Sorti pour la première fois en 2003 aux éditions Haere Pō, Mūtismes, tout premier roman de l’auteure tahitienne Titaua Peu, vient de paraître aux éditions Au Vent des Îles, s’assurant ainsi une diffusion jusque dans l’Hexagone.
« Tabous et non-dits, frustrations et conflits, zones d’ombre et de silences. Autant de maux qui gangrènent la société polynésienne des années 1980 à 2000 », écrit l’éditeur Au Vent des Îles. Mūtismes, roman sur ces « silences et non-dits qui taisent les souffrances de leur peuple colonisé », est la première pierre littéraire de l’écrivaine engagée, « la plus jeune auteure tahitienne publiée », Titaua Peu. Selon l'Académie tahitienne, Mū se traduit d’ailleurs par « silence de quelqu’un qui a quelque chose à dire mais qui se tait ».
Dans ce roman, Titaua Peu raconte les drames d’une famille tahitienne, revenue de Nouvelle-Calédonie où le père, violent, avait travaillé dans les mines de nickel. En trame de fond, une Polynésie dont les atolls sont souillés par les essais nucléaires français qui remet en question la « foi en l’humanité » de la principale protagoniste, benjamine de cette famille. « Seule son admiration pour Rori, activiste politique indépendantiste au charisme incontestable, parvient à lui redonner le sourire et à insuffler un sens à sa vie ».
Véritable « manifeste indépendantiste qui (re)donne voix aux oubliés des années fastes du Centre d’Expérimentation du Pacifique », Titaua Peu a écrit ce premier roman alors qu’elle revenait de ses longues années d’études supérieures, en Philosophie, dans l’Hexagone. « J’ai très tôt eu envie et besoin d’écrire. Paris a été une ville qui m’a beaucoup inspirée. L’éloignement, le besoin de retrouver en mémoire les odeurs, les sons de mon pays m’ont presque naturellement aidé à écrire et puis j’avais en moi une certaine révolte (je l’ai toujours d’ailleurs…) », nous confiait-elle en 2016. « On vivait là le faste, le luxe mais aussi la censure des années Flosse, du GIP, des pratiques illégales. Il fallait que ça cesse. Mūtismes était un cri de révolte pour tous les laissés pour compte des années CEP ».
« Une voix forte de l’Océanie »
Pour Christian Robert, fondateur des éditions Au Vent des Îles, il était tout naturel de donner un nouveau souffle au roman Mūtismes et surtout, « de lui offrir une diffusion nationale ». « C’est un texte fort, qui reprend des événements qui sont aujourd’hui rentrés au patrimoine historique de la Polynésie. D’autant plus depuis la sortie de « Toxique » (l’enquête sur les essais nucléaires du média Disclose, ndlr) ! », ajoute-t-il. « Lors de sa première édition, les portes des librairies françaises ne lui ont pas été ouvertes, c’est chose faite depuis quelques jours ! Si votre libraire habituel ne l’a pas, n’hésitez pas à le commander, il est disponible ».
« Titaua fait incontestablement partie des écrivains de la Polynésie d’aujourd’hui, c’est aussi une voix forte de l’Océanie, dont nous défendons les textes dans notre catalogue », confie encore l’éditeur. « Sur la forme, elle est talentueuse, son style incisif fait souvent mouche ! Et sur le fond, elle fait partie de ces écrivains engagés qui viennent briser le moule d’un exotisme désuet et tellement éloigné de la réalité de son pays ». Pas étonnant qu’en 2017, son second roman Pina (2016, Au Vent des Îles) reçu le prix du roman populiste – Eugène Dabit.
Le Livre :
Face aux drames qui bouleversent sa vie, depuis son enfance exposée à la violence du père jusqu’à l’adolescence marquée par les départs et les arrachements, tandis que des atolls se font souiller par les tirs nucléaires d’une mère patrie dont elle ignore tout, la jeune narratrice doute de sa foi en l’humanité. Seule son admiration pour Rori, activiste politique indépendantiste au charisme incontestable, parvient à lui redonner le sourire et à insuffler un sens à sa vie. Mais l’amour ne peut aveugler éperdument : il lui faudra s’exiler à 22 000 kilomètres, sur cette terre française étrangère, pour trouver la force de mettre des mots sur l’indicible. Et tenter de (ré)écrire l’histoire de son pays.
L’auteure :
Auteure à l’engagement éminemment politique et personnalité incontournable du paysage intellectuel et artistique polynésien, Titaua Peu donne à voir une société bien éloignée des clichés illusoires. Mūtismes, paru initialement en 2003, est un manifeste indépendantiste qui (re)donne voix aux oubliés des années fastes du Centre d’Expérimentation du Pacifique (essais nucléaires français). Son second roman Pina a reçu le Prix Eugène Dabit du roman populiste en 2017, un tour de force salué par la critique qui scelle son combat littéraire tout autant que social.