Pacifique : Les Tuvalu comptent « rester un État », même si leur territoire est englouti par les eaux

Pacifique : Les Tuvalu comptent « rester un État », même si leur territoire est englouti par les eaux

La constitution du petit État insulaire du Pacifique central a été modifiée pour y préciser que son existence n’est pas liée à la survie de ses îles, gravement menacées par les effets du changement climatique. Pas le premier coup d’éclat des Tuvalu, qui avaient déjà entrepris, l’année dernière, de créer une version virtuelle d’eux-mêmes dans le métavers. Explications de notre partenaire Radio 1 Tahiti.

Les Tuvalu sont un État perpétuel. C’est l’idée de la réforme constitutionnelle menée le mois dernier par le gouvernement de ce petit pays de neuf îles et 11 000 habitants, situé à mi-chemin entre Hawaii et l’Australie, au nord de Fidji. 

Un des États les plus combatifs sur la question des changements climatiques et pour cause : ses 26 kilomètres carrés de terres émergées, qui culminent à 4,6 mètres au-dessus du niveau de la mer, font partie des plus menacées, sur la planète, par la montée des eaux qui accompagne le réchauffement de l’atmosphère. Son jeune ministre de la Justice, de la communication et des Affaires étrangères, Simon Kofe, est très actif sur la scène internationale pour obtenir des engagements des grandes puissances mondiales à réduire leurs émissions de gaz à effet de serre.

Mais les Tuvalu se préparent aussi en interne : la nouvelle version de la constitution affirme que l’État survivra à l’éventuelle perte de son territoire. Une première mondiale, comme l’a expliqué Simon Kofe à la chaine australienne ABC. « Cela fait partie de nos efforts pour essayer de préparer les Tuvalu à l’avenir, parce que pour nous, un État est plus que ce qui est physique », précise-t-il. « C’est notre culture, notre histoire. C’est l’esprit du peuple des Tuvalu, et c’est quelque chose qui ne pourra jamais être supprimé. C’est une partie de ce que nous sommes. Et nous voulons que cela continue. »

Difficile de savoir quelles conséquences concrètes cette réforme pourrait avoir à l’avenir. Et les Tuvalu n’en sont pas à leur première annonce inédite : en novembre 2022, le même Simon Kofe avait annoncé que le gouvernement allait téléverser une version virtuelle de son État sur le métavers - alors un peu plus tendance qu’aujourd’hui - pour préserver « son histoire et sa culture ». L’année précédente, Simon Kofe, toujours lui, avait participé à la COP26 à distance avec de l’eau jusqu’aux genoux. Une façon d’interpeller les dirigeants mondiaux sur les conséquences concrètes des changements climatiques, et de leur inaction, pour les nations insulaires.

Les petites Nations insulaires devant la Justice internationale pour dénoncer l’inaction climatique

Les représentants des Tuvalu font aussi partie des chefs de file d’une action inédite devant le Tribunal international du droit de la mer. Son premier ministre Kausea Natano, accompagné du Premier ministre d’Antigua-et-Barbuda, Gaston Brown, ont été entendus lundi par cette instance onusienne qui siège à Hambourg, en Allemagne, avec l’objectif d’obtenir des précisions sur les obligations des autres pays, et notamment des grandes puissances, en matière de lutte contre le changement climatique.

Comme le précise l’agence Reuters, le tribunal doit notamment décider si les émissions de carbone absorbées par l’océan peuvent être assimilées à de la pollution marine, comme le soutiennent Tuvalu, Antigua-et-Barbuda et les autres pays du Cosis (Commission of Small Island States on Climate Change and International Law). Si c’était le cas, les obligations du droit maritime international s’appliqueraient, obligeant les pays émetteurs à prévenir et à réparer davantage les dommages causés à l’environnement. Le Tribunal international du droit de la mer n’émet qu’un avis, qui n’est pas juridiquement contraignant, mais ces avis sont très souvent cités dans les travaux législatifs autour du globe. 

« Nous venons ici pour demander une aide urgente, avec la ferme conviction que le droit international est un mécanisme essentiel pour corriger l’injustice manifeste dont souffre notre peuple en raison du changement climatique », a déclaré, d’après Reuters, Kausea Natano lors de l’audience précisant que la « pollution au carbone » provoque notamment l’acidification des océans, le blanchiment des coraux et a des impacts sur de nombreuses espèces animales.

Charlie René pour Radio 1 Tahiti