Pacifique : L’intelligence artificielle au service des langues océaniennes

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Pacifique : L’intelligence artificielle au service des langues océaniennes

Au Forum des Îles du Pacifique, la semaine dernière aux Îles Cook, aucun président ne s’exprimait dans sa langue d’origine. Pour se faire comprendre, tous parlaient anglais. Mais une application développée par un chercheur polynésien pourrait tout changer. Elle permet de traduire neuf langues d'Océanie entre elles, en plus de l’anglais et du français. Un reportage de notre partenaire TNTV.

Léopold Temoana Biardeau est chercheur en économie de l’environnement… Mais à ses heures perdues, il développe une application de traduction. Son ambition : que tous les Polynésiens puissent se comprendre, sans forcément passer par la langue des colonisateurs, comme l’anglais ou le français.

Munipoese Muli’aka’aka, président de l’Assemblée territoriale de Wallis et Futuna, se réjouit de ce prototype de traducteur. « C’est vraiment original. Je pense que c’est un instrument vraiment indispensable, surtout dans ces types de conférences ». Le président de la Polynésie Moetai Brotherson est également enthousiaste : « Je pourrais m’exprimer en reo Tahiti et ce serait traduit dans toutes les langues du forum instantanément. On peut penser que c’est de la science-fiction, mais c’est demain. »

Le chercheur parle français, anglais et tahitien, mais il ne maîtrise pas les langues de Hawaii ou Tuvalu*. Il a donc entraîné l’Intelligence artificielle à partir d’un livre déjà traduit dans toutes ces langues. « Un livre en particulier, oui, et pas n’importe lequel puisqu’il s’agit de la Bible », révèle Léopold Temoana Biardeau. « Il y a plusieurs raisons à ça : c’est probablement le texte le plus traduit au monde. C’est aussi un texte qui a une structure extrêmement rigide, avec un découpage par livres, chapitres, versets. Ce qui fait qu’on a un alignement assez bien fait puisqu’il faut que le texte soit parfaitement aligné quand on passe d’une langue à l’autre pour entraîner le modèle. »

Mais même la Bible a ses limites : certains mots, comme le smartphone ou l’ordinateur, n’y figurent pas. Le chercheur propose donc que chacun puisse alimenter le modèle avec ses propres textes. Et pas question pour lui de s’enrichir avec son idée : ce traducteur sera ouvert à tous et chacun en fera ce qu’il voudra. « C’est juste extraordinaire », estime Moetai Brotherson. « D’abord dans l’éducation, et ensuite dans l’administration. Vous savez depuis le début de la mandature, nous avons annoncé que Lexpol allait être traduit dans toutes nos langues polynésiennes. Mais avec un outil comme celui-là, on peut accélérer la traduction de tous les textes administratifs en reo Tahiti mais aussi dans les autres langues. »

Ce traducteur automatique est encore perfectible et son inventeur préfère l’améliorer avant de l’ouvrir au grand public. Mais les leaders polynésiens et wallisiens ont déjà pu traduire quelques phrases. Et recréer du lien entre les vieilles cousines que sont leurs langues.

Mike Leyral et Naea Bennett pour TNTV

*Les langues polynésiennes et océaniennes en général, telles que le Tahitien, le Paumotu, le Mangarévien, le Marquisien du Nord et du Sud, le Rarotongien, le Maori, le Hawaiien, le Rapa Nui, le Samoan, le Tongien, le Wallisien ou le Futunien ou encore le Tuvalu, les langues Kanak ou vanuataises, font parties de la famille des langues austronésiennes. Cette famille comprend 1 200 langues, 300 millions de locuteurs, et s’étend sur une région très vaste qui va de la Micronésie à la Polynésie en passant par l’Indonésie, les Philippines et Madagascar.

On compte 40 langues polynésiennes (au-delà de la Polynésie française, qui en abrite 7). En Nouvelle-Calédonie, on compte 27 langues Kanak.