Au moment où le nouveau Président de la République du Suriname, Chandrikapersad « Chan » Santokhi, prend ses fonctions présidentielles, Patrick Lingibé, Avocat spécialiste, rappelle le régime constitutionnel de cet État sud-américain qui partage ses frontières avec trois pays : la France à travers la Guyane, le Brésil et le Guyana.
Quelle est la Constitution du Surinam ?
L’actuelle Constitution du Surinam a été adoptée par la corps électoral surinamien en 1987 et est entré en vigueur le 30 octobre 1987. Elle a été modifiée en 1992. Le Préambule de cette Constitution permet de connaître la philosophie politique et constitutionnelle dans laquelle s’inscrit ce pays :
« NOUS, LE PEUPLE DU SURINAM,
Inspiré par l’amour pour ce pays et la croyance dans la puissance du tout puissant et guidé par la lutte longue des siècles de nos personnes contre le colonialisme, qui a été terminé par l’établissement de la république du Surinam le 25 novembre 1975,
Prenant en compte la lutte conséquente contre la colonisation néo-colonialiste et le processus de la rénovation des relations sociales qui a débutée le 25 février 1980,
Conscient de notre devoir pour combattre et empêcher chaque forme de domination étrangère, résolu pour défendre et protéger la souveraineté, l’indépendance et l’intégrité nationales, assuré de la volonté pour déterminer notre développement économique, social et culturel dans l’égalité et la démocratie aussi bien que les droits fondamentaux et les libertés de l’homme,
Inspiré par un esprit civique et par la participation à la construction, à l’expansion et à l’entretien d’une société qui socialement juste, déterminé à collaborer entre eux et avec tous les peuples du monde sur la base de la liberté, de l’égalité, de la coexistence paisible et de la solidarité internationale, DECLARONS SOLENNELLEMENT, POUR ACCEPTER, EN RAISON DU PLEBISCITE A TENIR, LA CONSTITUTION SUIVANTE ».
Aux termes de l’article 1er de la Constitution surinamienne, la République du Surinam est « un état démocratique basé sur la souveraineté des personnes et sur le respect et la garantie du droit fondamental et des libertés ».
La dénomination juridique de l’Etat surinamien est République du Suriname.
Quel est l’organisation administrative du Suriname ?
Le Suriname (Surinam) est le plus petit Etat d’Amérique du Sud avec une superficie de 163 000 km2. Il est de type unitaire : il n’a donc pas d’Etats fédérés comme son voisin le Brésil. Il est très étatique et centralisateur, les structures administratives infra étatiques qui existent n’ayant pas une autonomie comparable aux structures locales françaises et encore moins brésiliennes.
La République du Surinam est administrativement divisée en dix districts :
– district de Brokopondo, d’une superficie de 7 364 km2
– district de Commewijne, d’une superficie de 2 353 km2
– district de Coronie, d’une superficie de 3 902 km2
– district de Marowijne, d’une superficie de 4 627 km2
– district de Nickerie, d’une superficie de 5 353 km2
– district de Para, d’une superficie de 5 393 km2
– district de Paramaribo, siège de la capitale surinamienne, d’une superficie de 183 km2
– district de Saramacca, d’une superficie de 3 636 km2
– district de Sipaliwini, d’une superficie de 130 567 km2
– district de Wanica, d’une superficie de 442 km2
Quel organe représente le Parlement au Suriname ?
Aux termes de l’article 55 de la Constitution surinamaise, le Pouvoir Législatif est représenté par l’Assemblée Nationale, lequel représente le peuple de la République du Surinam et exprime la volonté souveraine de la nation. Selon le même article, l’Assemblée Nationale est l’organe le plus élevé de l’Etat surinamien.
Les membres de l’Assemblée Nationale sont élus pour cinq ans directement par les habitants ayant la nationalité surinamienne et âgés de 18 ans au moins. L’Assemblée Nationale est composée de 51 membres élus par secteur sur la base du système de la proportionnelle associant une pondération avec des votes préférentiels.
C’est l’Assemblée Nationale qui élit le Président et le Vice-Président de la République du Suriname.
