La cour d'appel de Paris a examiné mardi deux questions prioritaires de constitutionnalité (QPC) soulevées par des parties civiles qui contestent l'abandon des poursuites dans le scandale de la pollution à la chlordécone aux Antilles, a-t-on appris auprès de plusieurs avocats.
Les avocats des parties civiles ont soutenu leurs QPC, l'une sur la responsabilité pénale de l'Etat, la seconde sur la définition de l'empoisonnement, à huis clos devant la chambre de l'instruction. Les magistrats diront le 13 novembre s'ils les transmettent ou non à la Cour de cassation, pour une éventuelle transmission au Conseil constitutionnel.
"La cour a été attentive et prend le temps de répondre aux questions posées", a commenté l'avocat de plusieurs personnes physiques, Me Christophe Lèguevaques, qui entend faire reconnaître l'"empoisonnement" dans ce dossier. "L'un des responsables de ce crime d'empoisonnement, c'est l'Etat", estime Me Georges-Emmanuel Germany, avocat de l'association Assaupamar et de personnes physiques.
Environ soixante personnes, membres entre autres des Ultramarins Doubout, de la CGT ou de Greenpeace, se sont rassemblées devant la cour d'appel pour soutenir les recours. On aimerait que nos enfants n'aient pas à reprendre ce combat", a dit Lilith, vêtue d'un T-Shirt du Collectif des ouvriers(ères) agricoles empoisonné(e)s par les pesticides". "Chlordécone partout, justice nulle part", "empoisonnement par le monopole", "empoisonnement par la monoculture", "jugez les Békés coupables, indemnisez toutes les victimes", pouvait-on lire sur les pancartes.
Le 2 janvier 2023, des juges d'instruction du pôle santé publique de Paris avaient abandonné toutes les poursuites dans ce dossier ouvert en 2008, tout en reconnaissant un "scandale sanitaire". Les parties civiles ont contesté cette ordonnance de non-lieu. L'audience pourrait avoir lieu en 2025, selon plusieurs avocats.
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Le 24 avril, la procureure générale de Paris, Marie-Suzanne Le Quéau, avait annoncé avoir demandé la confirmation de l'abandon des poursuites."Ne méconnaissant pas le drame sanitaire et humain que constitue la pollution à la chlordécone", le parquet général estimait "que les faits dont étaient saisis les magistrats instructeurs n'ont pu être caractérisés sur le plan pénal ou qu'ils se trouvent, pour certains d'entre eux, couverts par la prescription de l'action publique".
La chlordécone, pesticide répandu dans les bananeraies pour lutter contre le charançon, a été interdite aux Etats-Unis dès 1975, mais est restée autorisée en France jusqu'en 1990, et même jusqu'en 1993 -quinze ans après les premières alertes de l'OMS- aux Antilles, où elle a bénéficié d'une dérogation.
Aux Antilles, le non-lieu prononcé avait provoqué beaucoup d'amertume.
Plus de 90% de la population adulte en Guadeloupe et Martinique est contaminée, selon Santé publique France, et les populations antillaises présentent un taux d'incidence du cancer de la prostate parmi les plus élevés au monde.
Avec AFP