Nouvelle-Calédonie : Premier bilan provisoire du centre d’accueil pour auteurs de violences conjugales

©Anthony Tejero / Les Nouvelles Calédoniennes

Nouvelle-Calédonie : Premier bilan provisoire du centre d’accueil pour auteurs de violences conjugales

Ouvert en décembre 2024, le premier centre d’accueil pour auteurs de violences conjugales en Nouvelle-Calédonie dresse un premier bilan provisoire. Huit personnes sont actuellement accueillies dans cette structure qui propose un séjour pouvant aller jusqu'à six mois. L’objectif principal est d'éviter que la victime soit contrainte de quitter le domicile familial. Focus avec le reportage de nos partenaires de CALEDONIA.

C’est un projet « innovant », fruit de deux ans de travail qu’a tenu à présenter à la presse, ce vendredi 14 mars, la membre du gouvernement Isabelle Champmoreau. Officiellement lancé en 2023 puis inauguré par l'ancien garde des sceaux Éric Dupond-Moretti, en février 2024, le premier centre de prise en charge des auteurs de violences intrafamiliales du pays est désormais opérationnel. Une mise en route initialement prévue en juin dernier, mais retardée en raison des émeutes.

Une approche de plus en plus répandue, et qui montre des résultats probants contre la récidive là où ce type de structure a été mis en place. Le centre d’accueil des victimes de Nouvelle-Calédonie montre déjà ses premiers signes encourageants. Ludovic Fels, directeur du centre, précise l’approche adoptée : « Le changement doit être apporté par l’auteur, et c’est l’auteur qui doit changer. La victime, elle, est victime, et on ne doit pas la victimiser encore en la déplaçant, elle et ses enfants. Elle va le subir encore comme un bouleversement, avec toutes les contraintes que ça va entraîner. Donc on a décidé d’approcher la problématique par l’axe de l’auteur. Pourquoi ? Parce que si demain il ne change pas, même si intervient une peine, il récidivera. La violence conjugale a des racines ».

Les auteurs de violences sont accompagnés de manière pluridisciplinaire, comme l’explique Ludovic Fels : « Il s’agit d’un accompagnement psychologique et addictologique, en se basant sur des partenariats que nous avons avec le relais de la Province Sud notamment, et l’intégration de nos placés ici au sein de groupes de paroles ».

D’une capacité de dix places, le centre accueille des personnes après une étude approfondie de leur dossier. L’accueil est principalement proposé aux auteurs de violences qui exercent une activité professionnelle, comme l’explique Ludovic Fels : « Les placés continuent à subvenir aux besoins du foyer où réside la victime, qu’ils n’ont pas le droit d’approcher. Pour cela, ils participent encore au paiement du loyer et des différents frais pour la victime et les enfants. Mais la personne placée ici doit aussi participer à son placement, puisque rien n’est gratuit, et pour nous, c’est une forme de responsabilisation des auteurs de violence ».

Le bilan est d’ores et déjà positif pour les huit personnes actuellement accueillies, poursuit le directeur de la structure : « Les personnes placées ont pris conscience que c’est une chance qui leur est donnée, parce que si le centre n’existait pas, ça aurait été synonyme d’incarcération. Pour une personne en situation de travail, qui dit incarcération dit perte de l’emploi et précarisation des personnes. Je pense que dans le contexte actuel, il faut favoriser et sécuriser les personnes et leurs emplois ».

Damien Chaillot

Un fléau qui touche l’ensemble du pays

La Nouvelle-Calédonie est particulièrement exposée aux violences conjugales et intra-familiales au sens large. À titre de comparaison, le nombre de faits pour 1 000 habitants est de 17,72 localement quand ce taux se situe à 7,7 dans l’Hexagone.

Un fléau qui touche l’ensemble du pays et qui s’est nettement accentué ces dernières années, avec une hausse des violences déclarées de + 60 % entre 2019 et 2023. Seule l’année 2024 affiche un recul (-18,6 %), mais il s’agit d’une « baisse en trompe l’œil », en raison des émeutes qui ont paralysé le pays, avertit Yves Dupas.

« Les victimes n’ont pas forcément pu accéder aux brigades de gendarmerie ou aux commissariats donc 2024 ne peut pas être une année de référence. D’autant plus que depuis la normalisation de la situation et de l’ordre public, on se retrouve de nouveau avec autant de faits », déplore le procureur de la République, pour qui « le combat continue » contre les violences intrafamiliales qui représentent 30 % des déferrements devant l’autorité judiciaire.

Anthony Tejero pour Les Nouvelles Calédoniennes