Les trois députés de Polynésie ont fait leur entrée ce mercredi après-midi à l’Assemblée nationale. Une entrée remarquée, d’abord parce que la Polynésie a envoyé le plus jeune député de l’histoire de la Vème République mais aussi parce qu’ils ont souhaité véhiculer leur identité à travers leur tenue vestimentaire.
Paréo, ou lavalava, attaché à la taille, chemise à fleur et même chapeau en feuille de pandanus tressé des îles Australes : le député polynésien Moetai Brotherson ne sera plus seul à porter cette tenue qui attire les regards du Palais Bourbon. N'en déplaise à ceux qui estiment que le sérieux passe par le costume-cravate, le député est venu accompagné, ce mercredi, par ses deux nouveaux collègues vêtus eux aussi de leur tenue emblématique : Steve Chailloux, professeur de Tahitien et Tematai Le Gayic, étudiant de 21 ans, et plus jeune député de l'Histoire de la Vème République. C'est lui qui, d'ailleurs, faisait déplacer les journalistes parisiens dans la salle des quatre colonnes.
S’il se dit « pris par le poids de l’Histoire et de ses institutions », le plus jeune député de la Vème République, Tematai Le Gayic, 21 ans, n’en garde pas moins la tête froide. « Je ne m’attarde pas trop là-dessus parce qu’il y a beaucoup de dossiers à faire avancer » ajoute le député de la 1ère circonscription de la Polynésie, la plus vaste de France, qui s’étend de Papeete, Pirae et Arue sur l’île de Tahiti à l’archipel des Marquises, en passant par les îles Tuamotu et l’île de Moorea.
Élu sous la bannière du parti indépendantiste Tavini Huira’atira (« Servir le peuple ») et soutenu par la NUPES, Tematai Le Gayic, comme ses collègues Moetai Brotherson et Steve Chailloux, défendront entre autres dossiers, la mise en place d’un processus de décolonisation et d’autodétermination à l’image de la Nouvelle-Calédonie. Le jeune député entend d’ailleurs s’appuyer sur la révision constitutionnelle obligatoire pour inscrire l’archipel voisin dans la Constitution pour « avoir un titre spécifique dans la Constitution pour la Polynésie ».
Autre dossier qui « tient à cœur » à ce jeune étudiant : « l’augmentation des filières du professionnel et de l’enseignement supérieur en Polynésie ». « Faire ses études en Polynésie, c’est difficile parce qu’il n’y pas assez de filières, c’est restreint, et on est obligé de venir jusqu’en France : ça coûte cher, il y a le dépaysement et surtout, les filières ne sont pas forcément adaptées aux réalités polynésiennes » a-t-il expliqué, rappelant toutefois la compétence de l’État sur ce sujet.
Plus chevronné, Moetai Brotherson, élu la première fois en 2017 dans la 3ème circonscription polynésienne, entend agir comme un guide à l’égard de ses collègues primo-députés. Surtout, il voit dans cette nouvelle mandature, sans majorité absolue, l’occasion de mieux faire entendre les autres groupes de l’Assemblée. « Elle va être plus animée, plus agitée mais j’espère aussi plus constructive » dit-il en abordant cette nouvelle mandature. « Le président et l’exécutif vont être obligés de composer avec les différents groupes et peut être qu’on arrivera à des discussions plus intelligentes, et plus d’écoute ».
Un point de vue que partage Tematai Le Gayic : « L’esprit de la Vème République c’est le régime parlementaire. L’élection du président au suffrage universel et le passage au quinquennat ont rendu ce régime jupitérien et peut être qu’au lieu de dissoudre l’Assemblée nationale, ce serait bien de composer avec les différents groupes et voir comment on peut gérer un pays sous régime parlementaire ».
Pour compléter le trio qui a signé samedi une victoire historique et éclatante du parti indépendantiste en Polynésie, Steve Chailloux, professeur de Tahitien, élu dans la 2ème circonscription. Ancien enseignant à l’Université de Hawaii, ce féru de langue compte bien défendre la sienne, ainsi que les sept autres langues polynésiennes. « C’est une des raisons principales pour lesquelles je me suis engagé pour ces législatives : la reconnaissance officielle de nos langues vernaculaires et plus particulièrement de nos langues polynésiennes ». Un combat qui promet d’être « difficile étant donné la posture unilingue de l’État, mais on tâchera d’argumenter et faire le nécessaire ».
Bien entendu, les députés polynésiens héritent et reprendront aussi des dossiers abordés dans la précédente mandature comme l’éternelle retour au pays des fonctionnaires ultramarins, et plus particulièrement polynésiens, mutés ou basés dans l’Hexagone. Outre les trois députés polynésiens, les députés de La Réunion, Emeline K/Bidi et Frédéric Maillot, ou encore la députée de Mayotte, Estelle Youssoufa, ont aussi fait leur rentrée parlementaire ce mercredi à l’Assemblée nationale. Prochaine étape pour les députés : l'élection du président, ou de la présidente, de l'institution, mardi 28 juin.