Deux ans après Nuku Hiva, c’est Hiva Oa qui devrait être équipée, d’ici la fin de l’année, d’un mammographe. Le Pays a débloqué 30 millions de Fcfp pour répondre à la demande de la Ligue contre le cancer, qui alertait sur les difficultés des femmes des îles des Marquises du Sud à rejoindre Nuku Hiva ou Tahiti pour se faire dépister. La Ligue promeut d’autres projets de prévention dont un mammographe ambulant pour les Australes et la vaccination généralisée contre le HPV. Explications de notre partenaire Radio 1 Tahiti.
En 2018 c’était l’hôpital de Taiohae, à Nuku Hiva, qui avait reçu le premier mammographe des Marquises. À l’époque, le Pays, l’État, et même des radiologues du privé avaient mis au pot pour installer cet instrument de radiographie, essentiel pour le dépistage du cancer du sein, répondant ainsi à une demande de longue date de la Ligue contre le cancer. Et c’est la même Ligue qui a été à la manœuvre pour que le Pays équipe cette fois Hiva Oa.
Les crédits avaient été réservés dès le troisième collectif budgétaire 2023, adopté le 1er août à l’assemblée, et le ministère de la Santé a signé une convention ce matin avec l’antenne locale de l’association nationale. Natacha Helme, sa présidente, s’y engage à mobiliser le réseau de la Ligue pour aider à coordonner l’utilisation du nouvel instrument, qui pourrait être opérationnel dès la fin de l’année, et aider à convaincre les femmes des îles du Sud des Marquises de venir faire leur dépistage.
Beaucoup d’entre elles, aujourd’hui, ne font tout simplement pas leurs visites de dépistage, gratuites et recommandées tous les deux ans à partir de la cinquantaine. « Les îles aux Marquises sont situées très loin les unes des autres, pour accéder à Nuku Hiva, il faut prendre le bonitier, l’avion, l’hélicoptère… Tout ça, ça ne fait pas partie de la prise en charge du dépistage », précise la présidente. « Le fait de venir auprès d’eux, de poser l’appareil chez eux, ça permet d’éviter ces coûts et de faciliter l’accès aux soins ».
5 millions d’économie par dépistage précoce
Éviter des coûts aussi pour la collectivité. Le Pays, certes, a dû budgétiser 30 millions de Fcfp pour ce nouveau mammographe, il faudra aussi créer de nouvelles tournées de radiologues pour faire fonctionner la machine. Mais le Dr Pierre Catteau, vice-président de la Ligue et ancien radiologue, très actif sur ce dossier, estime à 5 millions de francs les économies qui sont réalisées par le système de santé chaque fois qu’un cancer est dépisté de façon précoce.
Aux Marquises du Nord, le mammographe aurait ainsi déjà permis d’éviter 35 millions de francs de dépenses. Les cinq ans d’activité de l’appareil de Taiohae « ont un bilan très positif », confirme le ministre de la Santé, Cédric Mercadal : « on a pu détecter des gens très rapidement, et éviter des problèmes de santé publique comme de famille. En repérant au plus tôt les cancers, on évite le développement de la maladie, on peut le traiter au mieux, plus efficacement plus rapidement, ça change tout ». Et, dans la vaste majorité des cas, cela évite de lourdes chimiothérapies et un éloignement du foyer.
Est-ce à dire que ce qui a été appliqué aux Marquises doit l’être dans d’autres îles éloignées ? « Il y aura d’autres archipels qui seront visés », répond le ministre, loué pour son « écoute et sa vision du dossier » par les représentants de la ligue. « Les Marquises s’y prêtaient parce que l’hôpital est très structuré, et qu’ils sont les plus éloignés de tous », complète Cédric Mercadal. « Quand on regarde nos autres îles, on a beaucoup d’avions qui viennent sur Papeete et qui permettent de faire ces dépistages. Mais on réfléchit tout de même à une autre solution avec la CPS pour les Australes ».
Mammographie sur les quais des Australes
La « solution pour les Australes » pourrait être un mammographe mobile, intégré dans un conteneur médicalisé et déposé sur les quais par des goélettes. C’est en tout cas le projet défendu par la Ligue, qui multiplie les projets. Le club des entreprises contre le cancer, créé en début d’année et qui doit faire des sociétés privées des acteurs du système de prévention, ne demande qu’à s’étendre, rappelle Taote Catteau.
Le vice-président demande aussi au Pays de lancer une grande campagne de vaccination contre le papillomavirus (HPV), responsable d’une vingtaine de cancers par an en Polynésie. « Le HPV entraîne des cancers du col de l’utérus chez les femmes, les cancers de l’anus ou de la gorge et il y a un vaccin qui est efficace à 97,4% et qui s’appelle le Gardasil-9 », rappelle-t-il. « Ce que nous demandons, c’est qu’on consacre un budget de l’ordre de 110 ou 120 millions pour vacciner toutes les filles et tous les garçons en classe de cinquième avec le personnel médico-scolaire ».
Caroline Perdrix pour Radio 1 Tahiti