Les Instituts d’Émission d’Outre-mer, IEDOM-IEOM, ont tenu ce jeudi leur traditionnel point de conjoncture économique pour les territoires ultramarins, entre bilan de l’année 2022 et perspectives pour 2023.
Les Outre-mer « entre résilience et incertitudes », ont constaté les Instituts d’Émission d’Outre-mer ce jeudi à Paris. Fait notable, la traditionnelle conférence de presse a été assurée par le nouveau dirigeant des Instituts, Ivan Odonnat, qui a succédé début avril à Marie-Anne Poussin-Delmas. À son côté, le directeur général Stéphane Foucault, un habitué de l’exercice.
Le premier enseignement de l’année passée est donc la « résilience », dans un contexte de hausse des prix des énergies, des hydrocarbures et matières premières dès mi-2021, hausse renforcée par la guerre en Ukraine, mais aussi avec la fermeture de la Chine, impactée plus longtemps par la crise Covid-19, stoppant sa dynamique. « Les craintes initiales de récession mondiale se sont éloignées, même si la croissance s’est infléchie » expliquent toutefois les Instituts.
Sur le climat des affaires, l’indicateur « a été bien orienté dans l’ensemble en 2022 ». Tous les territoires se situent au-dessus de la moyenne de longue période (100), parfois au-dessus de l’indicateur hexagonal, sauf en Guyane. Le territoire sud-américain est impacté par la guerre en Ukraine et le retrait de la fusée russe Soyouz. L’activité est poussée par la reprise du tourisme (+24% en 2022). Seule la construction marque le pas (3% contre 6% en 2021), en raison de la hausse du coût des matières premières. « Le bassin Océan Indien apparaît le plus allant, suivi du bassin Atlantique. Dans les collectivités du Pacifique, le rattrapage de la perte d’activité liée à la crise sanitaire n’était pas tout à fait achevé à la fin de 2022 ».
En matière de tourisme, les Instituts constatent que le nombre de passagers arrivés par avion tend à retrouver son niveau de 2029, dans tous les territoires et ce, malgré la hausse des prix du transport aérien qui a fortement augmenté fin 2022, entre 25% à 45%. Si cette hausse n’a pas freiné l’afflux de passagers, c’est en raison de « l’effet de valeur » selon le point de vue du touriste : un passager en provenance des États-Unis par exemple, ne ressent pas cette hausse de la même façon, en raison notamment de sa devise, le dollar. Autre constat pour les entreprises : celles-ci ont été confrontées à une forte hausse du coût des intrants, de 10% dans le commerce à 20% pour l’agriculture, l’industrie et la construction.
Si, le coût du crédit pour les entreprises s’est accentué, les encours de crédits, toujours chez les entreprises, ont « conservé une croissance soutenue ». Il n’y a donc, dans un contexte d’inflation, « pas de difficulté à l’encours aux crédits » des entreprises. Et si les défaillances d’entreprises ont progressé, « sous la moyenne de longue de longue période », elles « ne soulèvent pas d’inquiétude des chefs d’entreprises ».
Preuve de ce constat : l’emploi salarié privé a continué de progresser, avec des progressions significatives aux Antilles-Guyane et dans l’océan Indien, notamment poussées par les entrées en contrats d’apprentissage dans le secteur privé. Toutefois, « l’évolution favorable de l’emploi en Outre-mer en 2022 ne se traduit pas dans le taux de chômage qui demeure plus élevé que dans l’Hexagone ». Ce taux baisse à la marge dans certains territoires : de 18,4% en 2021 à La Réunion à 18,1% en 2022, 12,9% à 12,5% en Martinique, 14,5% à 13,1% en Guyane, 3,4% à 3,3% à Saint-Pierre et Miquelon et 9,5% à 9% en Polynésie. Il augmente de 4 points à Mayotte (30 à 34%) et 1,4 points en Guyane (17,2% à 18,6%).
Sujet le plus prégnant de ce point de conjoncture : l’inflation. Inutile de rappeler que, comme dans l’Hexagone et dans un contexte assez global, les prix en Outre-mer ont augmenté depuis 2021. Toutefois, l’inflation reste, dans la majeure des cas, en-dessous du niveau national, « les dispositifs de l’État ont largement contribué à contenir l’inflation ».
Seule la Polynésie, avec un taux dépassant les 8% fin 2022, a supplanté le taux national. Les dirigeants des Instituts font toutefois remarquer que les taux polynésiens sont restés sous les 2%, valeur cible de la BCE, jusqu’en fin 2021, alors que le taux a augmenté dès la mi-2021 dans les autres territoires. La raison : un mécanisme de constitution des prix différent et un comportement des ménages et des entreprises également différent. Ce taux de 8% serait donc un rattrapage et depuis début 2023, le taux d’inflation en Polynésie est revenu au niveau national.
Si l’inflation a touché tous les territoires, les hausses des prix de l’énergie se sont modérées au second semestre 2022, ce qui n’est pas le cas de l’alimentaire qui vacille entre 6% et 12% d’inflation selon les territoires, tout en restant sous le niveau national. Le ressenti de cette inflation est néanmoins plus important en Outre-mer, soulignent les instituts, pour deux raisons : des prix qui sont déjà plus élevés hors période d’inflation et des revenus plus bas que dans l’Hexagone, avec un taux de pauvreté plus important.
Note positive : Ivan Odonnat, s’appuyant sur les projections et analyses des banques centrales, estime un pic d’inflation à l’automne, et espère ainsi un retour proche des 2% d’inflation à l’horizon 2025, sauf nouveau soubresaut à l’échelle mondiale. En attendant, et « pour enrayer l’inflation, les banques centrales augmentent leurs taux d’intérêt directeurs ». Autres objectifs : assurer suffisamment de liquidités bancaires et ne pas casser la croissance.
Assez paradoxalement, la consommation des ménages semble pour l’heure tenir en Outre-mer, avec un rythme des paiements cumulés par carte bancaire qui se maintient au-dessus des 5% dans les territoires ultramarins. La progression des encours de crédit des ménages s’est renforcée et les instituts ne notent pas d’évolution défavorable. L’IEDOM et l’IEOM gardent toutefois un œil vigilant sur les taux d’intérêts des prêts personnels, crédits à la consommation et crédits à l'habitat, qui paraissent augmenter début 2023. Ils estiment aussi que des prix demeurants significativement plus élevés pourraient dégrader la consommation des ménages alors que « les chefs d’entreprises paraissent déjà moins optimistes pour l’année 2023 ».
Côté perspectives à moyen termes, l’IEDOM et l’IEOM veulent porter un intérêt particulier à la transition énergétique et à la modernisation des ports ultramarins, appelant à étendre les financements tant publics que privés. Ce sont, pour les Instituts, deux secteurs porteurs pour les territoires.