Les six maires des îles Marquises, réunis au sein de la Communauté de Communes de l'archipel (CODIM), ont fait cette semaine le déplacement à Paris pour présenter et défendre leur « projet politique » de Communauté d'archipel, à la fois au Congrès des maires, mais aussi auprès de l'exécutif et du Sénat.
« C'est la première fois qu'une forte délégation des Marquises se déplace à Paris », nous explique Joseph Kaiha, maire de l'île de Ua Pou et vice-président de la CODIM, accompagné en conférence de presse ce vendredi par Benoît Kautai, maire de Nuku Hiva et président de la CODIM, Joëlle Frébault, maire de Hiva Oa et 1ère vice-présidente de la CODIM, Félix Barsinas, maire de Tahuata et 2ème vice-président de la CODIM, et Henri Tuieinui, maire de Fatu Hiva. Nestor Ohu, maire de Ua Huka, également présent lors de ce déplacement, n'a pu assister à cette conférence de presse.
Et le programme de leur séjour hors des frontières marquisiennes fut chargé : Congrès de l'ACCD'OM en Martinique, Congrès des maires, rencontre avec le président de la Délégation Outre-mer du Sénat, Stéphane Artano, rencontre avec le président du Sénat, Gérard Larcher et son cabinet, rencontre avec les sénateurs polynésiens, avec d'autres sénateurs ultramarins et hexagonaux, avec le ministre en charge des Outre-mer ou encore, le président Emmanuel Macron et son cabinet. Le but : informer, faire entendre leur démarche, leur « projet politique » de création d'une Communauté d'archipel des Marquises.
« Prendre en main les rênes du développement de l'archipel »
Mais quel est ce projet politique, qui n'a pas laissé de marbre leurs interlocuteurs parisiens ? En premier lieu, il est né d'un constat. Douze ans après la création de la CODIM, première intercommunalité en Polynésie, les maires marquisiens déplorent un « échec par rapport à (leur) vision », celle de « prendre en main les rênes du développement de l'archipel ». Certes, la CODIM leur a permis de s'unir, de travailler ensemble, de construire. Mais leurs nombreux projets sont restés à l'état d'études, faute de pouvoir disposer des compétences pour les mettre en place.
Il faut donc selon eux, « monter d'un cran » insiste Joseph Kaiha, « faire évoluer la CODIM », et se doter des « moyens juridiques et financiers pour aménager et développer » les Marquises. D'où ce travail de lobbying auprès du Sénat, duquel ils attendent « un cadre juridique », « un maillage législatif et juridique tout en restant au sein de la Polynésie », abonde Félix Barsinas. Car les six édiles marquisiens savent que leur projet est sujet à interprétation et le martèlent : il ne s'agit pas d'une séparation, d'un détachement ou d'un morcellement de la Polynésie.
Fort de ces douze années d'union autour de la CODIM, les maires marquisiens estiment avoir la « maturité politique » pour mettre en place un projet de développement des Marquises, fait par les Marquisiens et pour les Marquisiens. Très concrètement, il s'agirait pour ces îles à l'extrême nord-est de la Polynésie de récupérer des compétences en termes de développement économique, de foncier (transfert des terres domaniales), d'aménagement, de domaine maritime (les maires visent les 30 nautiques), de culture ou encore, d'action sociale. Le tout « progressivement ».
Et comme preuve de cette maturité politique qui permet aujourd'hui aux maires des Marquises de « passer à l'échelon supérieur » : la gestion du transport maritime inter-insulaire, que la CODIM a récupéré il y a quelques années, suite à un drame qui avait mis en avant les lacunes béantes lors des évacuations sanitaires. Depuis, ces îles disposent de bateaux, que la CODIM gère, et d'un hélicoptère « qui marche à 200% » assure Joseph Kaiha. « Nous avons mis 10 ans pour que le pays cède », rappelle-t-il.
Reconnaître « l'existence juridique de l'archipel »
En somme, les maires marquisiens plaident pour l'autonomie dans l'autonomie, l'émancipation de l'ultra-décisionnelle Tahiti, la prise de décisions concernant leur archipel dans leur archipel. Ils s'appuient pour défendre leur projet d'exemples comme les provinces calédoniennes ou l'île de Saint-Barthélemy, ancienne commune rattachée à la Guadeloupe. Pour eux, la Communauté d'archipel serait un acteur institutionnel entre les communes et la Collectivité Polynésie française. « C'est un modèle statutaire qui n'existe pas dans la Constitution (…), c'est nous qui allons peut-être révolutionner la démarche juridique », ajoute Félix Barsinas.
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Et les maires des Marquises entendent bien profiter de la fenêtre de tir qu'offre la révision constitutionnelle pour faire reconnaître « l'existence juridique de l'archipel », obtenir la création de cette Communauté d'archipel et le transfert de compétence qu'elle implique. Rien d'autre : les marquisiens veulent inscrire les Marquises dans le bloc constitutionnel. En attendant, les six maires marquisiens vont rentrer en Polynésie ou un autre travail de sensibilisation et d'information va s'ouvrir. D'abord auprès du président de la Collectivité, Édouard Fritch, avec qui ils prévoient une rencontre à leur retour. Déjà informé de leur « projet politique », ce dernier en a pris acte.
Les maires marquisiens savent également que s'ouvre un temps électoral, avec les élections territoriales de 2023. Ils ne le cachent pas : leur projet sera forcément intégré à la campagne, et ils le présenteront aux partis qui voudront l'écouter tout en restant pragmatiques et hermétiques aux chants des sirènes. Ils sont aussi conscients qu’au-delà d'un « projet politique » marquisien, ils portent une vision globale et sociétale de la Polynésie, dans laquelle d'autres archipels pourraient s'y retrouver. Encore faut-il que ces autres archipels polynésiens s'unissent, comme les Marquisiens l'ont fait il y a douze ans de cela, et qu'ils en aient le souhait.
Candidature à l'Unesco et sécheresse
Outre ce sujet politique, les maires des Marquises ont aussi pu avancer sur la candidature de l'archipel au Patrimoine mondial de l'Humanité. Ils ont notamment rencontré la ministre de la Culture pour lui demander un appui pour la création d'une cellule de coordination. Autre sujet culturel : la création d'un musée à Hiva Oa, et pour se faire, la restitution d'objets marquisiens actuellement entreposés dans un musée de Cambridge. La CODIM, et surtout la maire de l'île, Joëlle Frébault, attend un soutien en ingénierie.
Sur un volet plus environnemental, les maires marquisiens se sont aussi rendus au Ministère de l'Agriculture avec un projet de recherche sur les ressources en eau, alors que certaines îles de l'archipel subissent une sécheresse intense cette année. Là aussi, il s'agira d'un accompagnement en ingénierie.