Le ministre délégué aux Outre-mer Jean-François Carenco a annoncé samedi en Martinique une accélération du déploiement du dépistage sanguin des salariés agricoles pour mesurer leur exposition au chlordécone, promettant une généralisation dès le 6 février.
« Ce matin je me suis un peu énervé pour m'assurer qu'au 6 février, les prises de sang (pour mesurer le taux de chlordécone dans le sang, ndlr) se dérouleraient dans toutes les exploitations agricoles », a déclaré le ministre lors de la visite d'une exploitation de bananes au Lamentin (centre de la Martinique). « Il faut soigner, dépister, travailler sur la santé et les conséquences économiques du sujet, travailler aussi sur la recherche. La réparation par l'action est le meilleur des remèdes », a-t-il également exhorté lors d'une rencontre « surprise » à l’occasion de l’Assemblée générale d’une coopérative de petits de producteurs martiniquais, dans la même journée.
L'Agence régionale de santé (ARS) de Martinique a annoncé le 16 décembre le lancement d'une campagne gratuite de dosage du chlordécone directement dans les exploitations. Ces tests étaient déjà possibles auparavant mais peu de travailleurs agricoles y avaient recours en raison de l'éloignement des laboratoires. Cette campagne prévoyait initialement un déploiement « au courant du premier semestre 2023 » dans 23 exploitations bananières de la coopérative Banamart, avant de s'étendre « ultérieurement » à d'autres secteurs agricoles, selon le communiqué de l'ARS. Selon les syndicats, entre 6 000 et 7 000 ouvriers agricoles devraient être testés.
Jean-François Carenco achève samedi un déplacement de trois jours sur l'île, après le non-lieu prononcé début janvier par la justice française dans le scandale du chlordécone, un pesticide utilisé depuis les années 1970 dans les bananeraies de la Martinique et de la Guadeloupe et interdit en 1993 en raison de sa toxicité. « Je reconnais l'humiliation qu'on a fait subir à des gens en faisant traîner cette affaire pendant trente ou quarante ans », avait déclaré le ministre jeudi soir, lors d'une conférence de presse après sa rencontre avec Serge Letchimy, président du conseil exécutif de la Collectivité territoriale de Martinique.
Le 2 janvier, deux juges d'instructions parisiennes ont reconnu un « scandale sanitaire » mais ont mis un point final, sans poursuites, à l'information judiciaire ouverte depuis 2008 sur l'empoisonnement de la population et de l'environnement provoqué par ce pesticide. Vendredi, une manifestation a rassemblé une quarantaine de personnes devant le palais de justice de Fort-de-France pour dénoncer cette décision. Selon un rapport publié le 6 décembre par l'Agence française de sécurité sanitaire (Anses), près de 90% des populations de Martinique et de Guadeloupe sont contaminées au chlordécone. L'expertise Inserm « pesticides et santé » publiée en 2021 a conclu à la présomption forte d'un lien entre l'exposition au chlordécone de la population générale et le risque de survenue de cancer de la prostate.
Parmi les autres sujets évoqués à l'Assemblée générale des petits de producteurs martiniquais : les revendications pour une meilleure rémunération. A cette question, le Ministre délégué a exhorté les exploitants à s’organiser en filière et à travailler avec la Chambre d’agriculture, et les services de l’État et s’est engagé à suivre le dossier.
Avec AFP.