Dans une tribune, la Fédération des Entreprises Outre-mer (FEDOM) dénonce un amendement du gouvernement « visant à modifier rétroactivement les contrats de vente d’électricité photovoltaïques conclus avant 2011 ». Un amendement qui aurait « des conséquences économiques désastreuses pour les opérateurs » et « en contradiction avec (les) recommandations issues notamment de la loi de transition énergétique ».
Le gouvernement va déposer, dans les jours à venir, un amendement au PLF 2021 visant à modifier rétroactivement les contrats de vente d’électricité photovoltaïques conclus avant 2011. La principale justification mise en avant par le gouvernement serait la « sur-rentabilité » desdits contrats à l’égard des opérateurs concernés.
Or, rappelons-lui que ces tarifs avaient été établis par l’État en fonction des coûts réels du photovoltaïque. Ils reflétaient donc l’ampleur des investissements et le niveau de risque portés par les pionniers qui ont permis à la France de se doter d’une filière ENR solaire.
La remise en cause rétroactive de ces contrats entraînerait des conséquences économiques désastreuses pour les opérateurs qui ont financé la croissance de leurs entreprises grâce à leurs premiers projets solaires : perte de chiffre d’affaires des centrales, incapacité à honorer leurs engagements vis-à-vis des banques, des sociétés d’exploitation, des sociétés de maintenance, des assureurs, risque de faillite des sociétés de projets à l’heure où le gouvernement cherche par ailleurs à faire émerger les ETI de la transition énergétique de demain.
En remettant en cause sa parole de manière rétroactive, l’État se met aussi en contradiction avec ses propres recommandations issues notamment de la loi de transition énergétique ainsi qu’avec les programmations pluriannuelles de l’énergie. Pour mémoire, le poids du solaire dans les mix énergétiques Outre-mer est particulièrement important (à La Réunion, le photovoltaïque représente 27% du total de la production d’électricité renouvelable).
Cette mesure vise à faire une économie annuelle qui se chiffre à plusieurs dizaines de millions d’euros pour les seuls Outre-mer, aussi nous souhaitons solennellement alerter le gouvernement et notre ministre des Outre-mer sur le fait que pour les économies ultramarines, les conséquences négatives de cette remise en cause seront décuplées par rapport à l’hexagone. Pour les principales raisons suivantes :
- D’une part, la très forte pénétration de la production photovoltaïque dans les ZNI (zones non-interconnectées) entraînera une baisse de revenu disproportionnée et punitive pour ces territoires
- D’autre part, les conditions climatiques extrêmes en milieu tropical entraînent des dégradations prématurées des panneaux solaires qui abaissent significativement les rendements et conduisent à des coûts d’exploitation plus élevés que dans l’hexagone ;
Enfin l’absence de marché de l’électricité dans les ZNI, et donc l’impossibilité pour les producteurs de pouvoir, à terme ou en cas de disparation prématurée des tarifs d’achat, vendre l’électricité au « prix de marché » (à la différence de l’hexagone), représentent un désavantage et une fragilité majeure dans les modèles économiques des centrales situées dans les ZNI avec en pratique un effet discriminant par comparaison avec les modèles économiques des centrales raccordées aux grands réseaux continentaux.
Et comme si cela ne suffisait pas, le mode de financement actuel des centrales photovoltaïques (avec des ratios d’endettement très élevés compte tenu notamment de la forte intensité capitalistique de ce type d’investissement) générera un risque élevé de faillite avec, en effet domino, des conséquences désastreuses sur le tissu économique et l’emploi local.
Nous demandons en conséquence au gouvernement que les Outre-mer soient exclus de cette mesure brutale afin de ne pas mettre à genoux une filière essentielle au développement économique durable de nos territoires, de ne pas briser la confiance avec les investisseurs et de ne pas créer localement de nouvelles incompréhensions dans un tel contexte de crise économique et sociale.
Crédits photo « une » : Nicolas Job / Heos Marine Pacifique / Quadran Pacific (Illustration)