Polynésie : Le Gouvernement de Polynésie étudie un déménagement des stocks de gaz et de carburants sur la côte Est de Tahiti

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Polynésie : Le Gouvernement de Polynésie étudie un déménagement des stocks de gaz et de carburants sur la côte Est de Tahiti

Un appel à candidature a été lancé par le Gouvernement de Polynésiepour une étude sur la « relocalisation des dépôts d’hydrocarbures » aujourd’hui situés à Motu Uta. Étonnant quand on sait qu’une nouvelle cuve de carburant et une nouvelle sphère de gaz sont en construction sur place. Mais le ministre des Grands Travaux, Jordy Chan, veut voir plus loin, jusqu’à 2060, et veut surtout refaire le point sur les risques que présente cet emplacement tout proche de la ville et dans l’alignement de la piste d’aéroport. Côté alternatives, la côte Est est spécifiquement visée, mais les experts pourront s’intéresser à « d’autres zones ».  Précisions avec Radio 1.  

 

L’initiative, présentée aux professionnels début février, a dû faire sourciller certains dirigeants pétroliers. Grands projets de Polynésie (G2P, ex-TNAD), établissement placé sous l’autorité du ministère des Grands Travaux, a lancé un appel à candidatures pour une « étude technico-économique » sur la « relocalisation des dépôts d’hydrocarbures sur la côte Est de Tahiti ». Un projet déjà évoqué à de nombreuses reprises par le passé, mais qui paraissait avoir été oublié. Pour preuve : le groupe Siu a lancé, après consultations et autorisations, deux grands chantiers sur la  « zone récifale Est » de Motu Uta. Un nouveau réservoir de 14 500 m3, d’abord, pour permettre à Petropol de libérer, après 15 ans d’attente du port autonome et du Pays, les vieilles cuves de Fare Ute. Une nouvelle sphère sous talus pour Gaz de Tahiti, ensuite, pour remplacer la sphère la plus âgée, améliorer la sécurité, et augmenter de 50% les capacités de stockage du site. De l’autre côté du port, près du terminal international, un nouveau quai des pétroliers, construit il y a plusieurs années, est déjà relié à un pipeline traversant Motu Uta, et attend d’être « requalifié » pour être mis en service. Autant d’installations qui semblent donner à la zone de stockage de Papeete plusieurs décennies de vie supplémentaires. Mais pour le Pays il s’agit de voir plus loin. Le dossier technique de l’étude fixe un horizon à 2060.

« L’objectif, c’est d’étudier le développement du stockage d’hydrocarbures, de savoir si à long terme il convient de le déplacer, et comment on le ferait », résume le ministre Jordy Chan. Une analyse qui implique, comme le précise l’appel à candidatures, de travailler sur les prévisions de consommation en gaz et en carburants dans les prochaines décennies, de définir les besoins des acteurs du secteur, d’identifier des « sites potentiels » de déplacement, de « comparer » les avantages et inconvénients de Motu Uta et de ses alternatives… et même « d’évaluer l’échelle de temps de ces travaux d’aménagements et de déconstruction ».

Aéroport, centre-ville… La sécurité au centre de la réflexion

C’est bien sûr la question de la sécurité qui est au centre de la réflexion. « Ce qu’il faut d’abord étudier, c’est le danger qui est posé par les stockages d’hydrocarbures dans l’agglomération de la Papeete, reprend le ministre. Il y a déjà eu des études par le passé sur ces dangers, mais il s’agit de les actualiser au regard du développement des nouvelles infrastructures qui sont faites sur le port. Et s’il y a effectivement un danger qui est posé, se pose la question du déplacement de ces stockages, de la faisabilité économique notamment et également de la faisabilité au regard de toutes les parties prenantes qui sont impliquées dans le projet ».

