Brayen Sooranna, Directeur Outre-mer de l’Union sociale pour l'habitat (USH), s’est rendu en Nouvelle-Calédonie à la demande de la Société Immobilière de la Nouvelle-Calédonie (SIC), le principal bailleur social du territoire. L’objectif de ce déplacement (du 26 mars au 1er avril) était de traiter divers enjeux : la rénovation urbaine, les questions ayant traits à la seconde vie des bâtiments et des démolitions, la décarbonation du parc, les questions de sécurité et de tranquillité au sein du parc HLM néo-calédonien…
La situation du logement social en Nouvelle-Calédonie est devenue une source majeure de préoccupation. En raison de défis économiques, financiers et sociaux croissants, les bailleurs sociaux et les acteurs du secteur se trouvent dans une situation critique, nécessitant une intervention urgente. Depuis près de dix mois, la gestion de ces structures est paralysée par l’attente de réponses essentielles, mettant ainsi en péril les populations les plus vulnérables.
Une crise sans précédent pour le secteur
« Depuis le 13 mai 2024, la Nouvelle-Calédonie, l’un des plus beaux territoires de France, traverse une crise économique et sociale sans précédent. Cette crise a plongé le secteur de l'habitat, déjà en difficulté, dans une profonde tourmente. C’est une grande tristesse lorsqu’on connaît l’histoire et les défis que ce territoire a surmontés. »
La situation nécessite des réponses urgentes, soutenues par des décisions politiques ambitieuses et un renforcement du dialogue entre toutes les parties prenantes. Il est impératif de mettre en place un financement adapté pour soutenir durablement le secteur et de développer un nouveau modèle économique et institutionnel spécifique à la Nouvelle-Calédonie. Cela passe aussi par la réhabilitation de l’image du logement social, ternie par les événements de 2024, malgré l’engagement constant des bailleurs sociaux aux côtés des populations.
Brayen Sooranna a profité de ce déplacement pour échanger avec les acteurs du secteur de l’habitat, notamment les bailleurs sociaux, avec Muriel Malfar-Pauga, Présidente, Benoit Naturel, Directeur général de la SIC, Maud Peirano, Directrice générale de la SEM Sud Habitat ; Karl Ulm, Président du Fonds Social de l'Habitat (FSH), ainsi que plusieurs représentants des autorités locales et des partenaires économiques et sociaux : Mme Veylma Falaeo, Présidente du Congrès de la Nouvelle-Calédonie, M. Petelo Sao, membre du gouvernement en charge de l’habitat et de l’urbanisme, les services du Haut-Commissaire de la République, la Banque des Territoires, la CCI de Nouvelle-Calédonie, la Société d’Equipement de la Nouvelle-Calédonie, la Fédération Calédonienne du BTP, le MEDEF, l’AFD et le RSMA.

L’engagement de l’USH et les difficultés du secteur
L’engagement de l’USH envers les bailleurs sociaux de la Nouvelle-Calédonie n’est pas récent. Bien que les organismes de logement social du territoire ne soient pas membres des fédérations composant le mouvement HLM, l’USH collabore régulièrement avec les bailleurs sociaux calédoniens, et ce, d’autant plus depuis les événements du 13 mai 2024. Ainsi, la Fédération Nationale des Associations Régionales (FNAR) avait mis en lumière les difficultés du secteur lors du congrès HLM de Montpellier en septembre 2024.
Depuis le début de l'année dernière, il avait été décidé de lancer des travaux pour la création d’une Association Régionale des Maîtres d’Ouvrage Sociaux (ARMOS-NC) en Nouvelle-Calédonie, qui pourrait ainsi adhérer à la FNAR et rejoindre le mouvement HLM.

Une situation financière de plus en plus dégradée
Le secteur du logement social en Nouvelle-Calédonie fait face à des problèmes structurels et financiers graves. Le taux d’impayés avoisine les 10 %, tandis que le taux de vacance des logements atteint environ 12,5 %. Ces deux phénomènes, combinés à des tensions sociales croissantes, ont fragilisé le modèle économique des bailleurs sociaux, malgré leurs efforts constants pour maintenir une qualité de service.
Le Fonds Social de l'Habitat (FSH) finance actuellement environ 15 % de l’aide au logement en Nouvelle-Calédonie. Toutefois, ce fonds dépend en grande partie des ressources générées par la taxe de 2 % sur les revenus des entreprises, une ressource en déclin en raison de la crise économique. Une estimation récente fait état d’un besoin urgent de 3,5 milliards de FCFP (29 millions €) pour répondre aux besoins du secteur. Bien qu’une avance de 1,5 milliard de FCFP (12 millions €) ait été allouée en 2024, cela reste insuffisant pour couvrir les besoins de rénovation et de construction de nouveaux logements.

Le manque de financements, les politiques publiques inadaptées face à l’ampleur de la crise, ainsi que la réduction des ressources humaines dans les Centres Communaux d’Action Sociale (CCAS) et la disparition de certaines aides sociales, compromettent gravement l’avenir du modèle économique du logement social et exacerbent la précarité des populations locales.
Le logement social : un moteur potentiel de la relance économique
En dépit de ces difficultés, le secteur du logement social pourrait jouer un rôle clé dans la relance économique de la Nouvelle-Calédonie. La rénovation massive des logements sociaux représente une opportunité pour revitaliser le secteur du BTP, déjà fragilisé avant la crise. Le secteur de la construction, qui avait bénéficié de la programmation d’un millier de logements par an pour soutenir les employés du secteur du nickel, a vu ses grands chantiers se terminer. Il est désormais crucial de relancer la rénovation urbaine pour soutenir l’économie locale et redonner de la visibilité et de la stabilité au territoire.

La rénovation urbaine devrait être une priorité pour lutter contre la vacance des logements, tout en répondant aux besoins spécifiques des habitants. L'intégration de la Nouvelle-Calédonie dans le programme de l’Agence Nationale pour la Rénovation Urbaine (ANRU) pourrait être un levier essentiel pour financer et accompagner ces travaux de rénovation.
Quelques mesures nécessaires pour éviter l’effondrement du système, selon l’USH
Pour éviter un effondrement total du système du logement social et répondre aux besoins urgents de la population, plusieurs mesures doivent être envisagées selon l'USH:
-Des engagements financiers clairs pour garantir des financements spécifiques et pérennes pour le logement social en Nouvelle-Calédonie, et assurer des ressources stables pour le FSH.
-La réinvention du modèle économique pour assurer une autonomie financière tout en maintenant un soutien public indispensable à la pérennité du système.
-Le renforcement des actions sociales pour soutenir les populations vulnérables, en particulier en matière d’aides alimentaires.
-La garantie des impayés à travers de moyens financiers.
-Une politique de réhabilitation et de rénovation à court et long terme qui tienne compte des besoins spécifiques des habitants de Nouvelle-Calédonie, afin d’éviter la création de nouvelles zones de vacance et de forts taux d’impayés. Cela tout en sachant que le parc néo-calédonien, tous bailleurs confondus, n’a rien à envier aux autres territoires.