Méthamphétamine : Que fait la Polynésie française pour lutter contre le fléau de l’ice

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Méthamphétamine : Que fait la Polynésie française pour lutter contre le fléau de l’ice

Samedi 6 septembre, plusieurs milliers de personnes se sont mobilisées pour dire non à l’« ice », cette drogue de synthèse, appelée aussi méthamphétamine ou « crystal meth », qui gangrène la jeunesse polynésienne depuis déjà deux décennies. Cette année, le gouvernement local a annoncé plusieurs mesures pour lutter contre ce fléau.

Ils étaient 6 500 personnes à défiler dans les rues de Papeete samedi dernier. Un appel à la mobilisation, lancé par la Fédération de lutte contre la drogue et la toxicomanie entendu jusque dans les îles éloignées de Tahiti, notamment aux Marquises, ou plus proches, comme aux îles Sous-le-Vent.

Selon la présidente de la Fédération, Kathy Gaudot, la Polynésie compterait quelque « 30 000 consommateurs » pour une population d'environ 280 000 habitants. « De ce que l'on voit sur le terrain, on est même au-delà », a-t-elle estimé. Si la procureure de la République à Papeete, Solène Belaouar dit ne disposer « d'aucun indicateur » lui permettant de confirmer ce chiffre, « la consommation d'ice figure en toile de fond de nombre d'affaires pénales », a-t-elle souligné.

Très addictive, cette drogue est réputée pour stimuler la concentration, retarder le sommeil ou renforcer les performances sexuelles, mais elle a des effets destructeurs sur le corps et la santé mentale. En février dernier, le gouvernement polynésien avait annoncé un plan à plusieurs millions d'euros pour lutter contre la méthamphétamine (ice)

Quelques jours avant la mobilisation, l’exécutif local, compétent en matière de prévention et de soin, avait déroulé dans un communiqué ses « actions concrètes » et ses « efforts pour combattre l'addiction à la méthamphétamine ». « À partir de septembre, le Centre hospitalier mettra en place un infirmier dédié aux urgences afin d’assurer une évaluation rapide et sécurisée des patients sous l’influence de l’Ice et d’autres substances », indiquait le communiqué.

« Au quatrième trimestre 2025, cette mesure sera complétée par le dispositif ELSA (Equipe de liaison et de Soins en Addictologie), qui offrira une prise en charge intégrée, facilitera l’orientation vers les soins de long terme et contribuera à limiter les réadmissions » ajoute-t-on.

Promis depuis une quinzaine d’années, l'ouverture d’un Pôle de Santé Mentale (PSM) en 2026 « marquera une avancée majeure, avec le développement d'une offre en addictologie et la création d'un service d'hospitalisation dédié ». « Ce pôle, rattaché au Centre hospitalier, deviendra la référence territoriale pour la santé mentale, intégrant psychiatrie adulte, pédopsychiatrie et addictologie, en appui des tutelles pour une coordination optimale », détaille le gouvernement local.

« Dans le cadre de ces efforts, la Cellule d’Intervention Éducative de la Délégation pour la Prévention de la Délinquance de la Jeunesse (DPDJ) renforce la formation des personnels de terrain pour prévenir les conduites addictives » poursuit encore le gouvernement de Moetai Brotherson, qui assure que des « subventions dédiées » sont allouées aux associations engagées.

Des financements qui « visent à soutenir la conception et la mise en œuvre d’actions de proximité, ancrées dans les réalités sociales et culturelles du Fenua, qu’il s’agisse de projets de sensibilisation auprès des jeunes, d’ateliers éducatifs, de campagnes communautaires ou encore d’initiatives de suivi et d’accompagnement des publics vulnérables ».

Toujours sur la prévention, Moetai Brotherson avait dit, en août dernier, son souhait de transformer un atoll éloigné et inhabité de Tahiti en centre de désintoxication. Si l’annonce avait surpris, le chef de l’exécutif polynésien n’en démord pas et a réitéré ce souhait depuis Honiara, aux Îles Salomon, où il participe au Forum des Îles du Pacifique. « Ces personnes ont besoin d’être extraites de leur milieu d’origine, elles ont besoin d’être écartées des centres de tentation ».

C’est aussi l’idée sur laquelle travail Stanley Paie-Ellis, responsable de l’association Varuatahi Vaa Tahiti et ancien dépendant. En partenariat avec l’association Haururu, il souhaite emmener une dizaine de personnes, pendant plusieurs semaines, au fond de la vallée de la Papeno'o sur l’île de Tahiti, pour les sortir de leur addiction à la méthamphétamine. Un exemple de projet que le gouvernement local entend soutenir.

Côté réglementation, l’Assemblée territoriale a récemment adopté un amendement interdisant en 2027 l’importation et la vente de produits de vapotage, la méthamphétamine pouvant être consommée par vaporisation dans des cigarettes électroniques. Un amendement qui risque toutefois d’être retoqué par le Conseil d’État. Au lendemain de la manifestation, le chef du gouvernement a aussi annoncé l’interdiction prochaine de l’importation et de la vente de pipettes à bulle, principal vecteur de consommation en Polynésie.

Après la prévention et les soins, reste le régalien, chasse-gardée de l’État. Moetai Brotherson avait notamment demandé une augmentation des quantums de peine pour les trafiquants. Une demande appuyée par une résolution de l’Assemblée de Polynésie française. « Le quantum des peines est déjà très élevé, contrairement à ce qui est dit parfois. La justice, sur ces sujets-là, cogne, et cogne dur » avait répondu le ministre des Outre-mer Manuel Valls lors de sa visite sur le territoire.