60 ans du SMA : Thierry Laval, commandant Le SMA : « Générations après générations, nous avons construit notre crédibilité et la confiance»

60 ans du SMA : Thierry Laval, commandant Le SMA : « Générations après générations, nous avons construit notre crédibilité et la confiance»

© Outremers360

Depuis sa création en 1961, le Service Militaire Adapté (SMA) a formé des milliers d’ultramarins. Alors que ce dispositif fête cette année ses 60 ans d’existence, Outremers 360 s’est entretenu à cette occasion avec le Général Thierry Laval, commandant le SMA.  Le Général Thierry Laval revient sur l’attractivité de l’institution, les nombreux programmes innovants et  les nouveaux défis du SMA dans les territoires . Une année importante en évènement !

Outremers 360:  Vous revenez d’un voyage en Polynésie française où vous avez commencé les célébrations des 60 ans de la création du SMA, quelles sont les images fortes que vous retenez de ce déplacement ?

Général Thierry Laval, Commandant le SMA : Lors de ma visite de commandement en Polynésie, j’ai constaté un remarquable partenariat avec les institutions du pays. J’ai été reçu par le Président Edouard Fritch, par la Ministre de l’Éducation et la Ministre du travail. J’ai rencontré également la maire d’Hiva Oa, aux Marquises, où nous avons une de nos trois emprises. Ce qui m’a frappé c’est la manière très imbriquée, très associée, très intime dont ces autorités mènent leurs actions avec le SMA.
Le SMA de Polynésie est le plus jeune de nos sept régiments. Il fêtera cette année ses 32 ans d’existence. Nous accueillons chaque année un peu plus de 600 Polynésiens de l’île de Tahiti et des archipels.

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Rencontre du Général Thierry Laval avec le Président Edouard Fritch © SMA

Outremers 360 : Comment le SMA est perçu en Polynésie française?

 Général Thierry Laval : Ils apprécient chez nous, notre capacité à s’adapter aux besoins du territoire, du Pays. A titre d’exemple, nous avons créé une filière lagonaire, nous avons acheté un bateau et tous les équipements qui vont autour, qui permettent de former les jeunes Polynésiens aux métiers de la mer à travers deux dimensions : la pêche artisanale et leurs capacités à accompagner des touristes sur des activités aquatiques en mer, en toute sécurité.
J’ai passé un fabuleux moment avec la filière des métiers de la terre sur l’île de Tubuai, aux îles australes. J’ai découvert pendant 2 heures et demi le faa’pu, le jardin polynésien avec une approche pédagogique tournée vers la permaculture, vers l’apprentissage des modes de productions agricoles respectueuses de l’environnement. J’ai vraiment pu constater que la formation que nous délivrons à nos jeunes leur permettait de se projeter dans une autonomie avec de bonnes pratiques et de bonnes méthodes.
D’ailleurs sur ce site où nous sommes installés, il existe de vieux caféiers qui sont abandonnés depuis longtemps. Nous allons donc nous équiper de machines pour produire du café, de manière assez artisanale, pour aller de la récolte des cerises jusqu’au conditionnement torréfié en grains ou moulu.
Avec ces jeunes, j’ai planté un arbre du voyageur, un manguier et un flamboyant sur nos trois  sites différents. C’est un symbole à la fois d’espérance et de lien entre ce que nous sommes et l’héritage que nous faisons fructifier. En quelque sorte le symbole des graines que nous plantons pour accompagner l’avenir de cette jeunesse.

Outremers 360 : Cette année, le SMA célèbre ses 60 ans d’existence. Avoir 60 ans cela veut dire quoi pour le SMA?

Général Thierry Laval : C’est l’âge de la maturité, l’âge où on fait le bilan, où l’on doit se réinventer pour construire l’avenir, et être un dispositif adapté aux besoins des territoires.
Le SMA est né en décembre 1961, à l’initiative du Général Nemo qui commandait les forces militaires aux Antilles-Guyane. Il a ensuite  essaimé à La Réunion , Mayotte et dans le Pacifique. Nous allons célébrer ce 60ème anniversaire avec un beau livre qui porte des témoignages de ce qu’a été le SMA à l’époque de sa création puis lors de ses différentes évolutions, notamment à la fin des années 1990 lorsque la conscription a été suspendue et que nous sommes passés en mode volontariat.
Depuis une vingtaine d’années, nous n’accueillons plus que des volontaires, 6000 par an. C’est un véritable défi ! Les 80% de jeunes insérés ces dernières années, les familles, les autorités que nous avons rencontrées, nous montrent que ce challenge a été relevé.