Quel organe représente le Pouvoir Exécutif au Suriname ?
Aux termes de l’article 90 de la Constitution, le Pouvoir Exécutif est représenté par le Président de la République du Suriname. Il est le chef de l’Etat, le chef du gouvernement, le président du Conseil de l’Etat et celui du Conseil de sécurité. Il est responsable devant l’Assemblée Nationale, celle-ci le nommant avec le vice-président pour un mandat de cinq ans.
Le gouvernement surinamien est formé par le président, le vice-président et le conseil des ministres. Le conseil des ministres qui est l’organe administratif du gouvernement est formé des ministres nommés par le Président de la République. Il est présidé par le Vice-Président (et non par le Président). Le nouveau Vice-Président de la République du Suriname qui a été élu en même temps que le Président de la République par l’Assemblée Nationale est Ronnie Brunswijk.
Qui représente le Pouvoir Judiciaire au Suriname ?
Aux termes de l’article 133 de la Constitution surinamaise, le Pouvoir Judiciaire est formé par le Président et le Vice-Président de la Cour de justice, les membres et les sous-membres de la Cour de justice, le Procureur général de la Cour de justice, les autres membres du parquet, ainsi que d’autres fonctionnaires judiciaires indiqués par la loi.
La loi peut prévoir que les personnes qui n’appartiennent pas au pouvoir judiciaire participent également aux activités du pouvoir judiciaire.
Le Président, le Vice-Président, les membres et les membres adjoints de la Cour de justice constituent le pouvoir judiciaire chargé de l’administration de la justice.
C’est la loi qui détermine l’organisation, la composition et la compétence de la justice de la République surinamaise en application de l’article 138 du texte constitutionnel surinamais.
L’article 139 de la Constitution surinamaise fait de la Cour de justice du Suriname l’instance suprême du pouvoir judiciaire chargée de l’administration de la justice. Elle supervise le cours régulier et le règlement de toutes les poursuites.
L’article 144 de la Constitution prévoit également une Cour constitutionnelle qui est un organe indépendant composé d’un président, d’un vice-président et de trois membres, qui – ainsi que les trois membres adjoints – est nommé pour une période de cinq ans sur recommandation de l’Assemblée nationale. Cette juridiction constitutionnelle est chargée notamment de vérifier l’objet d’actes ou de parties de celles-ci contre la Constitution et contre les accords applicables conclus avec d’autres États et avec l’organisation internationale.
Quels sont les organes locaux au Suriname ?
Il existe des organes locaux au Suriname mais la conception est différente de celle appliquée en France et au Brésil. En effet, ces organes territoriaux relèvent davantage de la déconcentration que de la décentralisation stricto sensu.
La Constitution surinamienne consacre un chapitre XXI sur les gouvernements régionaux, étant précisé que le territoire est divisé en secteurs et en secteurs de départements.
Au niveau régional, deux organes apparaissent :
– les District Council, lesquels sont les organes politico-administratifs suprêmes du secteur
– les Conseils de département, lesquels les organes politico-administratifs suprêmes du département
Ces deux organes sont des relais de l’Assemblée Nationale.
Dans chaque secteur, il y a une administration de secteur qui est l’organe exécutif du secteur. Cette administration est composée d’un commissaire de secteur, nommé, et des représentants des ministères dans le secteur.
Il s’agit donc d’une administration infra étatique locale relevant de l’Etat chargée d’appliquer aux échelons locaux la politique définie au sommet de l’Etat. C’est le système de déconcentration appliquée en France par l’Etat au travers des préfets de région, préfets de département, des sous-préfets d’arrondissement et des maires agissant au niveau de la commune ès qualité de représentant de l’Etat.
Patrick Lingibé
Vice-Président de la Conférence des Bâtonniers de France
Ancien membre du Conseil national des barreaux
Bâtonnier
Avocat associé Cabinet JURISGUYANE
Spécialiste en droit public
Diplômé en droit routier
Médiateur Professionnel
Membre du réseau d’avocats EUROJURIS
Membre de l’Association des Juristes en Droit des Outre-Mer (AJDOM)