Sur les essais nucléaires en Polynésie, Christiane Taubira appelle à « la reconnaissance lucide, sincère et active des conséquences »

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Sur les essais nucléaires en Polynésie, Christiane Taubira appelle à « la reconnaissance lucide, sincère et active des conséquences »

Alors que le président de la République Emmanuel Macron a entamé ce samedi une visite de quatre jours en Polynésie, où il est attendu sur l’épineux sujet des essais nucléaires, Christiane Taubira appelle à « la reconnaissance lucide, sincère et active des conséquences » de ces essais.

La parole de l’ancienne ministre de la Justice depuis son départ du gouvernement en 2016 se fait rare, si bien que la moindre de ses positions politiques est scrutée par ses soutiens, et notamment ces collectifs citoyens qui souhaitent la voir candidate à la Présidentielle de 2022.

Ce dimanche, et alors que son ancien collègue a entamé une visite de quatre jours en Polynésie en tant que chef de l’État, Christiane Taubira a pris sa plume pour appeler à une « reconnaissance lucide, sincère et active des conséquences de ces essais sur la santé des personnes, civiles et militaires, qui y furent et y sont exposées ; des séquelles sur la biodiversité ; des répercussions sur les possibilités de vie collective ».

« Alors que la science a établi, depuis plusieurs années, de solides connaissances sur les effets des essais nucléaires, aussi bien souterrains qu’aériens, il est urgent de renoncer à l’indécence des manœuvres dilatoires » écrit-elle également dans ce texte, où elle se dit en « totale solidarité avec les victimes, leurs familles, les militantes et militants pour la vérité sur les essais nucléaires ».

« Le déni des dommages d’activités industrielles, civiles et/ou militaires, sur la santé des personnes et sur les écosystèmes, n’est plus recevable. Il n’est d’ailleurs plus audible » ajoute la native de Cayenne en Guyane. Sur place, deux manifestations ont eu lieu en amont de la venue du président de la République : la traditionnelle commémoration du 2 juillet, marquant le triste anniversaire du premier essai en Polynésie, qui a rassemblé entre 2 et 3 000 manifestants, et celle du 17 juillet, ayant mobilisé le même nombre de personnes.

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Les organisations historiquement engagées dans la lutte antinucléaire avaient prévu d’autres mobilisations durant la visite d’Emmanuel Macron, mais celles-ci ont été interdites par le Haut-commissaire de la République. « En hommage à la dignité et la ténacité de celles et ceux qui se sont engagés dans ces combats pour la justice, parfois depuis plusieurs dizaines d’années (…) ; En respect envers celles et ceux qui livrent encore bataille, pour vivre quotidiennement avec des malformations, endurer des pathologies lourdes, lutter contre des altérations silencieuses et sournoises ; Il est temps, depuis longtemps, pour les autorités, de cesser de louvoyer ». 

« C’est depuis ces territoires situés sur ces continents ou archipels lointains, c’est par eux que la France s’est installée parmi les puissances spatiales (Guyane) et les puissances nucléaires (Polynésie, après l’Algérie), et qu’elle a pu motiver le bien-fondé de son siège au Conseil de sécurité de l’Organisation des Nations Unies », rappelle également Christiane Taubira. 

« Paradoxalement, c’est parce que les citoyennes et citoyens de ces territoires prennent au sérieux les valeurs de la République qu’elles s’obstinent à interpeller les autorités nationales pour réclamer justice. Tout comme Pouvana’a A O’opa, victime d’une colossale injustice, avait maintenu sa confiance en affirmant que « la France étant un grand pays, un jour, justice lui sera rendue » ! ».   

Pouvanaa a Oopa, figure tutélaire de la politique polynésienne, considéré comme le père du nationalisme autochtone « ma’ohi », avait été accusé à tort, en 1958, d’avoir voulu incendier la ville de Papeete, au lendemain du référendum demandant aux Polynésiens le maintien ou non de la Polynésie au sein de la République. Pouvanaa avait alors plaidé pour le non, alors que le général De Gaulle prévoyait de déplacer les essais français de l’Algérie à la Polynésie. Appelé « Metua » (le père) par les Polynésiens, il a été condamné à la prison et à l’exile tout en clamant son innocence.

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Christiane Taubira avait, lors de son mandat de ministre de la Justice, déposé une requête en révision du procès de Pouvanaa a Oopa, à la demande de ses ayants-droits des 2ème et 3ème générations, qui n’avaient pas la possibilité de le faire. En octobre 2018, la Chambre criminelle de la Cour de cassation a « déchargé » la mémoire du Metua, l’innocentant ainsi des crimes qui lui avaient été imputés en 1958.

Pour Christiane Taubira, la reconnaissance des conséquences des essais nucléaires à laquelle elle appelle est l’ « occasion de rompre avec la vision utilitariste – hautaine et quelque peu cynique – portée sur ces territoires situés sur ces continents ou archipels lointains ».