Nous allons  aussi marquer ces 60 ans par un événement mémoriel où nous allons rassembler des délégations de jeunes de chaque régiment qui vont être invités au Ministère des Outre-mer pour témoigner de leurs expériences, de leurs parcours, de leurs vies. Témoigner pour montrer que l’aventure SMA a été pour eux, un espace pour se retrouver, se construire, se projeter, et reprendre leur avenir en main quoiqu’on ait pu dire d’eux avant. C’est une belle démonstration de ce que nous vivons d’ailleurs  dans les armées, lorsque nous nous occupons de jeunes, lorsqu’on les respecte, les  fait grandir, ils sont au rendez-vous, ils sont là !
Dans les armées, c’est pour aller en opération, pour protéger les populations et au SMA, c’est pour les faire grandir, pour lutter contre la précarité mais aussi pour les faire participer à des missions d’assistance à la population. En 2020 ce sont plus de 2000 militaires du SMA qui ont été engagés aux côtés des armées face à la Covid, contre la dengue sur tous les territoires, ou encore la lutte contre les incendies en Nouvelle-Calédonie.

Visite d'un des ateliers du Régiment de Polynésie © SMA

Visite d’un des ateliers du Régiment de Polynésie © SMA

Outremers 360 : Comment expliquer, au fil des années, l’attractivité du SMA auprès des jeunes?

Général Thierry Laval : Je crois que si le SMA est aussi attractif, c’est parce qu’il est efficace ! Générations après générations, nous avons construit notre crédibilité, la confiance. Aujourd’hui, les territoires font confiance au SMA pour trouver une solution à chacun de nos 6000 volontaires. Pour certains, c’est une suite logique dans leur construction en tant que citoyen, individu et acteur économique. Pour d’autres, c’est une ultime chance! Nous avons une multitude de profils très variés.
Nous accompagnons la relance économique des territoires en formant des jeunes qualifiés, des jeunes compétents qui s’insèrent. C’est un grand facteur de satisfaction. D’ailleurs, je constate en effectuant le bilan de l’exercice 2020, qu’en dehors des secteurs sinistrés comme le tourisme, la restauration dans une certaine mesure et la mobilité pour la poursuite de formation, les taux d’insertion restent stables autour de 80% malgré la crise sanitaire et l’impact sur les économies réelles. C’est ce gage de crédibilité qui construit la confiance et qui fait que chaque année 6000 jeunes nous rejoignent.

Outremers 360 :  Comment rester jeune et moderne quand on a 60 ans et comment le SMA s’adapte aux nouveaux besoins des territoires?

Général Thierry Laval : Nous avons un dialogue avec les entreprises du pays, à travers les institutions départementales, régionales, ou l’autorité du Pays dans le Pacifique. Nous cherchons à adapter notre offre de formations, nos filières aux enjeux économiques de chaque territoire.
Nous menons des campagnes d’information pour expliquer qui nous sommes, « ces militaires qui ne forment pas de combattants et dont les victoires portent sur les champs sociaux et économiques. Si dans les Outre-mer, tout le monde connaît le SMA,  et c’est un peu le paradoxe et il faut expliquer et  réexpliquer ce que nous faisons, la manière dont nous le faisons avec certes une discipline, mais une discipline qui permet de grandir, de retrouver la notion de respect, le sens de l’effort, du collectif grâce à une pédagogie exigeante et bienveillante.
C’est un défi renouvelé chaque année pour accueillir  les nouvelles cohortes de jeunes.Nous devons les convaincre et rassurer les familles, notamment les mamans.

Outremers 360 : En 2021, pouvez vous nous dire les nouveautés du SMA à destination des jeunes et des volontaires ?

Général Thierry Laval : Nous allons continuer à nous ouvrir davantage – et cela a été décidé par le Ministre des Outre-mer- aux jeunes mamans célibataires. Pour cela, nous sommes en train de travailler avec des partenaires pour ouvrir des crèches. Ces crèches permettront d’accueillir le jour, les enfants pendant que leurs mères sont en train d’apprendre avec nous un métier. A cela sera associé, ce que j’appelle,  « la maison des mamans» pour que les familles puissent se retrouver le soir à la fin des activités. C’est un très gros projet, techniquement compliqué avec une réglementation pointue. Nous souhaitons aussi le faire en partenariat avec des acteurs territoriaux et à proximité du régiment. Nous avons bien avancé sur des expérimentations qui se  mettent en place à La Réunion et en Guadeloupe. Fort de cette expérience, nous dupliquerons sur l’ensemble des 7  territoires où nous sommes implantés.
L’autre volonté, c’est l’ouverture à une nouvelle catégorie de volontaires, les volontaires jeunes cadets. Jusqu’à présent, nous n’accueillions qu’à partir de 18 ans. Nous allons travailler avec les rectorats en proposant d’accueillir des jeunes en situation de décrochage ou pré-décrochage scolaire. Cela est nouveau car il s’agit de mineurs. A titre de première mise en place, nous espérons pouvoir accueillir 30 jeunes par territoire.
Nous allons aussi formaliser notre projet pédagogique et éducatif dans un livret expliquant l’approche du SMA, la mise en place de parcours novateurs, l’intégration du numérique dans notre pédagogie et nos enseignements et l’accompagnement médico-psychologique et social. Nous avons d’ailleurs fini le déploiement de psychologues sur chacun des 7 régiments. Ceci permet, en liaison avec le médecin, l’assistante sociale, d’être à l’écoute de chacun des jeunes et de travailler avec eux sur leur vulnérabilité, leurs fragilités, leur permettre de reconstruire leur estime de soi, d’être aussi un acteur de santé (lutte contre le diabète, contre les addictions,etc…).
Le troisième effort que nous allons poursuivre, c’est permettre l’obtention du permis pour tous. Le permis est un sésame durable pour une insertion, l’accès au travail, les déplacements.

