À seulement 21 ans, Tematai Le Gayic a été élu député de la première circonscription de Polynésie française dans un mouchoir de poche ce dimanche matin (heure de Paris). Il devient ainsi le plus jeune élu député de la Ve République.
Un tour de force. Au fil du dépouillement samedi soir en Polynésie, l’écart se resserre entre Nicole Bouteau, ancienne ministre du Tourisme investie par Ensemble ! et membre de la majorité locale du président polynésien Édouard Fritch, et Tematai Le Gayic, étudiant de 21 ans, candidat indépendantiste soutenu par la NUPES. Pour sa première élection, sa qualification au second tour était déjà un exploit, mais sa victoire est historique et entérine le succès des indépendantistes polynésiens lors de ce scrutin.
Pourtant, la partie était loin d’être gagnée d’avance. Au début de la soirée électorale, Tematai Le Gayic accuse un retard dans la plus vaste circonscription de France, qui s’étend des villes de Papeete, Pirae et Arue sur l’île de Tahiti, à l’archipel des Marquises en passant par l’île de Moorea et l’archipel des Tuamotu-Gambier. Si Nicole Bouteau prend l’avantage dans bon nombre d’îles éloignées, habitées par quelques centaines voire quelques milliers d’habitants, le jeune candidat s’impose petit à petit dans les communes plus peuplées de Tahiti et Moorea, faisant tomber les villes de Papeete, Arue et Moorea, historiquement autonomistes. Seule Pirae, fief d’Édouard Fritch, résiste malgré un écart qui s’est considérablement serré.
Aux environs de 10h ce dimanche, 22h samedi localement, Tematai Le Gayic vire en tête avec 18 350 voix et 50,88% des suffrages exprimés, contre 17 876 voix pour son adversaire Nicole Bouteau (49,12%), soit seulement 474 voix d’écart. Entre les deux tours, le jeune candidat a gagné plus de 12 000 voix, contre 4 900 pour son adversaire, rattrapant ainsi son retard de plus de 6 000 voix au premier tour. À 21 ans, ce double diplômé d’Histoire et de Sciences politiques bat le record jusqu’ici détenu par Marion Maréchal-Le Pen, élue en 2012 à 22 ans. Tematai Le Gayic pourrait ne pas être le seul à battre ce record puisque Louis Boyard et Lisa Lahore, 21 ans également mais plus âgés de quelques mois, sont aussi candidats, respectivement dans le Val-de-Marne et en Moselle.
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« On veut changer le rapport qu'on a à la France. Au lieu d'un rapport de subordination, on veut un rapport de coopération », expliquait le jeune député indépendantiste en campagne électorale, durant laquelle il a défendu la création d’une citoyenneté polynésienne pour protéger l’emploi local ou le foncier. « Nous avons une histoire, des langues, des cultures, des coutumes. Aujourd’hui, on parle de rendre officiel les langues ma’ohi. Pourquoi ça ne marche pas ? Parce que dans la Constitution française, on ne reconnaît qu’un seul peuple, le peuple français, et on ne reconnaît qu’une seule langue, la langue française. Dès lors que le peuple Ma’ohi sera reconnu en tant que peuple, on pourra rendre officiel les langues ma’ohi sur ce territoire ».
Sur l’engagement de la jeunesse polynésienne en politique, le nouveau député reconnaît « un manque de confiance de la part des jeunes ». « Beaucoup ne vont pas voter parce qu’ils ne voient plus l’importance de la politique. (…) Moi je suis jeune, et ce que je leur dis, c’est que ‘si vous ne vous intéressez pas à la politique, ne vous en faîtes pas, car la politique va s’intéresser à vous’. Donc il faut cet engagement ». Natif de Papeete, Tematai Le Gayic a grandi à Tubuai, une île de l’archipel des Australes, puis à Tahiti. Il a obtenu une double licence en sciences politiques et en histoire à l’université Paris-VIII, avant d’intégrer un master de recherches en sciences politiques à l’École des hautes études en sciences sociales (EHESS), suspendu pour mener campagne en Polynésie.
Lors de ses études, il a présidé l’Association des étudiants de Polynésie française (AEPF) puis la Fédération des associations des étudiants de Polynésie française (FAEPF). Il a plusieurs fois été primé lors de concours de déclamation et de danse tahitienne. Il a également dirigé un groupe de chant traditionnel. Il siégera au Palais Bourbon dans les rangs de la NUPES, avec ses collègues indépendantistes Steve Chailloux, anthropologue et professeur de tahitien à l’Université de Hawaii et Moetai Brotherson, informaticien et député sortant.
Pour rappel, c’est la première fois que le parti indépendantiste Tavini huira’atira parvient à faire élire plus d’un député, et la première fois qu’il remporte une élection sans alliance. A un an des élections territoriales, le scrutin le plus important en Polynésie française, c’est aussi un avertissement au parti majoritaire et au gouvernement d’Édouard Fritch, mis en difficulté par la crise économique consécutive à l’épidémie de Covid-19.