En Guyane, le difficile suivi des femmes enceintes vivant dans les communes isolées  du fleuve Maroni

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En Guyane, le difficile suivi des femmes enceintes vivant dans les communes isolées  du fleuve Maroni

Un vol de nuit en hélicoptère sous une pluie diluvienne, au-dessus de la forêt guyanaise: la mission n'est pas de lutter contre l'orpaillage illégal mais de sauver deux nourrissons, nés prématurément sur une pirogue. L'opération décrite par les forces armées en Guyane (FAG), qui date de la nuit du 9 au 10 avril, témoigne des difficultés du suivi des femmes enceintes habitant les communes les plus isolées du plus grand département de France.


Sur le Maroni, le fleuve qui matérialise la frontière entre la France et le Suriname, une femme a accouché en pleine nuit de deux jumeaux à six mois de grossesse, à hauteur de la commune de Grand Santi. La mère et les deux enfants ont été pris en charge dans un dispensaire sur la rive française du fleuve. La route la plus proche est à 100 km, le centre hospitalier de Cayenne à plus de 200 km.
A 00H15, l'hélicoptère Puma des FAG décolle de la base aérienne de Cayenne, emportant à son bord une équipe du Samu et une couveuse. Sous la pluie, l'équipage scrute la nuit noire avec des jumelles à vision nocturne.
"On a un radar qui ne couvre pas l'ensemble de la Guyane", détaille la capitaine Hélène, commandant de bord sur cette mission. "On ne sait pas où on arrive, si on pourra se poser ou s'il faudra faire demi-tour", ajoute-t-elle.
L'hélicoptère mettra une heure pour gagner Grand Santi. Une fois les nouveau-nés stabilisés, il redécollera pour atterrir à l'héliport de l'hôpital de Cayenne peu après 04H00.
Si l'opération s'est terminée sans encombre, les autorités sanitaires font leur possible pour éviter ce genre de situations d'urgence.

Pas d'hôpital de plein exercice 

Coincées entre le fleuve et la forêt amazonienne, les communes guyanaises du Haut-Maroni (Maripasoula, Papaïchton et Grand Santi) comptent 25.000 habitants à elles trois, mais pas d'hôpital de plein exercice.
Avec seulement deux "hôpitaux de proximité", c'est-à-dire ne réalisant pas d'activité de chirurgie ou d'obstétrique, "il est déconseillé aux femmes d'accoucher sur place", explique à l'AFP Emeline Monjardé, sage-femme coordinatrice du réseau Périnat Guyane.
Les premiers mois, le suivi des patientes se fait dans leur commune de résidence. Puis elles sont transférées sur le littoral "à la fin du 8ème mois de grossesse", voire quelques semaines avant en cas de grossesse compliquée, poursuit Emeline Monjardé.
Si les frais de leur hébergement, à l'hôtel ou en maternité, sont pris en charge, certaines femmes - souvent très jeunes dans le département qui compte le plus fort taux de grossesses de mineures en France - refusent de faire le déplacement, notamment pour ne pas être éloignées de leurs proches.

Pour vaincre ces réticences, Perinat Guyane, une association médico-sociale, a développé un réseau de "femmes-relais": des médiatrices originaires des communes concernées qui ont pour mission d'inciter les parturientes à suivre le parcours de soin proposé.
Leur rôle, dans des zones où vivent notamment des communautés amérindiennes, est parfois de s'attaquer aux barrières culturelles, pour empêcher autant que possible les accouchements hors hôpital.
Mais pas toujours avec succès: nombre des femmes concernées "se cachent, ne viennent plus aux rendez-vous", déplore Aniah Bapaume, du centre hospitalier de Cayenne.
Sur les 7.500 à 8.000 enfants qui naissent chaque année en Guyane, Perinat Guyane dénombre environ 70 enfants nés hors hôpital. Mais le chiffre est très probablement sous-estimé, estime Emeline Monjardé.
 

Avec AFP