture et résilience dans les RUP … oui, mais comment ?

Dans le cadre du séminaire intitulé « Soutenabilités », lancé par France Stratégie, les membres du Groupe de Travail « Agricultures Ultramarines » de l’Académie d’Agriculture de France propose une réflexion sur la future PAC et sa déclinaison Outre-mer. Ce travail répond opportunément à l’appel à contribution « Covid-19, pour un après soutenable ».

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© Ministère de l’agriculture

Sans jeter à la corbeille un modèle qui serait passéiste, « ni proposer une remise en cause brutale d’une politique de plusieurs décennies, ils suggèrent de rééquilibrer progressivement les aides du POSEI (instrument de financement du premier pilier de la PAC) et du Fonds européen agricole pour le développement rural (FEADER, instrument de financement du second pilier de la PAC) entre les départements d’Outre-mer et entre les filières ».

Ces experts appellent au « développement plus vertueux de ces territoires » qui doivent désormais « répondre aux exigences extrêmement fortes de lutte contre le changement climatique, de combat contre les inégalités sociales ou territoriales, de renouvellement de l’implication et de l’impact des citoyens dans l’élaboration des politiques publiques. »
L’introduction, au niveau supranational, de la résilience comme nouveau point de référence pour l’élaboration des politiques doit sonner comme un avertissement.

Dans les Départements d’Outre-mer, comment seront traités, les cultures d’un autre temps, les sols rendus inutilisables pour des décennies, les faiblesses des logiques associatives ou coopératives, les carences des structures d’export, les pans entiers de productions locales délaissés ?
Prenons deux exemples, la production des œufs et des poussins répond-t-elle à la mise en œuvre d’une agriculture durable ? L’élevage de poulets répond-t-il au besoin de consommation locale?

L’adaptation des régimes d’aide à la réalité agricole et alimentaire des Outre-mer ouvre le temps d’une autre « longue bataille », loin des échanges à fleurets mouchetés bruxellois.

Le rapport 2020 de l’UE a pour objectif de démontrer que la prospective stratégique, axée sur l’action, est particulièrement adaptée pour informer les responsables politiques.
A l’épreuve de la crise, les modèles agricoles et alimentaires ultramarins montrent leurs limites. Pour préparer au mieux l’après 2027, les départements d’Outre-mer doivent impérativement faire de la PAC un levier de transition agroécologique.

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Le 5 novembre 2020, Sébastien Lecornu et Julien Denormandie ont présidé la première réunion du comité national de transformation agricole des outre-mer. Ce comité rassemble l’Etat et ses opérateurs, les parlementaires, les collectivités ultramarines, ainsi que l’ensemble des représentants du monde agricole. Les travaux des comités qui se réuniront dans chaque territoire en 2021 permettront d’apprécier les capacités à organiser et soutenir une agriculture durable et juste socialement, visant à tendre vers l’autonomie alimentaire en 2030.

 

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Joel Destom, membre du Groupe Diversité Europe du Comité Économique et Social Européen (CESE)