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© SMA

Outremers 360 : Avez-vous prévu d’organiser des temps forts autour de cette commémoration ?

Général Thierry Laval : Il y aura des temps forts territoriaux. Chaque régiment va organiser avec les autorités de son territoire, de son lieu d’implantation, des activités qui vont commémorer cette aventure du SMA dans les Outre-mer.
Chaque régiment a imaginé « des défis  Nemo», en référence au Général qui a créé le SMA. A titre d’exemple, en Polynésie, les jeunes ont écrit un hymne en langue polynésienne, qui raconte leur parcours. C’est le code du volontaire du SMA revisité par ces jeunes qui va s’accompagner d’un haka.
En  Guadeloupe, ils vont customiser un food-truck, en partant d’un vieux véhicule et  en mobilisant toutes les filières (les mécaniciens, carrossiers, peintres, électriciens, les cuisiniers), et recréer un food-truck permettant  aussi d’y apprendre le métier de la restauration rapide.
A La Réunion, nous avons un défi Nemo tourné autour de réalisations artistiques où un groupe d’une douzaine de stagiaires est en train d’écrire des textes, des poèmes. Accompagné d’un écrivain et le soutien du Département et d’une maison d’édition, nous allons publier un livre écrit par ces jeunes.
Nous mobilisons à Mayotte, une sculptrice de renommée internationale qui va être en résidence pendant deux mois au sein du SMA de Combani. Elle accompagnera  les stagiaires dans la réalisation d’une sculpture monumentale. Chaque régiment  présentera son défi Nemo.
Tous ces rendez-vous permettent de mobiliser un groupe de jeunes autour d’un projet soit culturel, soit de réalisation multi-métiers. Ce sont autant de projets Nemo qui vont ponctuer l’année 2021, année mémorielle des 60 ans du SMA.
Nous aurons donc les défis Nemo, nous aurons l’événement annuel dans les jardins du Ministère des Outre-mer. Nous aurons la publication d’un livre qui retrace l’histoire de ces 60 ans d’aventure au service de la jeunesse des Outre-mer. L’année sera riche en  humanité !

Outremers 360 : Comment voyez vous le rôle du SMA dans les années à venir pour les jeunes ultramarins?

Général Thierry Laval : Le Service. Toujours cette même notion d’être au service de cette jeunesse, tant qu’il y en a besoin. Certains territoires ont moins de jeunes et un peu plus de personnes âgées, donc sur ces territoires, nous faisons évoluer nos métiers vers les  services d’aides à la personne. D’autres territoires sont en plein boom démographique, je pense à Mayotte et à l’Ouest guyanais. Là encore, les besoins sont importants, les  territoires, les populations comptent  sur nous pour les accompagner.

Outremers 360 : Et pour les entreprises et les institutions locales ?

Général Thierry Laval : Je crois aujourd’hui que ces relations sont bien ancrées. L’enjeu pour nous est de faire connaître ce que nous sommes, ce que nous pouvons proposer à ces autorités. Rien de pire que l’habitude ! L’habitude entraîne la routine, elle entraîne l’appauvrissement et la dégradation. Nous sommes très ouverts, très adaptables, flexibles, extrêmement réactifs. Le dialogue avec nos partenaires économiques et sociaux est  essentiel pour que nous puissions comprendre les besoins immédiats, à long-terme, à court-terme pour être capable de mobiliser des ressources, nous réorganiser autant que besoin. Finalement, notre unique préoccupation est l’insertion des jeunes que nous recrutons sur ces territoires et leur insertion dans leur territoire en priorité.

Outremers 360 : Une phrase, un mot pour qualifier les bénéfices du SMA?

Général Thierry Laval : Je dirais juste, – et c’est le slogan que nous avons repris pour cette année commémorative. Il s’adresse aux jeunes mais aussi à leur famille, aux populations et aux entreprises : votre réussite est notre mission !