Coordonnée par le Cirad en partenariat avec INRAE et l’IRD, l’étude « 4 pour 1000 » Outre-mer a dressé un bilan inédit des stocks de carbone du sol des territoires ultramarins. A l'occasion du salon international de l'agriculture, les auteurs ont formulé des recommandations opérationnelles et de recherche pour préserver ces stocks élevés en Outre-mer et répondre aux grands enjeux de l’agriculture face au changement climatique au niveau national et territorial.
L’Initiative internationale « 4 pour 1000 » vise à mettre en place des actions concrètes pour augmenter les quantités de carbone stocké dans les sols, notamment par des pratiques agricoles et forestières adaptées. Si le potentiel des sols dans l'Hexagone a fait l’objet d’une évaluation en 2019, celui des territoires ultramarins est jusqu’ici méconnu. Dans le cadre de l’étude « 4 pour 1000 » Outre-mer, un consortium coordonné par le Cirad en partenariat avec INRAE et l’IRD, avec l’appui financier de l’ADEME et le soutien du ministère des Outre-mer dresse pour la première fois un état des lieux des connaissances pour la Guadeloupe, la Martinique, la Guyane, La Réunion, Mayotte, Saint-Martin et Saint-Barthélemy.
Le résumé réalisé pour les décideurs souligne deux enseignements. En matière de stocks de carbone dans les sols, les territoires ultramarins jouent un rôle important malgré leur faible superficie (15 % de celle de l’hexagone) : ils équivalent à environ 20 % des stocks de carbone des sols de métropole. Cela s’explique essentiellement par la minéralogie originale de ces sols développés sur roches volcaniques, mais révèle également l’impact de leurs usages (forêt, prairie, canne à sucre…).
Deuxième constat : les données sur le carbone du sol dans ces territoires sont incomplètes. Les sols de la Guadeloupe, de la Martinique, de Guyane et de La Réunion sont documentés de façon conséquente mais néanmoins parcellaire. En revanche, aucune information n’existe encore pour Mayotte, Saint-Barthélemy et SaintMartin. En outre, du fait de l’importance de la forêt guyanaise - équivalant à 46 % de la superficie forestière hexagonale - le carbone stocké dans la biomasse aérienne de ce territoire a spécifiquement été abordé dans le cadre de cette étude. Il en ressort qu’il équivaut à 120 % du carbone aérien des forêts hexagonales.
Pour répondre aux objectifs de l’Initiative « 4 pour 1000 » et de la Trajectoire 5.0, lancée en 2019 par le ministère en charge des Outre-mer, l’étude « 4 pour 1000 » Outre-mer formule une série de recommandations. Premièrement, il faut préserver les stocks élevés de carbone du sol et de la biomasse aérienne dans les territoires ultramarins et limiter leur diminution.
Recommandation n°1 : intégrer dans la Politique agricole commune la rémunération des services écosystémiques associés aux pratiques agricoles et forestières préservant les stocks des sols.
Recommandation n°2 : lutter contre la spéculation et la rétention de foncier agricole.
Recommandation n°3 : promouvoir les pratiques agroécologiques grâce à des mesures incitatives et à la communication.
Recommandation n°4 : faciliter l’accès aux moyens nécessaires à la mise en œuvre des bonnes pratiques : investissement, coopératives d’utilisation de matériel agricole (CUMA) et formations.
Recommandation n°5 : transposer le Label bas-carbone pour contribuer à l’adoption de pratiques stockant du carbone par une incitation économique.
Deuxièmement, cinq actions de recherche sont recommandées pour y contribuer :
- Accroître la connaissance des stocks de carbone du sol et des bilans de gaz à effet de serre dans les territoires ultramarins pour mesurer les retombées des politiques publiques de lutte contre le changement climatique.
- Adapter les méthodes de quantification des capacités de stockage du carbone dans les sols pour transposer le Label bas-carbone aux conditions et cultures tropicales.
- Renforcer les travaux sur la dimension sociale – à ce jour peu explorée – pour favoriser les innovations et l’adoption de bonnes pratiques.
- Développer des approches co-construites d’évaluation de scénarios agroécologiques à l’échelle de chaque territoire ultramarin.
- Créer des espaces de dialogues entre acteurs scientifiques, politiques, agricoles et forestiers, pour mieux intégrer les territoires d’Outre-mer dans les engagements français et européen en matière de lutte contre le changement climatique