Nouvelle-Calédonie : Le gouvernement entend renforcer sa lutte contre la fraude et l’évasion fiscales

©Anthony Tejero / Les Nouvelles Calédoniennes

Nouvelle-Calédonie : Le gouvernement entend renforcer sa lutte contre la fraude et l’évasion fiscales

Gare aux fraudeurs. Le gouvernement calédonien a examiné, jeudi 5 juin, un avant-projet de loi du pays qui vise à renforcer les contrôles et améliorer la transparence en matière fiscale. Une mesure qui devrait être effective d’ici l’an prochain et pourrait rapporter près de 2 milliards de Fcfp. Un sujet de notre partenaire Les Nouvelles Calédoniennes.

Alors que les finances du pays sont exsangues, la fraude et l’évasion fiscales sont dans le viseur du gouvernement qui entend lutter contre ces dérives. C’est pourquoi l’exécutif a adopté, jeudi 5 juin, un avant-projet de loi du pays qui vise à moderniser et renforcer les contrôles de l’impôt au sens large, c’est-à-dire pour les particuliers comme pour les professionnels.

Le texte entend, à travers une série de mesures, améliorer « l’automaticité et la transparence » des échanges d’informations avec les services fiscaux. Ce dispositif comprendrait également de nouvelles déclarations obligatoires pour les contribuables : comptes bancaires détenus dans l’Hexagone ou à l’étranger, contrats d’assurance-vie, actifs numériques, etc.

« Il y a une nécessité »

« Nous sommes favorables à mener une politique volontariste pour baisser la pression fiscale qui pèse sur les entreprises et pour les accompagner en leur facilitant la vie, en instituant le droit à l’erreur, etc. En revanche, il y a une nécessité de renforcer notre lutte contre la fraude chez celles et ceux qui ne jouent pas le jeu », martèle Christopher Gygès, porte-parole du gouvernement. 

« Nous devons améliorer nos dispositifs à la fois sur la transparence fiscale, sur l’obligation de déclaration de comptes à l’étranger ou de comptes en Nouvelle-Calédonie, qui n’ont pas de référence fiscale réelle ou encore d’avoir une communication beaucoup plus forte avec les instances comme l’autorité des marchés financiers ». En prenant exemple sur les retombées pour les États qui ont instauré ces mesures, l’exécutif espère pouvoir récupérer entre 2 et 3 milliards de francs par an.

Un objectif ambitieux, mais encore lointain. Car cet avant-projet de loi du pays doit désormais être examiné par le Conseil d’État, à Paris, qui, en cas de feu vert, renverra le texte au gouvernement pour une nouvelle validation, mais en tant que loi du pays cette fois-ci. Elle sera ensuite déposée sur le bureau du Congrès qui doit le voter à la majorité des conseillers pour que le texte puisse devenir effectif. Néanmoins, l’exécutif se veut confiant quant à son adoption.

Les dispositions relatives au renforcement de la transparence fiscale, notamment concernant les nouvelles obligations déclaratives entreraient alors en vigueur à compter du 1er janvier 2026. Les autres dispositions liées à la modernisation du contrôle de l’impôt seraient, elles, applicables plus tôt, au lendemain du jour de la publication du texte au Journal officiel de la Nouvelle-Calédonie (Jonc).

Maintenir l’attractivité pour des investisseurs

À travers ce texte, il s’agit aussi pour la Nouvelle-Calédonie de ne pas figurer dans la liste noire des territoires en matière fiscale, aux yeux de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE). « Depuis 2017, la Nouvelle-Calédonie participe au processus visant à renforcer la coopération entre les pays afin d’améliorer la transparence fiscale. À ce titre, elle fait l’objet, comme 92 autres territoires, d’une évaluation du Forum mondial de l’OCDE », poursuit le porte-parole du gouvernement. 

« Ne pas être sur la liste noire des pays en matière fiscale est aussi une attractivité pour certains investisseurs. Une inscription sur cette liste nous exposerait à des contre-mesures de l’Union européenne, notamment une restriction de l’usage de ses fonds ».

Comment devrait s’appliquer ce texte ?

Échanges d’informations automatiques et transparents

Le texte entend améliorer l’automaticité et la transparence des échanges d’informations avec les services fiscaux. Les institutions financières déclarantes devront obligatoirement transmettre à l’administration fiscale, à savoir la direction des Services fiscaux (DSF), certaines informations clés telles que la liste des titulaires de comptes n’ayant pas remis les informations nécessaires à l’identification de leurs résidences fiscales. À ce titre, le défaut de remise par un titulaire de compte à son institution financière des informations requises pourra être sanctionné.

Dispositifs anti-contournement

Le texte introduit une nouvelle obligation déclarative auprès des autorités fiscales, imposée aux acteurs participants à la conception, la commercialisation, l’organisation ou la gestion d’un dispositif transfrontalier potentiellement agressif et dans certains cas les contribuables eux-mêmes, dans le but de prévenir le contournement de la norme commune de déclaration (NCD). Le document étend le droit de communication de la DSF à l’égard de l’Autorité de contrôle prudentiel et de résolution (ACPR), en charge de la surveillance des établissements bancaires, et de l’Autorité des marchés financiers (AMF).

De nouvelles obligations déclaratives

D’autres obligations déclaratives sont introduites à savoir, la déclaration :

  • des comptes financiers détenus à l’étranger par les personnes physiques, les associations et les sociétés n’ayant pas la forme commerciale domiciliées ou établies en Nouvelle-Calédonie
  • des actifs numériques par les personnes ou les entités juridiques domiciliées ou établies en Nouvelle-Calédonie
  • des contrats d’assurance-vie, de capitalisation et placements de même nature souscrits auprès d’organismes établis hors de France et de Nouvelle-Calédonie
  • des trusts (acte juridique par lequel une personne morale ou physique transfère des actifs à une autre personne qui aura la responsabilité de leur gestion au nom et pour le compte d’un ou plusieurs bénéficiaires).

Contrôles de comptabilités informatisées

L’avant-projet de loi du pays entend moderniser certaines pratiques, dont les modalités de contrôle des comptabilités des contribuables lorsque celles-ci sont tenues sur des systèmes informatisés, avec :

  • l’introduction de la possibilité d’exercer ces contrôles ailleurs que dans les locaux du contribuable (notamment pour les petites entreprises qui n’ont pas de locaux)
  • l’instauration d’un délai de 15 jours pour la transmission des copies des documents et fichiers demandés par la DSF dans le cadre d’un contrôle des comptabilités
  • la suppression de l’obligation de restitution des documents transmis de façon dématérialisée
  • l’introduction de "l’examen de comptabilité", un contrôle à distance effectué lorsque la DSF considère qu’il n’est pas nécessaire d’effectuer des investigations sur place.

Droit de contrôle et droit de communication

Enfin, il est prévu la mise en place de dispositions visant à définir les conditions d’examen des comptes financiers, et notamment des comptes bancaires, retraçant à la fois des opérations privées et des opérations professionnelles, mais également de faciliter les procédures de régularisation de la situation fiscale d’un contribuable en cas de découverte d’une activité occulte. Il compte également sanctionner plus sévèrement les contribuables en cas de refus de communication des documents et renseignements demandés par l’administration.

Anthony Tejero pour Les Nouvelles Calédoniennes