Ce weekend, la maire de Nouméa, Sonia Lagarde a annoncé l’interdiction de la baignade sur les plages de la capitale calédonienne jusqu’au 31 décembre. Une décision « lourde de sens » qui fait suite aux dernières attaques de requins.
« C’est ahurissant » lâche une habitante de Nouméa, interrogée sur l’interdiction de la baignade sur les 300 mètres de littoral que compte Nouméa, plus l’île aux Canards et l’île au Maître. « On est complètement frustrés », ajoute une autre résidente de la région des baies nouméennes. « Nous sommes très nombreux à venir pratiquer la marche à l’eau ou la natation ».
Restaurateurs et prestataires d’activités nautiques et touristiques tournés sur les baies de la Capitale sont également impactés par cette fermeture. Sur l’île au Canard, l’entreprise qui gère la restauration et les activités avait évoqué sa fermeture moyennant le licenciement de ses salariés. Finalement, ce sera une réduction des activités, déjà durement impactées par la crise sanitaire, avec une ouverture restreinte aux dimanches et aux fins d’après-midi les vendredis et samedis.
Du côté de l’opposition à la municipalité, le désarroi est le même. Évoquant les solutions discutées il y a déjà quelques années, comme les filet anti-requins, les « smart drumlines » -des balises permettant d’attirer les requins et les signaler- ou encore les drones : « rien n’a été fait » déplore l’élu Calédonie Ensemble, Jérémie Katidjo-Monnier. Politiques, acteurs économiques, résidents, usagers ou associations environnementales critiquent vivement à la fois la fermeture mais aussi les prélèvements opérés par la municipalité.
« J’ai pris une décision difficile » a reconnu l’édile Sonia Lagarde, interrogée par nos partenaires de CALEDONIA, « une décision lourde de sens » pour « protéger au maximum les administrés et les touristes ». « Je fais avec les moyens qui sont les miens » a ajouté Sonia Lagarde, assurant « exercer pleinement » son « pouvoir de police » et fustigeant par la même occasion, une opposition municipale qui « s’agite ».
41 requins prélevés depuis la première attaque
Depuis le début de la campagne de prélèvements, qui fait suite à deux attaques depuis fin janvier, dont une mortelle, 41 requins-bouledogues et tigres ont été pêchés. Des spécimens « qui font en moyenne entre trois et quatre mètres » précise Sonia Lagarde. Une politique qui fait naturellement débat sur l’archipel, vivement dénoncée par les associations environnementales.
Mais Sonia Lagarde assure : « Il ne s’agit pas de tuer pour tuer, il s’agit de réguler parce qu’on a à faire aujourd’hui à une surpopulation dans les baies et près de nos côtes ». « Les pêcheurs en voient de permanence, il ne se passe pas une semaine sans qu’on ait un signalement dans les baies » insiste-t-elle. Sans réelles études sur la population de requins en Nouvelle-Calédonie, ni sur les raisons qui poussent l’animal à s’approcher des côtes, difficile d’évaluer l’efficacité réelle des prélèvements.
L’exemple le plus proche de la problématique calédonienne se situe à quelques dizaines de milliers de kilomètres de Nouméa, dans l’océan Indien. À La Réunion, les attaques en série au début des années 2010 ont poussé les autorités à autoriser et réglementer les prélèvements de requin-bouledogues, jusqu’en mars 2022, quand le tribunal administratif suspend l’arrêté préfectoral autorisant la pêche. « Aujourd’hui encore, il y a des plages à La Réunion qui restent fermées », rappelle Sonia Backès.
« Concertation » avec le gouvernement et la province Sud
Pour la maire, « la pose des filets sera la précaution la plus sûre ». Une précaution qui implique néanmoins de la patience. Un premier appel d’offres de la mairie n’avait pas abouti. Le second doit se clôturer dans les prochains jours. Et une fois les barrières logistiques levées (fabrication, importation) et le budget mobilisé, environ 150 millions d’euros, Sonia Lagarde pourra « commencer à sécuriser la baie des citrons ». « C’est du domaine du possible et c’est raisonnable » assure-t-elle, mais pas avant la fin de l’année.
En attendant, sur les conséquences économiques de son arrêté, Sonia Lagarde appelle à la « concertation » avec le gouvernement, chargé du tourisme international, et la province Sud, chargée du tourisme et de l’économie. « On va se mettre autour d’une table (…), c’est collectivement qu’on va réussir à prendre en compte les problématiques liées à l’économie » assure la maire qui n’exclut pas de lever l’interdiction avant la fin de l’année si la municipalité avance plus rapidement que prévu sur les filets ou si les pêches s’amenuisent avec le temps.