Gérald Darmanin a commencé son déplacement en Nouvelle-Calédonie par une coutume d’accueil au Sénat coutumier, vendredi matin. Une séquence lors de laquelle il a évoqué son souhait, partagé par le président de la République, d’offrir un « rôle plus important » aux représentants du monde kanak. Le président du Sénat coutumier, Victor Gogny, y voit un premier pas vers la reconnaissance de cette assemblée comme une deuxième chambre décisionnelle, avec le Congrès. Explications de notre partenaire Les Nouvelles Calédoniennes.
C’est un passage incontournable, presque obligatoire depuis plusieurs années, pour les ministres en visite sur le territoire. Gérald Darmanin a commencé son déplacement en Nouvelle-Calédonie par une coutume d’accueil, ce vendredi matin, au Sénat coutumier.
Aussi ordinaire soit-elle, cette séquence a toutefois été l’occasion d’une première déclaration forte de la part du ministre de l’Intérieur et des Outre-mer au sujet de l’avenir institutionnel de la Nouvelle-Calédonie. Il a en effet indiqué que le gouvernement souhaitait offrir « une place nouvelle au Sénat coutumier parmi les instances de la Nouvelle-Calédonie […] La place du monde coutumier et du monde kanak doit être encore plus forte. »
Un « pouvoir décisionnel »
Quelle forme pourrait donc prendre, à l’avenir, cette assemblée issue de l’accord de Nouméa ? Pour son président, Victor Gogny, cette déclaration de Gérald Darmanin est la preuve d’un premier pas de l’État en faveur d’une des demandes exprimées par les représentants coutumiers : « positionner le Sénat coutumier en face du Congrès de manière qu’il devienne une seconde chambre parlementaire, à dominante coutumière. » Un moyen, selon Victor Gogny, de perpétuer la vision des accords de Matignon et de Nouméa dans la reconnaissance « de l’identité kanak et de la citoyenneté calédonienne » et surtout de la « légitimité coutumière ».
Ce modèle bicaméral permettrait ainsi de « donner un pouvoir décisionnel » aux représentants coutumiers et de faire de cette instance un « levier participatif et représentant du peuple autochtone dans la gouvernance de notre pays ». Une proposition à laquelle le ministre se serait montré « ouvert », a assuré Victor Gogny, au terme d’un moment d’échanges au sein de l’hémicycle.
L’instance coutumière en a profité pour réitérer deux autres propositions, formulées il y a quelques mois lors du 23e congrès du peuple kanak : la volonté de structurer les chefferies autour des communes et d’intégrer « les huit aires coutumières » dans le fonctionnement des provinces. Des demandes déjà soumises par Victor Gogny au ministre de l’Intérieur et des Outre-Mer, dans un courrier envoyé il y a deux semaines. « J’ai bien reçu votre lettre et je voulais y répondre », a souligné Gérald Darmanin, lors de la coutume de bonjour. « Nous sommes sensibles à tout ce que le monde kanak exprime à travers vous » et « tout à fait disposés à aller dans le sens des propositions que vous nous avez faites ».
Dégel du corps électoral et chemin de la mémoire
Au-delà des propositions sur l’avenir de la représentation coutumière en Nouvelle-Calédonie, Victor Gogny a rappelé à Gérald Darmanin la position du Sénat coutumier concernant les discussions en cours. En premier lieu, le président de l’assemblée a regretté que le document martyr, produit par l’État, « n’ait pas pris en compte la non-participation au troisième référendum de la grande majorité des électeurs du peuple autochtone kanak ». « Vous conviendrez avec nous que l’organisation à tout prix de ce troisième référendum en décembre 2021, dans les conditions que l’on connaît, a remis en cause la gestion consensuelle de la phase finale de l’accord de Nouméa. Et une conséquence majeure, deux ans après, est que le dialogue n’a toujours pas été totalement rétabli. »
Par ailleurs, le président du Sénat coutumier a souligné l’opposition de l’instance au dégel du corps électoral, estimant que « le peuple autochtone est déjà minoritaire ». « Aussi, nous nous exprimons en faveur du maintien des équilibres définis au niveau du corps électoral. »
Le dernier point évoqué par Victor Gogny fait, à l’inverse, consensus parmi les représentants coutumiers : le chemin de la mémoire, souhaité par Emmanuel Macron lors de son déplacement en juillet. « Nous considérons que ce projet arrive à point nommé, pour introduire les politiques publiques de l’identité kanak que nous considérons comme indispensables pour résorber les traumatismes hérités de la colonisation. »
Baptiste Gouret pour Les Nouvelles Calédoniennes