Soixante-quatre universitaires ont publié une tribune au Monde, appelant le président de la République à repousser le référendum d’indépendance à « fin 2022 ». Six anciens dirigeants du Pacifique, réunis au sein du groupe « Pacific Elders Voice » abondent en ce sens dans une lettre ouverte au chef de l’État.
Pour les 64 universitaires, un référendum sans la participation des kanak « n’est pas seulement une faute politique et morale : c’est un retour en arrière qui évoque les heures sombres des « événements » de 1984-1988 ».
« Spécialistes de l’histoire et de la société calédoniennes, nous assistons avec stupeur et inquiétude à la complète remise en cause des accords de Matignon (1988) et de l’accord de Nouméa (1998) qui, sur les cendres d’Ouvéa, avait fait naître un immense espoir : celui d’une décolonisation pacifique et inclusive, réunissant les descendants des colons et ceux des colonisés dans une même communauté de destin » écrivent les universitaires de Nouvelle-Calédonie, de France hexagonale, de Polynésie, de Guadeloupe, de Martinique, d’Australie, de Nouvelle-Zélande, des États-Unis, du Canada et même d’Italie.
Estimant que « pour les Kanak, le temps est au recueillement et aux cérémonies traditionnelles de deuil », les universitaires regrettent « la légèreté avec laquelle M. Lecornu et les responsables loyalistes ont balayé » la demande de report faite par les indépendantistes et le Sénat coutumier, qui « en dit long sur le gouffre qui sépare les promesses de l’accord de Nouméa de la réalité actuelle ». « Le mépris pour l’identité kanak semble toujours prévaloir au sommet de l’État, contrairement aux engagements internationaux de la France et au discours de M. Macron qualifiant la colonisation de « crime contre l’humanité » », ajoutent-ils.
Rappelant que « le 10 octobre 2019, le Premier Ministre Édouard Philippe avait annoncé vouloir éviter toute instrumentalisation du scrutin » en organisant pas le 3ème référendum entre le milieu du mois de septembre 2021 et la fin du mois d’août 2022, les universitaires regrettent que « l’État a renié sa parole », « renouant avec une attitude qu’ils croyaient révolue depuis les accords de Matignon ». « En 2008, dans une tribune du Monde, Michel Rocard et Lionel Jospin renvoyaient aux « manquements à la parole donnée par la France » pour expliquer les origines des crises politiques en Nouvelle-Calédonie. Nous y sommes, à nouveau », estiment encore les signataires.
« Si le référendum a lieu le 12 décembre prochain, la France sera à coup sûr pointée du doigt sur la scène internationale, la Nouvelle-Calédonie étant toujours sur la liste onusienne des territoires à décoloniser » poursuivent les universitaires, qui appellent Emmanuel Macron à « choisir la voie de l’apaisement, en repoussant le référendum à la fin 2022. C’est là le seul moyen d’éviter la radicalisation des camps en présence et de poursuivre une décolonisation inédite, à la fois démocratique et pacifique ».
Dans une lettre, six anciens dirigeant du Pacifique -Marshall, Palau, Kiribati, Tuvalu mais aussi l’ancienne secrétaire général du Forum des Îles du Pacifique et le président de l’Université de Guam-, ont exhorté le président de la République à « être ouvert aux voix des leaders du peuple kanak » et « de montrer considération et respect à leurs souhaits », afin de « maintenir le dialogue » et d’éviter « une situation violente ». « Nous l’exhortons pour que, quelle que soit la décision future qui soit faite pour le peuple de Nouvelle-Calédonie, le référendum soit équitable, juste, transparent et apaisé », ont-ils conclu.