Débutée le 6 juillet 2023 pour une période de 3 semaines, la campagne AMANAUS, a pour but d’observer l'évolution du fleuve Amazone et comprendre le transfert des sédiments, de la cordillère des Andes à l'océan Atlantique, ainsi que leur temps de transit au sein du fleuve. Une campagne rendue possible par la participation de nombreux partenaires scientifiques et universitaires français et brésiliens.
C’est dans le cadre d'une campagne inédite du Service national d'observation HYBAM, un service d'appui à la recherche qui réalise des mesures hydrologiques, sédimentaires et géochimiques sur le long terme élaboré par l'IRD, l'Ifremer, l'École universitaire de recherche ISBLUE, le CNRS, l'Agence de l'eau du Brésil, le Service géologique du Brésil, les universités de Manaus (UFAM), Brasília (UnB), Nantes, Brest et Toulouse, que 15 chercheurs et ingénieurs brésiliens et français mesurent le fleuve Amazone sous tous ses angles, depuis la surface jusqu'à plusieurs centaines de mètres au sein de son lit.
L'objectif, mesurer les flux sédimentaires, les quantifier, comprendre leurs origines et leurs dynamiques. Profond de plus de 100 mètres par endroits, le fond du fleuve est très mal connu, avec des systèmes de dunes immergées, ou "barkhanes", de plus de dix mètres de haut et de centaines de mètres de large qui se propagent à une vitesse distincte de celle des eaux du fleuve. La profondeur de cette couche de fond, la formation et la course de ces dunes restent à explorer.
Or, ce fond du fleuve Amazone reste inconnu, et en apprendre plus à son sujet pourra aider à mieux comprendre les variations climatiques actuelles et passées, ou encore les modifications induites par les changements régionaux, telles que la déforestation.
Le fleuve Amazone transporte plus d'un milliard de tonnes de sédiments par an jusqu'à l'océan Atlantique, sur différentes échelles de temps allant de quelques semaines jusqu'à des milliers d'années, en fonction des conditions climatiques et tectoniques, et il existe ainsi un lien direct entre le transport sédimentaire mesuré dans le fleuve et le climat global, et la mesure de ces flux de matières offre donc un regard sur le climat actuel et récent.
Au cours de la campagne AMANAUS sont déployés des outils d'hydrologie, de télédétection, de géochimie, de sismique et d'acoustique marine. Les données seront analysées par les équipes franco-brésiliennes et permettront également de compléter les observations du service national d’observation HYBAM qui enregistre les changements du cycle de l'eau en Amazonie depuis 20 ans.
Particulièrement ambitieuse, la campagne est réalisée simultanément avec deux bateaux sur un trajet de 700 kilomètres et se déroule durant le pic de la crue annuelle de l'Amazone, avec des débits de plus de 220 000 m3/s, période où les eaux du fleuve se déversent dans le lit majeur, dépassant fréquemment les 20 kilomètres de large.
Un premier bateau se focalise sur les flux en suspension dans la colonne d'eau, directement influencés par le climat actuel et la dégradation de l'environnement amazonien, et réalise des mesures de débits, radiométriques, sédimentaires et géochimiques. Ces mesures seront notamment exploitées pour calibrer les images satellites qui permettent de suivre à haute résolution les flux sédimentaires depuis l'espace dans le cadre des projets d'hydrologie spatiale développés par l'IRD avec l'Agence de l'eau du Brésil. Le second bateau, en sondant le fond du fleuve, permet d'atteindre des dépôts sédimentaires d'âges variés, témoins des contrôles géodynamiques et climatiques sur des milliers d'années. L'intégration des différentes mesures donnera une vue inédite sur les transferts de matières continentaux et leur variabilité à court et long terme.
Damien CHAILLOT