Nouvelle Calédonie: Sébastien Lecornu annonce une enveloppe de subventions supplémentaires de l'Etat

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Nouvelle Calédonie: Sébastien Lecornu annonce une enveloppe de subventions supplémentaires de l'Etat

Invité de nos confrères de Radio Rythme Bleu (RRB), Sébastien Lecornu s'est longuement exprimé sur les différents sujets d'actualité du territoire. Avenir institutionnel, économique, sanitaire, l'occasion de faire un point d'étape, mais aussi d'annoncer un nouveau soutien financier de la France pour la Nouvelle-Calédonie, dont le montant sera annoncé prochainement.



Au micro de RRB et d'Elizabeth Nouar, Sébastien Lecornu, actuellement en visite en Nouvelle-Calédonie, est revenu sur les différents points de l'actualité du territoire. Référendum, situation économique, avenir institutionnel, autant d'informations passées au crible alors que l'échéance référendaire approche. L'interview a notamment été l'occasion pour le ministre des Outre-mer d'annoncer une nouvelle enveloppe d'aide de la France au territoire vis-à-vis de la situation sanitaire. Si le montant exact n'est pas encore connu, Sébastien Lecornu souhaite pouvoir le confirmer très rapidement, les services sont en train de procder à son évaluation.

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“Il y a déjà plus de 80 millions d'euros de subventions, pas de prêts. Cela comprend les dépenses du passé sur les quatorzaines d'isolement (...) et je peux vous annoncer qu'il y aura une nouvelle somme en plus des 80 millions d'euros de subventions (...) j'espère pouvoir vous confirmer cette somme avant mon départ lundi soir”.
Un moyen pour la France d'être toujours présent pour le territoire selon le ministre : “On est là, la France est une République avec quelques principes et quelques valeurs, il y a beaucoup de France-bashing, et je pense que c'est bien de rappeler que lorsqu'il y a un coup dur, on est là”.

Des aides qui s'accompagnent parfois de conditions, à l'image du prêt de l'Agence Française de Développement (AFD), sujet que le ministre tempère : “Non, ça serait fort de café. On peut penser ce qu'on veut du gouvernement collégial de Louis Mapou, il vient d'arriver, on ne va pas lui reprocher de ne pas faire des réformes qui n'ont pas été faites parfois pendant 5, 10, ou 15 ans, ça serait malhonnête”.
Cependant, les conditions d'obtention de prêt restent soumises à la situation économique de l'emprunteur, souligne-t-il : “En revanche, il est clair que les incertitudes institutionnelles, savoir si ça reste français ou non, ça n'est pas une petite question, plus les dettes importantes que les institutions du pays ont déjà contracté, font que, même une banque publique comme l'Agence Française de Développement, même avec une garantie de l'Etat votée au parlement, dit, “attendez, est ce que cet argent qu'on vous prête, est-ce que ces institutions sauront le rembourser ?” C'est une question de bon gestionnaire”.

Cet état de fait s'impose donc également quand il s'agit de prêt de la part de l'Hexagone :
“Il est clair que j'attends des signaux, je ne vais pas vous raconter des histoires, j'attends de voir si un certain nombre de réformes vont être prises, mais je ne veux pas que mon propos soit interprété comme étant une pression sur le gouvernement collégial de Louis Mapou parce que précisément, il vient d'arriver, et on ne peut pas demander au gouvernement collégial de faire en quelques semaines ce qui parfois n'a pas été fait pendant plusieurs mois”.

Des réformes qui “seront à discuter”, car intrinsèquement “liées au processus institutionnel, à la résorption des inégalités, à des attentes parfois d'une classe politique pas toujours capable de donner une véritable vision, un grand projet pour la Calédonie, dans le OUI comme dans le NON”.

Echéance référendaire et avenir des Calédoniens

La fin des comptes annuels étant fixée à la fin du mois de décembre, c'est aussi l'une des composantes de l'équation de la date du référendum. Une date pour le moment maintenue au 12 décembre 2021.
“C'est pour ça que la date du 12 décembre elle est le principe, et que l'exception serait qu'on reporte le référendum parce que malheureusement, la situation sanitaire ne le permettrait pas. On voit bien que dans le pays et pour tout un tas de raison, il y a une forme de lassitude, d'attente, de besoin de visibilité, de volonté d'avancer, dans les deux parties”.

