Outremers 360 termine sa série en trois volets consacrée à la sécurité maritime en Outre-mer dans les bassins Atlantique, Indien et Pacifique, d’après les données du Maritime Information Cooperation and Awareness Center (MICA Center, Centre de coopération et de sensibilisation à l'information maritime), qui vient de publier son rapport pour l’année 2024. Dans cette dernière partie, nous nous penchons sur la situation de la zone Indopacifique française, où des inquiétudes subsistent quant à la crise en Nouvelle-Calédonie, la pêche illégale, les pollutions et l’ordre public en mer.
Les violences qui ont durement affecté la Nouvelle-Calédonie à partir du mois de mai 2024, même non situées en mer, ont eu des conséquences directes sur l’activité maritime internationale et locale. « S’agissant des liaisons internationales, le trafic des minéraliers a chuté du fait des blocages et fermetures des mines, les escales de croisière ont cessé. Autour de la grande terre, la voie maritime a été une solution extrêmement précieuse pour garantir les mouvements de personnes et de fret alors que les axes routiers étaient bloqués. Par exemple, pendant quelques semaines, le personnel de l’hôpital n’aurait pas pu être relevé sans vecteurs maritimes », remarque le MICA Center.
La zone maritime exclusive (ZEE) de la Nouvelle-Calédonie comprend le quart sud-ouest du Pacifique, l’est de l’Australie et la majeure partie des Etats insulaires du Pacifique. Elle est par ailleurs relativement proche de celle de Wallis et Futuna, distante de 2000 km. « Elle est traversée à l’ouest par un trafic commercial entre l’Asie et les grands ports australiens et néo-zélandais. Elle connaît une forte reprise du trafic de croisière depuis 2022, les lignes s’étendant d’ouest en est de l’Australie aux Samoa, en passant par le Vanuatu et la Nouvelle-Calédonie », note le rapport. La filière halieutique y est importante, avec une permanence de la pêche au thon, au sud ou au nord de la région suivant les saisons, ce qui ne va pas sans poser certains problèmes, comme celui de la pêche illégale non déclarée et non réglementée (INN).
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Il faut savoir qu’environ 55% des stocks mondiaux de thons se trouvent dans l’océan Pacifique central et occidental, ce qui attise des convoitises, même si leur gestion est assurée par la Western and Central Pacific Fisheries Convention (WCPFC, Commission des pêches du Pacifique occidental et central). « Plus de 60% des navires de pêche présents au large des deux ZEE françaises battent pavillon chinois, près de 20% pavillon fidjien. Aucun armement de pêche ne dispose d’une licence en ZEE Wallis et Futuna et seuls 14 pêcheurs calédoniens sont autorisés à pêcher en ZEE Nouvelle-Calédonie », déplore le MICA Center.
Pour remédier aux activités de pêche INN dans les ZEE françaises et des Etats insulaires du Pacifique (EIP), Paris et les autres membres du Pacific QUAD (Forum des forces armées d’Australie, des Etats-Unis, de la France et de la Nouvelle-Zélande consacré à la sécurité maritime en Océanie) ainsi que les EIP ont mis en place des opérations de surveillance des pêches dans les ZEE de leurs membres et en haute mer, sous la houlette de la Forum Fisheries Agency (Agence des pêches du Forum des îles du Pacifique) basée à Honiara (Îles Salomon). « En 2024, les moyens des Forces armées en Nouvelle-Calédonie ont ainsi inspecté une dizaine de palangriers en haute mer et en ont interrogé une vingtaine d’autres dans les ZEE des Etats insulaires », précise le rapport.
La problématique de la pollution constitue également un problème. En Nouvelle Calédonie, le risque principal est représenté par les minéraliers - et les navires de croisière - qui entrent et sortent du lagon, avec des terminaux de chargement répartis tout autour de la Grande Terre. « La configuration du lagon de Wallis impose également une grande vigilance et a motivé la tenue d’un exercice anti-pollution au terminal pétrolier d’Halalolo en mai 2024 ».
Par ailleurs, il existe parfois de fortes tensions entre plaisanciers ou autres usagers de la mer et autorités coutumières dans les eaux du lagon calédonien. Pour le MICA Center, « elles s’expliquent par une méconnaissance ou des écarts d’appréciation entre acteurs à propos des coutumes locales qui n’ont par ailleurs souvent aucun cadre légal. Seule une connaissance fine des acteurs locaux permet de circonscrire les événements ». Heureusement, durant la crise récente, l’État a pu anticiper et éviter tout dérapage d’ordre public en mer où aucun incident majeur n’est survenu.
Enfin, l’atoll de Clipperton - récemment renommé « Île de la Passion » - petit bout de terre émergé de 9 km2 dans le Pacifique nord entre Hawaï et la côte mexicaine, appartenant à la France depuis novembre 1858, voit la Marine nationale y effectuer des passages réguliers. « La contribution de la flotte sous pavillon français est également à saluer, avec un report spontané par un armement français d’une observation d’un mouvement d’hélicoptère autour de l’atoll, qui a permis de procéder à une levée de doutes depuis les Forces armées en Polynésie française », indique le rapport.
Sûreté maritime et répartition des compétences en Nouvelle Calédonie
La répartition des compétences dans le domaine maritime est propre à la Nouvelle-Calédonie depuis les accords de Nouméa de 1998 et la loi organique de 1999. La Nouvelle-Calédonie exerce de nombreuses compétences : police et réglementation de la circulation maritime dans les eaux territoriales et intérieures, réglementation et exploitation des ressources biologiques et non-biologiques de la ZEE, réglementation de la sécurité et inspection des navires immatriculés en Nouvelle-Calédonie, sauvegarde de la vie humaine en mer dans les eaux intérieures et en mer territoriale. Ce cadre nécessite une coordination étroite entre Etat et collectivités de Nouvelle Calédonie dans les domaines de la gestion de crise ou de la protection de l’environnement. (Source : MICA Center)
PM