Nouvelle-Calédonie: au tribunal de Nouméa, des émeutiers et pilleurs apolitiques

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Nouvelle-Calédonie: au tribunal de Nouméa, des émeutiers et pilleurs apolitiques

Sur les huit prévenus jugés en ce début de semaine devant le tribunal de Nouméa pour des faits relatifs aux émeutes en Nouvelle-Calédonie, un seul affirme avoir été présent sur les barrages pour "participer aux blocages, pour la lutte pour l'indépendance".

 

L'éventail des affaires traitées est large et illustre la diversité des infractions commises pendant ces quinze jours de violences sur l'archipel français du Pacifique sud: les trois juges doivent se pencher sur des cas de violences à l'encontre des forces de l'ordre, de détention d'explosifs, de pillages ou encore de recels de vols.

Fait notable souligné par Pierre-Louis Villaume, l'un des avocats de la défense, beaucoup de comparutions immédiates concernent des prévenus "inconnus de la justice". C'est le cas de Jonathan, 35 ans, qui vit chez son père retraité de la gendarmerie. Retrouvé grâce à des images de vidéosurveillance, il comparaît ce lundi pour des faits de pillage dans un entrepôt d'une enseigne spécialisée dans l'électroménager.

La présidente Émilie Gaudin dresse une longue liste hétéroclite du butin composé d'un réfrigérateur, de ventilateurs ou encore d'une bouilloire. Le prévenu apparaissant pour la première fois devant la justice, il sera condamné quelques minutes plus tard par le tribunal à huit mois de prison avec sursis.

D'une voix tremblante, l'homme à la recherche d'un emploi reconnaît les faits, "oui, c'était du vol". Lors de son audition au commissariat de police, il avait plaidé qu'il ne s'agissait pas d'un acte de pillage, "tout le monde se servait et nous disait de nous servir".

Un mot d'ordre qui a largement circulé sur les réseaux sociaux, courroie de transmission de rumeurs, comme l'a martelé le substitut du procureur Richard Dutot. Parmi les plus persistantes, celles assurant l'existence de "milices blanches" qui sillonneraient le Grand Nouméa "pour tirer sur des personnes". Me Villaume abonde dans ce sens en rappelant "la totale désinformation" sur le terrain au sujet des milices.

"Plus rien à manger" 
 

Henrick, 38 ans, condamné à deux ans de prison pour avoir tenté de renverser un policier à l'aide de son véhicule, tente d'expliquer son geste par crainte de la milice. "Avec tout ce qu'il se passe, j'ai eu peur, on a peur de tout le monde, de la police aussi". Sur les barrages, l'idée que les forces de l'ordre et les milices travailleraient de concert circule largement.

Une défense qui revient également pour Mendy, un jeune d'Ouvéa, jugé pour avoir lancé un boulon en acier sur un policier à l'aide d'un lance-pierre, des "faits très graves", souligne le substitut du procureur, qui requiert 18 mois de prison. Le tribunal le condamnera à 10 mois, avec un maintien en détention.

Il explique sa présence sur les barrages, comme d'autres, pour "protéger le quartier contre la milice". Son geste a provoqué un traumatisme pour sa victime, un major de la police nationale qui témoigne à la barre, le boulon entre les mains qu'il conserve comme une amulette. Très éprouvé, il évoque d'une voix calme 15 jours particulièrement "éprouvants", psychologiquement et physiquement.

Aujourd'hui, Mendy "regrette ce qu'[il] a fait et veut retourner à [sa] vie normale".

Les audiences révèlent aussi les situations parfois précaires des prévenus. Mendy, 28 ans, père d'un bébé de six mois resté avec sa femme sur l'île dont il est originaire, est à Nouméa depuis un mois. Il avait décroché un emploi d'électricien pour un peu plus de 400 euros par mois. Henrick travaille quant à lui six jours sur sept pour un revenu de 1.250 euros.

Trois jeunes de 19, 21 et 25 ans comparaissent également libres pour des faits de pillages. Le plus jeune, qui était aussi poursuivi pour avoir volé des denrées alimentaires, "alors que (lui) et (sa mère) n'avaient plus rien à manger", pourra finalement partir en France pour suivre un BTS. Les juges auront fait preuve d'une certaine clémence en prononçant des peines de six mois avec sursis.

La présidente rappelle toutefois qu'on ne "peut pas tolérer que sous couvert de revendications sincères et légitimes, on puisse justifier des actes de pillage". Depuis le 13 mai, "près de 500" personnes ont été interpellées, selon les autorités.

Avec AFP