L'attente de la population est forte, de même que l'incertitude économique, et selon Sébastien Lecornu, “il ne faut pas avoir peur de la vérité, il faut la regarder en face. Et la vérité effectivement, c'est que la situation financière des substitutions du pays (…) sont des situations préoccupantes. Et ça tombe bien car elles seront préoccupantes en cas de OUI comme en cas de NON, donc autant en discuter politiquement d'ores et déjà maintenant”.

L'échéance référendaire reste certainement un point capital pour l'histoire du territoire. Les oppositions sont marquées ces derniers jours quant au maintien de la date prévue par l'Etat. Sébastien Lecornu maintient, il n'est pas prévu de modifier la date du scrutin, sauf cas de force majeure.
“On peut reporter un référendum jusqu'en septembre 2022, pas au-delà parce que l'accord de Nouméa écrit les choses de manière très claire, et on ne peut le faire que si on a une très très très bonne raison de le faire (…) si la demande de report s'étaye sur la peur du virus je le comprends et je le respecte (…) mais ce que je ne veux pas, si je comprends très bien la peur du virus, je comprends différemment la peur de l'échéance référendaire. Je sens malgré tout pour toutes les raisons que j'ai déjà indiqué qu'il y a un moment un peu difficile pour les deux camps, tout le monde retient un peu son souffle avant cette troisième et ultime échéance”.

Mais le moment est venu, et le contexte économique, social et institutionnel est au vote selon le ministre Ça fait 30 ans qu'on se pose la question de, à qui on pose la question. C'est le corps électoral. Ça fait 30 ans qu'on débat de la question. On l'a, binaire, tout le monde s'en désole aujourd'hui, mais enfin tout le monde l'a choisi aussi, l'Etat compris. Ça fait 30 ans qu'on se pose la question de savoir quand est-ce qu'on se pose la question, et quelque chose me dit qu'on se la pose encore en ce moment... C'est bien ça fait déjà longtemps que ça dure donc on peut encore continuer quelques semaines” ironise-t-il. “Et puis ça fait 30 ans que soigneusement, on évite le contenu du OUI et du NON. Je dis on évite, je suis un peu dur, car des formations politiques ont écrit et fait des choses. Le problème, c'est que ce n'est pas d'écrire et de faire des choses dans son coin désormais. C'est de faire système et de le faire d'une manière multilatérale”.

Le confinement a certes modifié les plans de campagne, mais pas au point de justifier un report de la date à cette seule condition. "Ça fait plus de 30 ans que le processus est engagé, ça fait plus de 20 ans que l'Accord de Nouméa est passé, cet accord a même été prolongé. Est-ce que 5 semaines de confinement viennent tout changer ? Je ne pense pas”.

En ce sens, il n'est pas question d'anticiper un changement de l'échéance selon le ministre, sauf cas de force majeure :“Nous, on se tient prêt (…) Le principe, c'est d'être toujours prêt. Mais si vous avez une reprise épidémique violente le 1er décembre, on ne va pas s'accrocher au référendum parce qu'on est le 1er décembre, il faudra peut-être tout démonter. Mais inversement, si on commence à dire, on arrête de se préparer dès maintenant, soit maintenant soit à partir d'une date, on est sûr que ça revient a annuler le référendum. Il ne faut pas qu'on raconte d'histoire, dans un processus démocratique encadré par les Nation Unies, nous, on doit continuer d'être prêt en permanence”.

De plus, la population fait pression pour être fixée sur son avenir, assène le ministre : "Le terrain fait pression pour des résultats. Elle démontre que toute une population, peu importe qu'elle ait voté OUI ou qu'elle ait voté NON, et peu importe ce qu'elle votera, n'a pas peur de cette vérité et de voir le pays avancer Ce qui peut tuer la Nouvelle-Calédonie désormais c'est le sur-place, c'est le refus d'obstacle, c'est le repli sur soi-même”.

C'est cette réalité du terrain, l'attente générée, le souhait de connaître le projet d'avenir, qui doit motiver les politiques locales selon Sébastien Lecornu : "Parler du referendum sans parler d'avenir n'a pas de sens. Moi, j'ai envie de poser une seule question à chaque groupe politique (…) comment vous voyez la Nouvelle-Calédonie en 2030 ? Et faites-moi un rétroplanning de ce que vous attendez de l'Etat en la matière avec précision, avec évidemment la question institutionnelle au milieu, une fois de plus je respecte le combat des uns comme des autres, je représente l'Etat (…) mais quel avenir pour la Nouvelle-Calédonie ? Quel sens de l'intérêt général ? Où est l'intérêt général des Calédoniens et des Calédoniennes en ce moment ? Je pense que c'est la seule question qui vaille”.

