Le trafic aérien, et notamment Outre-mer, est en bonne forme a constaté la Fédération nationale de l’aviation et ses métiers (FNAM). Celle-ci pointe toutefois des inquiétudes, à commencer par la possible grève jeudi des contrôleurs aériens, dans un contexte de fortes attentes en amont des Jeux olympiques.
Comme à l’accoutumée, la FNAM, présidée par Pascal de Izaguirre, également PDG de Corsair, tient sa conférence de presse de la fin de la saison hivernale et avant l’été qui, cette année, s’annonce particulière avec les JO de Paris 2024. Une conférence qui s’est tenue ce mardi aux côtés de Christine Ourmières-Widener, dirigeante des compagnies du groupe Dubreuil (Air Caraïbes et French bee) et du secrétaire général du groupe Air France - KLM, Alexandre Boissy.
Sur les chiffres d’abord, l’année 2023 a tenu ses promesses. La Fédération note un « trafic de, vers et au sein du territoire français » qui « a atteint 94,5 % du trafic de 2019 avec le mois de décembre 2023 atteignant 100% du niveau de trafic de décembre 2019 ». Le trafic international, lui, est au niveau d’avant crise et « le trafic DROM dépasse celui de 2019 ». Quant aux trois premiers mois de l’année, le trafic France entière atteint 96% du trafic de 2019. Une hausse générale qui ne bénéficie toutefois pas au trafic domestique (intra-hexagonal), qui « souffre ».
Les compagnies toujours en contentieux contre la SARA
Pour autant, si « la hausse des coûts combinée à une forte demande s’est traduite par un renchérissement du prix des billets », note la FNAM, « l’envie et le besoin de voyager sont là » assure Pascal de Izaguirre qui souligne les tensions sur la chaîne d’approvisionnement ou encore, la hausse des prix de l’énergie et du kérosène comme autant de pénalités qui pèsent sur les compagnies. Mais là encore, « les DROM continuent de bénéficier d’une offre de voyage importante » malgré ces « tarifs qui progressent dans un environnement de hausse généralisée des coûts et notamment du kérosène ».
« Notre sujet prioritaire qui a été dans les actions en cours sur le prix du kérosène aux Antilles et en particulier les actions que nous avons avec la SARA (Société anonyme de la raffinerie des Antilles) », précise Christine Ourmière-Wiedener. Pour rappel, la FNAM et les compagnies aériennes ont fait appel à la justice pour dénoncer la hausse des prix du kérosène aux Antilles en juin 2022, opérée par la monopolistique SARA. Une hausse de 15%, demandée par l’État, pour ne pas augmenter l’essence et donc, le prix à la pompe dans les stations.
Qu’elle qu’en soit l’issue judiciaire intentée par Air France, Air Caraïbes et Corsair, cette hausse « impacte le prix qui est affiché pour nos clients » rappelle la dirigeante des compagnies Dubreuil. Autre « conséquence directe » de cette hausse : une « distorsion par rapport à certains autres coûts de kérosène dans la région » caribéenne. Toujours en Outre-mer, la FNAM prévoit encore « des hausses importantes du fait de la réglementation environnementale qui se met en place ». Une étude est d’ailleurs en cours pour mesurer les surcoûts induits par les réglementations environnementales sur la continuité territoriale.
JO de Paris 2024 : un effet « difficile à appréhender »
Sur les perspectives estivales, il va sans dire que le secteur attend beaucoup des Jeux olympiques. Début 2024, l'Office du tourisme parisien constatait un « volume de réservations aériennes internationales à date pour les Jeux Olympiques », du 26 juillet au 11 août 2024, à destination des aéroports Paris-Orly et Paris-CDG « en hausse de + 115,5% par rapport à la période du 26 juillet au 11 août 2023 ». Une prévision à contre-courant avec le récent constat des hôteliers parisiens qui peinent à faire le plein de réservations, voire accusent des annulations.
Les compagnies se montrent, elles, plus prudentes. Certes, « la dynamique se poursuit » sur le front du trafic aérien, mais « l’effet JO est difficile à appréhender ». En cause : le comportement des consommateurs qui pourraient réserver leurs billets d’avion à la dernière minute, tandis que Pascal de Izaguirre souligne le rapport contraire entre effet dissuasif des JO, autrement dit l’envie d’éviter Paris, face à l’effet positif. Quoiqu’il en soit, le secteur se dit « prêt pour ces JO » qui seront « une vitrine pour la France autant que pour les compagnies françaises ».
Entre 65 et 75% de vols annulés à partir de jeudi
Dans l’immédiat, les compagnies aériennes françaises affichent leurs inquiétudes, voire leur agacement, à deux jours de la grève annoncée des contrôleurs aériens aux aéroports de Paris. La FNAM s’attend à des annulations « considérables » des vols ce jeudi, alors que les aiguilleurs du ciel français prévoient une « mobilisation record » après l'échec de négociations sur les mesures d'accompagnement d'une refonte du contrôle aérien, en particulier des hausses de salaire.
« On nous a parlé de 75% de vols supprimés à Orly et de 65% à Roissy-Charles de Gaulle. Ça aura un impact énorme » entrevoit Pascal de Izaguirre, qui dénonce au passage l'argumentaire du premier syndicat des contrôleurs aérien, le SNCTA, qui estime que ces hausses de salaires sont sans impact pour le contribuable puisque le budget de la DGAC est abondé par les redevances acquittées par les compagnies aériennes. Mais pour Pascal de Izaguirre, ce coût supplémentaire « serait répercuté in fine sur le passager ».
D’après les chiffres avancés par le dirigeant de Corsair, l’impact des grèves du contrôle aérien atteint en France une somme de 624 millions d’euros, sur la période 2018-2022, contre 800 millions sur l’ensemble de l’Union européenne, sur la même période. Autrement dit, la France concentre 80% des pertes financières dues aux grèves du contrôle aérien, loin devant l’Italie (147 millions d’euros sur la même période) et la Grèce (22 millions).
Concernant les impacts de cette possible grève sur les Outre-mer, Christine Ourmière-Wiedener se veut rassurante : si des retards pourraient avoir lieu, la continuité territoriale sera assurée, bien que pour l’heure, les dirigeants des compagnies sont dans l’attente de l’impact exacte qu’aura la mobilisation sociale sur le trafic aérien. Une possible grève qui jette aussi le doute sur la trêve olympique promise par le SNCTA et l’Unsa ICNA en septembre dernier.
Érosion du « pavillon français »
Parmi les autres inquiétudes de la FNAM, le constat une nouvelle fois en 2023 de l’érosion des parts de marché du « pavillon français », à savoir les compagnies aériennes basées en France, premier marché entrant mondial, qui, à 38% à l’internationale, perd encore un point. Pour Pascal de Izaguirre, les raisons sont multiples : une distorsion de la concurrence, la fiscalité, la transition énergétique des compagnies « pas encouragée par l’État », l’accès aux infrastructures ou encore, les marchés européens et mondiaux dans lesquels les normes sociales et environnementales ne sont pas les mêmes, parfois moins exigeantes.
« Il serait important que les acteurs se rendent compte des investissements colossaux des compagnies aériennes » assène la dirigeante des compagnies Dubreuil qui rappelle, avec ses collègues de Corsair et Air France, avoir misé sur des appareils nouvelle génération, pour à la fois limiter la consommation de kérosène, l’empreinte carbone et les nuisances sonores. Autre sujet qui, dans l’Hexagone, est au cœur des discussions avec notamment les riverains de l’aéroport d’Orly qui demande à étendre le couvre-feu limité à 23h.