La question de la sécurité du stockage de Motu Uta n’est, là encore, pas neuve. En 2016, alors que le Pays et les pétroliers relançaient le transfert des cuves de Fare Ute vers la digue de l’autre côté du pont, une pétition avait fait grand bruit en dénonçant le développement d’un site « en plein dans l’alignement de la piste d’aéroport ». Un argument repris en 2020, quand des représentants syndicaux d’entreprises du port s’inquiétaient de la nouvelle sphère de gaz projetée par le groupe Siu, « bombe » menaçant « plus de 60 000 personnes en comptant les communes adjacentes de Faa’a et Pirae ». Les explosions d’AZF Toulouse et du port de Beyrouth, dans des installations industrielles proches de centres-villes, sont régulièrement citées. Et même si ces accidents avaient pour origine des stocks de nitrates d’ammonium et pas d’hydrocarbures, les autorités les ont bien « en tête », comme le confiait récemment à Radio1 Jean-Paul Le Caill. Le directeur du Port autonome invitait lui aussi les autorités à s’interroger sur le « déplacement de ces activités d’hydrocarbures qui n’ont pas besoin d’être sur le port ».
 

Plus loin, plus cher, vraiment ?

Mais le déplacement de ces stocks, souvent discuté, jamais réellement étudié, a toujours buté sur un argument de poids : le coût pour le consommateur. Pas seulement pour démanteler des structures importantes, dépolluer les sites et en construire d’autres ailleurs. Les centres de consommation du carburant, du port à l’aéroport en passant par les zones industrielles de la zone urbaine, sont tous situés autour de Papeete. Un déménagement serait synonyme de frais de transports supplémentaires. L’étude, qui doit être attribuée dès le mois de mars et être restituée au quatrième trimestre de cette année, est aussi là pour juger la pertinence de cet argument. « Il y a des ports dans lesquels sont déchargés les produits pétroliers avant qu’ils ne soient acheminés par camion ou par oléoduc vers les lieux de distribution, et ça n’est pas pour autant que le prix des hydrocarbures flambe, note Jordy Chan. Donc l’intérêt de l’étude, c’est de déterminer justement, d’un point de vue économique et technique si le déplacement des stockages vers d’autres destinations aurait un impact sur les prix ».

Les questions sur le coût de stockages « décentralisés » sont d’autant plus vives que Mana Ito, futur concurrent à Gaz de Tahiti sur le marché des bonbonnes, a fait le choix d’installer son nouveau terminal gazier hors de Motu Uta, à Hitia’a. Et que la filiale du groupe Moux assure être en mesure, dès son lancement, de casser les prix.

70 000 mètres carrés qui pourraient être « libérés » au port

C’est justement sur la côte Est, moins peuplée, moins développée et avec davantage de foncier disponible, que l’intitulé de l’étude localise la réflexion. Mais le ministre des Grands Travaux indique que d’autres sites peuvent être étudiés. « La côte Est semble être la localisation la plus intéressante en matière de déplacement, du point de vue de l’accès maritime notamment. On l’a vu, il y a des projets qui se sont déjà développés sur la côte, qui sont de nature à développer économiquement cette dernière, et c’est pourquoi cette zone a été ciblée, reprend Jordy Chan, qui évoque aussi le développement du pôle industriel de Faratea. Mais bien entendu d’autres zones pourront être considérées également ».

Du côté du port autonome, où Jordy Chan a longtemps travaillé, les questions de sécurité ne sont pas les seuls points d’intérêts. L’établissement a de plus en plus de mal à trouver de la place pour développer ses projets, et fait face à une activité maritime qui ne cesse de se développer. Les 70 000 mètres carrés de la « zone récifale Est » où s’alignent les sphères de gaz et réservoirs de pétrole, a, forcément, de quoi intéresser. « Le déplacement pourrait permettre de libérer de l’espace sur le port, mais ça n’est pas la vocation première du projet, assure l’ancien directeur adjoint devenu ministre. La vocation, c’est vraiment de se poser la question ‘est ce que le stockage est bien placé, est-ce qu’il ne faudrait pas repenser cet aménagement à l’avenir ? »

 

 Dans les îles aussi, notamment aux Raromatai

Si l’intitulé de l’étude semble la circonscrire à Tahiti, le prestataire choisi – ou, plus probablement, le groupe de prestataires, vu l’étendue de l’expertise demandée – devra aussi s’intéresser aux îles. « Nous avons déjà commencé à rencontrer les pétroliers, rappelle le ministre des Grands Travaux Jordy Chan. Et ce qu’ils nous ont signifié, c’est qu’il y avait également un besoin d’étudier le développement des stockages dans les archipels, notamment dans les îles Sous-le-vent, du fait de l’accroissement de l’activité. »

Par Charles René pour Radio 1.