Tourisme : Des Polynésiens aux sommets des grands noms de l’hôtellerie parisienne et internationale

Karl Teriipaia, Vaimanu Rey, Bruno Teikiteetini et Otime Tauarui ©Outremers360

Tourisme : Des Polynésiens aux sommets des grands noms de l’hôtellerie parisienne et internationale

Jeudi soir à Paris, la rédaction d’Outremers360 rencontrait quatre Polynésiens en poste dans de prestigieux établissements et groupes hôteliers internationaux. Un échange avec également Moetai Brotherson, président de la Polynésie, pour qui ces talents représentent un vivier pour le secteur touristique local.

Elle et ils ont entre la trentaine et la cinquantaine, et officient dans de prestigieux établissements parisiens. C’est d’ailleurs dans l’un d’entre eux, l’Hôtel Mandarin Oriental Paris, que les quatre talents de la Collectivité d’Outre-mer nous ont accueillis,. Et pour cause, l’un d’entre eux, Karl Teriipaia, est l’adjoint au Directeur technique de ce Palace, un label rappelle-t-on, que l’on décerne uniquement aux 5 étoiles qui en plus, offrent des prestations exceptionnelles à leur clientèle.

Natif de Bora Bora, Karl Teriipaia, 37 ans et près de 15 ans d’expérience, a commencé sa carrière sur son île. « Je suis diplômé d’un bac pro construction et aménagement d’un bâtiment » raconte-t-il. « J’ai fait des rénovations de bungalows dans un hôtel de Bora Bora, et j’ai continué au sein de cet hôtel ». C’est en 2016 que le Tahitien prend la décision de quitter son pays en postulant au Journal des Palaces. « Une semaine après j’ai commencé à travailler ici en tant que technicien. Et chaque année, j’ai gravi les échelons ». De « technicien polyvalent », Karl Teriipaia est donc devenu Adjoint Directeur technique du Palace, en passant entre temps les grades de superviseur technique, first superviseur technique et assistant Directeur technique. 

Vaimanu Rey, 33 ans, affiche, lui aussi, un parcours qui force le respect. Après avoir passé cinq années au Lycée hôtelier de Tahiti, il est contacté par le Saint-Régis de Bora Bora, pour y travailler dans la restauration de ce 5 étoiles de luxe. « En 2016, j’ai eu la motivation d’aller voir au-delà » a-t-il expliqué. « En arrivant ici, j’ai postulé partout avant d’être embauché à l’Hôtel du Collectionneur en tant que Comptable client en charge des ambassades et des events ». Au lendemain de la crise covid, Vaimanu Rey rejoint le leader mondial du luxe : LVMH. Surtout, il intègre le Cheval Blanc dès son ouverture, en septembre 2021. 

Moetai Brotherson a rencontré les quatre talents polynésiens entre les murs du prestigieux Mandarin Oriental Paris ©Outremers360

Si pour l’heure le Cheval Blanc Paris ne dispose pas de l’appellation Palace, il n’en est pas moins évocateur d’exception et de luxe inaccessible. D’abord parce qu’il appartient à la filiale hôtelière du groupe LVMH, ensuite parce qu’il est niché au-dessus de la Samaritaine, ce grand magasin de prêt-à-porter dans lequel on retrouve toutes les marques appartenant au groupe, enfin parce que les égéries du groupe y sont logées lors de leur séjours parisiens, comme pendant la Fashion Week. Au printemps dernier, LVMH avait privatisé le Pont-Neuf, face à la Samaritaine, le temps d’un défilé Louis Vuitton griffé Pharrell Williams. Bien évidemment, le géant du luxe a fait loger une partie des célébrités présentes dans son établissement attenant.

À seulement 33 ans, Vaimanu Rey, Responsable comptabilité clients & caissier général, y est plus précisément en charge du crédit et de la facturation client, de la sécurité financière de la maison, du suivi des commissions agences, de la relation clients entre les maisons du groupe LVMH, de la relance et du suivi des paiements clients, du contrôle des recettes ou encore, de la gestion des litiges.

