Congrès de l'UICN à Marseille : Un sommet pour enrayer la perte de la Biodiversité

© Office français de la Biodiversité

Congrès de l'UICN à Marseille : Un sommet pour enrayer la perte de la Biodiversité

Précédé de trois jours de travaux sur le droit de l’environnement, des rencontres d’expert, le Congrès Mondial de l’UICN (union internationale de conservation de la nature) s’est ouvert le 3 septembre à Marseille. 

 

C'est par un tableau artistique, mêlant sons, images et corps de trois troupes de jeunes marseillais que cet événement mondial sur la biodiversité a été lancé ce vendredi. D’abord des jeux d’eau sous les sons merveilleux d’une guitare, des rondes de pingouins, d éléphants, puis viennent cithares et  tambourins pour accompagner des corps dansant face aux déserts et  aux profondeurs de l’océan. Enfin « HOPE ». Sur fond de villes bétonnées, une bourrasque de jeunes s’élance sous un  hip hop  de chants d’oiseaux. Le message parti de la planète Marseille doit monter jusqu’à Kunming (Chine), futur rendez vous pour la biodiversité en Avril 2022. 

Quels sont les enjeux de ce rendez-vous marseillais?

Emmanuel Macron présent depuis deux jours dans la cité phocéenne a officiellement engagé les travaux en soirée « Notre objectif commun est d’inscrire la nature au sommet des priorités internationales car nos destins sont intrinsèquement liés, planète, climat, nature et communautés humaines »

Une déclaration qui demande à être suivie d’effets puisque depuis des années la biodiversité ne cesse de s’appauvrir : 1 million d’espèces aujourd’hui menacées, des centaines déjà disparues, une nouvelle hécatombe possible avec l’ouverture des exploitations minières en haute mer dès 2022. L’objectif est au moins de rassembler toutes les bonnes volontés pour prouver que l’on peut inverser cette tendance. En 2010 les objectifs d’Aïchi avaient déjà tracé la route, ils n’ont pas été suivi et le WWF réclame que soient au moins supprimées « les subventions toxiques » (aux fossiles pour le climat, à certaines pratiques de l’agriculture industrielle pour la biodiversité).

© UICN 

Pas plus que les Conventions onusiennes, les « Alliances » tissées en Janvier  n’ont porté leurs fruits. Certes la barrière verte sahélienne a grignoté  quelques hectares au désert,  mais 45% des financements promis sont mobilisés. L’Alliance pour la préservation des forêts tropicales a grandi. Si elle rassemble désormais 31 pays, elle n’a pas endigué la déforestation effrénée de l’Amazonie par le Brésil. « Ce qui compte déclare Emmanuel Macron, ce sont les effets accélérateurs …Un cercle vertueux existe que nous avons sous estimé.. On sait désormais qu’on ne peut vivre bien sur une planète malade….Le multilatéralisme conduit certes à des décisions mais il faut leur redonner un sens » Et de redécouvrir ce que le club de Rome propose depuis quarante ans : économie, société et environnement sont intrinsèquement liés

Christine Lagarde appuiera ce cheminement,  justifiant sa présence de grande argentière par la nécessité de réorienter les financements vers ce qui ne semblait pas prioritaire. Le Président avait déjà lancé l’idée en promettant une réorientation de la finance au One global Summit en Janvier dernier. Entretemps il y a eu la Covid, le quoi qu’il en coûte, et la biodiversité avait poursuivi son érosion. Alors ce congrès verra t-il, comme beaucoup le souhaite, les connexions se tisser entre climat et biodiversité ?

Quels sont les pouvoirs de l’UICN ?

L’UICN rassemble des représentants de plus de 90 états, mais ce n’est pas une instance onusienne. Contrairement aux COP, ses engagements ne sont pas des obligations pour les états présents. L’UICN inspire le respect que l’on doit aux vieilles dames. Désirée en 1922,  elle voit le jour en 1948 à Fontainebleau, et depuis, ses recommandations définissent tous les quatre ans les grandes orientations de la conservation de la nature. On connaît d’elle surtout la fameuse liste rouge qui régulièrement nous signale les espèces qui s’éteignent. Parmi ces orientations, la France propose un manifeste, des « valeurs pour l’action », une charte éthique

© IUCN 

Cette année, les divers reports des rendez-vous internationaux dus à la COVID confèrent à la rencontre marseillaise une importance toute particulière. Elle devient un moment critique avant Glasgow pour le sommet du climat en novembre 2021(COP26) et avant la Convention biodiversité en Avril 2022 (COP15) à Kunming en Chine.

Au cours de la semaine de travaux qui s’ouvre, tiendra t-elle compte des remarques du chef de l’état hôte : « La gravité des faits actuels n’est plus à documenter. On voit bien que le climat,  la nature et l’humanité sont inséparables».  « Pour la biodiversité, nous devons nous doter d’instruments et de méthodologie. Mesurer et connaître, nous fixer un agenda, des dates, avoir une méthodologie  à ciel ouvert avec les financiers, pas seulement dans les cénacles réservés »

Emmanuel Macron pour donner du poids à ses propos avait rassemblé autour de lui, nombre de personnalités qui ont toutes insisté sur la jonction à effectuer entre climat et biodiversité, qu’il s’agisse de financer l’adaptation des paysans les plus pauvres d’Afrique, de mobiliser les maires des grandes villes pour que cesse l’artificialisation des terres, de sensibiliser davantage les scientifiques dans leur rôle d’éclaireur de nos connaissances. « Nous vivons une transition et les agendas sont à resynchroniser». 

Pour preuve le chef de l'État n’hésite pas à prendre l’exemple d’une de ses contradictions. A son élection, il était pour la signature de l’accord commercial du Mercosur. Aujourd’hui il n’hésite pas à réaffirmer que la France ne peut signer un tel accord si incompatible avec les politiques climat et biodiversité. Les stratégies commerciales héritées des années 60 doivent s’écrire en miroir avec les agendas Climat. Il faut rebâtir les politiques commerciales. Il se promet de donner à la présidence française de l’Union européenne qui s’ouvrira en Janvier 2022 cette recommandation, comme celle de prendre la décision de défendre massivement le plan protéines en Europe seul moyen de donner chair à la SNDI, la stratégie nationale contre la déforestation importée, qui ne concerne pas seulement l’importation des bois comme on pourrait le croire, mais tout ce qui cause la déforestation : le soja, l’huile de palme, le cacao… 

Face à cette vision d’un jour meilleur, maintenant que nous en savons plus sur les menaces et les capacités de résilience, notons deux impuissances : l’interdiction des pesticides ne peut être pour demain,  et la protection de la Méditerranée s’avère très difficile. Mais « le congrès est ouvert , allez mettons nous au travail »

 

Dominique Martin Ferrari pour Outremers 360°