Quoiqu'il en soit, quelle que soit la voie choisie par les Calédoniens, le problème des inégalités restera le principal obstacle à l'avenir du territoire : “Il ne faut pas se raconter d'histoire, ce pays n'arrivera pas à trouver un chemin de concorde si les écarts sont aussi grands. Les écarts entre les populations pauvres et les populations riches sont de 1 à 10. EN Hexagone, ils sont de 1 à 4. Qui peut penser que ça peut continuer comme ça ? (…) La réduction des inégalités est un sujet majeur, est un sujet central sans quoi l'avenir institutionnel dans le OUI comme dans le NON sera contrarié par ces inégalités sociales, nous auront des blocages sociaux”.

Le secteur nickel, l'une des clés économiques

Enfin, sur le volet économique, l'incontournable question du Nickel sera aussi un élément clé de l'avenir du territoire. Invité à se prononcer sur le choix de l'Etat d'apporter un soutien au projet de rachat de l'Usine du Sud par le groupe Prony Ressources, Sébastien Lecornu se félicite de la situation actuelle :
“La meilleure des nouvelles, c'est celle de Tesla cette semaine. C'est bien de produire du nickel, mais c'est mieux de produire du nickel qui trouve son client. C'est mieux de produire du nickel dont on sait qu'il a un avenir et qu'il participe à un progrès technologique (…) L'Etat est fier d'accompagner un projet industriel comme celui-ci. C'est beaucoup d'argent, en défiscalisation, en prêt”, notamment avec le prêt de 220 millions d'euros prévu par le protocole de reprise de l'usine qui a permis la sortie de crise.

Les autres groupes miniers du territoire sont confrontés à de grandes difficultés, des questions qui ne seront pas mises de côté par l'Etat selon Sébastien Lecornu : “La SLN, c'est la dame historique pour laquelle il y a un attachement profond, tout le monde pense qu'elle est éternelle, à force de penser ça, on sera peut-être surpris un jour, c'est pour ça que j'appelle les responsables politiques calédoniens à regarder aussi les politiques minières avec les enjeux de compétitivité liées aux coûts de production de l'usine (…) mais elle a ses défis, il faudra les relever”.

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La rencontre avec les représentants politiques ce samedi 16 octobre

Le lendemain de cette interview, enregistrée vendredi 15 octobre dans les locaux de nos confrères de RRB,  Sébastien Lecornu rencontrait les différents groupes politiques du territoire au Congrès de la Nouvelle-Calédonie.
Sans surprise, les indépendantistes ont demandé au ministre des Outre-mer le report du scrutin, tandis que les loyalistes, son maintien. "Nous sommes en train d'assumer un processus de décolonisation. C'est l'avenir du pays qui est en jeu et il ne peut pas tenir qu'à des indicateurs de vaccination ou de taux d'incidence", a déclaré Pierre-Chanel Tutugoro, chef du groupe UC-FLNKS, évoquant “l'impact social, sociologique et psychologique de cette crise sur nos populations. Elles ne sont pas prêtes". Cependant, il tempère que "la non-participation n'était pas pour l'instant discutée au niveau du FLNKS (Front de libération national kanak et socialiste)"
Une opinion rejointe par Jean-Pierre Djaïwé, Chef du groupe de l'UNI-FLNKS : "Notre population va sortir meurtrie de cette crise. Ce sera difficile de faire campagne, ce serait un affront à la dignité des gens qui portent la douleur d'avoir perdu un être cher”.

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De son côté, pour Virginie Ruffenach, loyaliste et chef du groupe Avenir en Confiance, "il ne faut pas l'utiliser comme prétexte politique. Notre vie est cristallisée par cet enjeu du oui et du non, donc ou c'est le 12 décembre ou c'est jamais", ajoutant la nécessité que "l'horizon des Calédoniens soit libéré".
Enfin, Philippe Michel, chef du groupe Calédonie Ensemble, tempère : "si d'ici un mois nous avons des indicateurs sanitaires, qui permettent de reprendre une vie normale alors on doit tenir le référendum, si ça n'est pas le cas alors il faut reporter".

 Sébastien Lecornu évoquant, comme pendant son interview, que seule une “épidémie devenant hors de contrôle” changerait les plans prévus.  Selon les élus, Sébastien Lecornu a confirmé durant ces discussions que l’État prendrait sa décision en fonction de l’évolution sanitaire d’ici deux à trois semaines. 

 

Damien Chaillot