C’est une hypothèse bien ancienne et familière en Polynésie : la mise en place d’une navette maritime entre la Presqu’île et la ville de Papeete, sur l’île de Tahiti, pour désencombrer le trafic routier infernal aux heures de pointe. Mercredi en Conseil des ministres, le gouvernement polynésien dit « se positionner et statuer sur l’opportunité de cette desserte ».
C’est l’armateur Degage qui, en 2021, avait annoncé ses intentions. « On réfléchit à cette piste là parce qu’on sait que les routes sont chargées de voitures. Il y a beaucoup de trafic. On réfléchit déjà depuis longtemps à trouver des solutions. On a pensé à des navires lagonaires mais on voit bien qu’on n’y arrivera pas dans le lagon. (…) On se dit qu’on a l’Aremiti 5 (…) : Pourquoi ne pas essayer une liaison Taravao-Papeete tous les jours. Mais il faut qu’on en discute avec le gouvernement. C’est une ligne qui ne peut être mise en place qu’avec l’accompagnement du Pays ».
L’accompagnement du gouvernement, point essentiel pour la mise en place d’une telle desserte. Et ce dernier semble vouloir avancer en ce sens, non sans prudence, car l’armateur Degage n’est plus le seul à vouloir explorer cette piste. « La desserte maritime entre Papeete et la Presqu’île intéresse des porteurs de projets qui proposent des solutions de transport maritime » constate ainsi l’exécutif local qui révèle, dans son compte rendu du Conseil des ministres, qu’outre le groupe Degage, un « autre opérateur porte un projet de 2 navires à grande vitesse (NGV) passagers pour assurer la liaison Taravao-Papeete en sollicitant une délégation de service public ».
« Il propose aussi, en actionnariat avec la communauté des communes Tereheamanu (communes du sud de Tahiti) et des entreprises de la place, un projet de navire de charge pour une liaison maritime dédiée au transport de marchandises par conteneur » précise-t-on. « Si l’opportunité de création de cette ligne maritime fait l’unanimité, il est nécessaire d’aborder le projet de manière coordonnée et raisonnée entre les différents opérateurs et les institutions concernées » prévient toutefois le gouvernement, citant d’abord « les communes, (…) parties prenantes au transport maritime ». « En effet, la mise en œuvre d’un service de transport maritime entre deux points d’une même commune, ou entre deux communes, relève de leur compétence ».
Conscient que l’hypothèse d’une desserte maritime entre Papeete et Taravao est « source de débat public médiatisé », celle-ci « exige de s’inscrire dans une gestion en mode « projet » dont les objectifs seront de définir le dimensionnement des moyens prenant en compte tous les éléments d’appréciation des coûts d’exploitation » poursuit le gouvernement. « En outre, la gestion du projet devra identifier les besoins, les coûts et les délais de construction ou d’aménagement des infrastructures, en particulier pour l’aménagement du débarcadère Tatutu dans la baie de Phaëton et/ou de lieux de parking ». En effet, si Papeete dispose d’une gare maritime en capacité d’accueillir cette desserte, la Presqu’île de Tahiti est dépourvue d’une telle infrastructure.
Mise en place d'une étude
« L’absence ou l’insuffisance d’éléments de référence pour l’exploitation de cette ligne maritime constitue un obstacle à l’identification des besoins financiers permettant de définir, si tel est le choix retenu, un périmètre équilibré d’une délégation de service public » constate encore le gouvernement qui « doit se positionner et statuer sur l’opportunité de cette desserte comme sur les besoins en financement en résultant ».
Pour se faire, une étude « d’évaluation et de définition du besoin, à laquelle toutes les parties prenantes seront associées, complétée par une analyse financière ciblée, sera bientôt mise en place », a annoncé l’exécutif polynésien. « Son objectif est de déterminer le périmètre acceptable d’un financement public en considération des meilleures options de transport par voie maritime et ainsi répondre aux défis et perspectives à long terme favorisant le développement harmonieux du transport maritime régulier et pérenne entre Taravao et Papeete ».
En attendant les conclusions de celle-ci, le gouvernement reconnaît volontiers que « la desserte de la Presqu’île pourrait être un marché potentiel de transport régulier par voie maritime », alors que le trafic routier sur l’île de Tahiti est congestionné aux heures de pointe. « Les mouvements pendulaires liés au travail, aux loisirs, à la consommation, à la mobilité résidentielle, etc. forment une masse non négligeable entre Taravao et Papeete », constate encore le gouvernement. L’armateur Degage avait estimé une durée de traversée d’1h15 avec son ferry rapide Aremiti 5, qui pour l’heure, est positionné entre Tahiti et les Îles Sous-le-Vent en attendant un remplaçant flambant neuf en 2023.