Le président de la Polynésie Édouard Fritch était le premier « Invité de la rédaction », le nouveau rendez-vous d’actualité que notre partenaire Radio 1 Tahiti proposera tous les mardis à 11h30. Obligation vaccinale assumée et élus récalcitrants, TVA sociale, dette publique, le président polynésien défend sa politique. Il annonce un remaniement ministériel pour fin janvier, et le report d’un an de la seconde partie de la réforme qui doit modifier la fiscalité du patrimoine.
Le président dit comprendre l’irritation et l’impatience d’Emmanuel Macron qui assumait sa stratégie « d’emmerder » les Français non vaccinés après deux ans d’efforts contre la pandémie, sans nécessairement les partager. Lui, dit-il, il est « fiu » (mot tahitien exprimant un sentiment de grande lassitude, ndlr).
À 12 jours de l’application des sanctions prévues par la loi sur l’obligation vaccinale, Édouard Fritch estime à environ 4 000 le nombre de personnes recevant du public qui restent à convaincre de se faire vacciner ; le vaccin n’est pas la solution « parfaite », concède-t-il, mais il réduit les conséquences les plus graves du coronavirus. Une amende de 80 000 Fcfp (670,4 euros) sera-t-elle suffisante pour les faire changer d’avis ? Le président rappelle que l’amende peut être prononcée plusieurs fois.
Tearii Alpha et Gaston Tong Sang, les cailloux dans la chaussure du président
Le refus de se faire vacciner du président de l’assemblée et du ministre de l’agriculture, de l’économie bleue et du domaine reste un sujet difficile à clarifier pour Édouard Fritch, qui avait pourtant axé tout son discours du congrès du Tapura sur la « loyauté » : « Dans ma vision des choses, je ne pensais pas qu’il était utile de préciser que les hommes publics comme nous, les élus, comme les membres du gouvernement, doivent se faire vacciner ! C’est une évidence, c’est un problème de responsabilité, et c’est effectivement un problème de loyauté, non seulement vis-à-vis de l’assemblée qui l’a votée, mais aussi vis-à-vis du public qui est obligé d’appliquer cette loi », affirme le président.
Il reconnaît que dans le respect de la séparation des pouvoirs entre exécutif et législatif, son influence sur Gaston Tong Sang est limitée. Mais il défend sa décision de sanctionner Tearii Alpha en lui retirant ses fonctions de vice-président, assurant qu’elle est plus que symbolique, tout en reconnaissant que « c’est gênant ». Il semble encore espérer un revirement du maire de Teva i Uta.
Le pass vaccinal, un outil essentiel alors que les moyens financiers et humains manquent
Faut-il laisser « courir » Omicron, certes plus contagieux mais moins virulent ? « Quelque part, je suis dans cette disposition d’esprit, parce que nous n’avons plus les moyens financiers et humains pour faire face à une nouvelle crise. Le pass vaccinal va être un outil essentiel dans le cas où nous nous retrouvions en situation d’urgence ». Édouard Fritch rappelle que le sujet est la préservation de l’hôpital et de ses personnels, et que le pass vaccinal est une garantie de ne pas avoir à reconfiner la Polynésie. « On n’est surement pas suffisamment vacciné, c’est ce que nous pensons au regard de ce qui se passe dans les autres pays ».
« Le jeu de la libre concurrence » pour contrer l’inflation
Sur le volet économique, Édouard Fritch ne se prononce pas sur la durée de la « TVA sociale » de 1,5%, très décriée, et dont il reconnaît qu’elle contribuera à l’inflation. Mais il y voit l’occasion pour les Polynésiens, qui verront les produits de grande consommation augmenter (les PPN, eux, ne sont pas soumis à la taxe), de changer certaines de leurs habitudes alimentaires. L’occasion aussi pour les commerçants de réviser leurs marges, et de « jouer le jeu de la libre concurrence ». Reste l’inflation exogène (hydrocarbures, transport maritime) à laquelle le monde entier est aujourd’hui confronté.
Quant à la dégradation des finances publiques, est-elle aggravée par les emprunts massifs contractés depuis le début de la crise ? « Fort heureusement », répond-il, « le Pays avait mené depuis plusieurs années une ‘politique de la fourmi’, nous avons beaucoup thésaurisé, nous avons des fonds de roulement qui sont importants. Les emprunts que nous avons faits vont augmenter l’encours de la dette de 85 milliards à 130 milliards, mais nous sommes toujours en-dessous de 20% du produit intérieur brut, ce qui est tout à fait supportable. (…) Pour le moment, on gère, et on maîtrise ».
La fiscalité du patrimoine repoussée d’un an
La deuxième partie de la réforme fiscale était attendue ce mois-ci : elle doit concerner le patrimoine, financier comme immobilier. Mais finalement, ce ne sera pas pour tout de suite : « J’ai demandé au ministre des Finances que nous prenions un an de réflexion », explique le président du Pays, car tous les propriétaires fonciers ne sont pas logés à la même enseigne, et il faut cibler cette fiscalité plus finement. Se pose également la question de la mise en place des moyens de contrôle, indique Édouard Fritch.
Le remaniement à la fin janvier
Le remaniement ministériel dont il est question depuis plusieurs semaines est désormais prévu, dit le président, « à la fin du mois de janvier ». En précisant « je suis quelqu’un qui court après les économies », il laisse entendre que le gouvernement pourrait être plus restreint. Sur la surenchère institutionnelle des partis d’opposition, Édouard Fritch estime que « quand on n’a plus rien à dire, on part sur les institutions ». Lui, dit-il, a d’autres choses à faire à Paris, où il se rend bientôt : il signera le 2e Prêt garanti par l’État, et annonce aussi la signature de plusieurs conventions avec l’État, sur l’énergie, la continuité territoriale et la solidarité.
Caroline Perdrix pour Radio 1 Tahiti