De son côté, Bruno Teikiteetini, 51 ans et originaire des Marquises, est Responsable protocole au sein du groupe Accor. Un poste qui l’amène à gérer l’accueil et le relationnel avec les clients « VIP » du groupe hôtelier. Après un BTH et un BEP Hôtellerie au Lycée du Taaone, sur l’île de Tahiti, Bruno Teikiteetini « a basculé » dans le markéting international du Tourisme. Diplômé de l’Associate Diploma of Business Travel & Tourism International d’Australie, il rejoint le GIE Tahiti Tourisme pour développer le marché australien et néo-zélandais. « Au bout de quelques années, l’opportunité s’est présentée à Paris pour développer d’autres marchés comme la Russie, la Scandinavie, l’Europe centrale et l’Europe de l’Est », explique-t-il. C’est depuis 2016 qu’il officie au sein du groupe Accor.

Enfin, pour finir, Otime Tauira, 30 ans, est Directrice Communication et Markéting pour Polynesia Consulting, entreprise fondée par un Polynésien natif de Raiatea. « Je travaille sur des études de marché sur des projets hôteliers, sur des business plans, sur des études de faisabilité ou de financement, pour accompagner les investisseurs et opérateurs dans leur stratégie pour venir investir en Polynésie ». Selon elle, la Collectivité d’Outre-mer est un terreau fertile pour l’hôtellerie de luxe : « La Polynésie est un marché intéressant, surtout dans cette gamme. Le Four Season ou le Saint-Régis, qui sont des hôtels qui fonctionnent très bien, ont une forte rentabilité. Ils ont des chiffres d’affaires qui n’ont rien à envier des Palaces parisiens ».

Il va sans dire que chacun d’entre eux veut mettre « la main à la pâte » du développement touristique de la Polynésie. Ils ne s’en cachent pas d’ailleurs ; s’ils sont partis, c’est pour revenir et revenir avec des compétences et des expériences nouvelles. Karl Teriipaia se voit, par exemple, former des jeunes talents polynésiens aux procédures rigoureuses de son domaine, technique et opérationnel, allant de la sécurité à l’hygiène. Pour Bruno Teikiteetini, « si des occasions liées à mes expériences se présentent, je veux bien partir, très vite » confie-t-il. « Il y a de la place pour tout le monde, il faut juste la trouver ». Vaimanu Rey affiche quant à lui des ambitions précises, tranchées et claires : « En Polynésie française, beaucoup d’établissements hôteliers sont tenus par des métropolitains et je pense que voir un Polynésien à la tête d’un hôtel, ça serait bien. C’est un de mes objectifs, si le temps me le permet ».

« Ce sont de très, très beaux parcours. Je crois que c'est important pour la Polynésie de savoir qu'on a ces personnes ressources qui peuvent nous créer un réseau sur lequel on peut s'appuyer pour les formations, les stages et qui, je j'espère d'ici quelque temps, pourront revenir occuper des places de direction dans des hôtels, les futurs hôtels qui se créeront chez nous » a déclaré le président Moetai Brotherson. « Nous encourageons les propriétaires et les gestionnaires d'hôtels à s'engager. Et puis il y a de très nombreux nouveaux projets hôteliers qui vont voir le jour dans les années qui viennent », a-t-il également assuré.

©Outremers360

Le jour même de cette rencontre, le président polynésien s’entretenait avec les dirigeants du groupe Accor : « Ils ont une gamme qui est riche d'une cinquantaine d'enseignes, et nous voulons voir quelles sont les enseignes parmi ce catalogue qui peuvent convenir à la Polynésie, qui peuvent être bien accueillis et qui peuvent s'intégrer dans le projet touristique qui est le nôtre ». En attendant, les quatre talents rencontrés jeudi dernier témoignent du vivier que représente la Polynésie pour l’hôtellerie et le tourisme, et pas seulement dans ses frontières : les Polynésiens sont recherchés par les grands groupes hôteliers, nous ont-ils confié. Et leur parcours en est la preuve.

Dans le sens inverse, les métiers de l’hôtellerie plaisent toujours à la jeunesse polynésienne, « enthousiaste » a observé Moetai Brotherson lors de la rentrée du Lycée hôtelier de Tahiti. Et pour répondre à leurs attentes, la Collectivité peut déjà compter, depuis un peu plus d’un an, sur un campus des métiers et des qualifications de l’hôtellerie et de la restauration, bientôt élargi au Tourisme en général, pour « créer de nouvelles synergies, avec un partenariat public-privé entre les centres et les écoles d'enseignement des métiers de l'hôtellerie et les professionnels. Ce qui nous permet d'adapter mieux la carte de formation et d'avoir un parcours de formation puis d'insertion qui soit plus efficace ».