La vanille de Tahiti, locomotive des vanilles des Outre-mer

Vairupe Vanille, médaillé d'or dans la catégorie vanilla tahitensis, où seuls les producteurs polynésiens concourent ©Outremers360

La vanille de Tahiti, locomotive des vanilles des Outre-mer

Production, exportations, labellisation : les défis de la vanille de Tahiti sont nombreux, au même titre que ses concurrentes à l’internationale sont féroces. Pourtant, grâce à sa singularité, la « vanilla x tahitensis » arrive à tirer son épingle du jeu et fédère autour d’elle les vanilles des Outre-mer, avec un symposium rassemblant les acteurs ultramarins de l’épice courant 2025 en Polynésie.

C’est un des produits phares du Pavillon des Outre-mer, au Salon international de l’Agriculture. La Réunion, Mayotte, la Guadeloupe, la Nouvelle-Calédonie et bien sûr la Polynésie : les stands vendant gousses, extraits, poudre et autres produits transformés sont nombreux. Et avec autant de variétés que de territoires producteurs, la vanille des Outre-mer a le potentiel pour attirer les acheteurs avertis ou curieux.

Parmi elles, la vanille de Tahiti joue la singularité : issue d’une hybridation entre la planifolia et l’odorata, elle se démarque par ses arômes plus marqués, son enveloppe plus charnue et grasse. Des caractéristiques spécifiques, il en faut pour rivaliser avec les gros producteurs que sont Madagascar -3 000 tonnes en 2024 et 40% de parts de marché-, l’Indonésie, la Chine, le Mexique, les Comores ou encore, plus récemment, l’Ouganda, l’Inde, la Papouasie-Nouvelle-Guinée, les Tonga et la Bretagne depuis les années 2020 ! 

La Polynésie, elle, produit en moyenne annuelle 35 à 40 tonnes de vanille brute. « En 2024, on a connu une baisse de production due principalement aux conditions climatiques qui ont touché nos exploitations. Mais on espère toutefois en 2025 avoir une meilleure récolte », détaille Laïza Vongey, directrice générale de l’Épic Vanille de Tahiti, établissement public qui supervise toute la filière.

La Polynésie est toutefois loin des années 50, durant lesquelles elle pouvait exporter jusqu’à 300 tonnes par an, comme le faisait remarquer Gilles Tefaatau, producteur de l’île de Tahaa. « Ce n'est pas pour l'instant l'objectif attendu » nuance la directrice de l’Épic, « on espère toutefois atteindre les 100 tonnes au moins ». « Pour l'instant, la vanille de Tahiti n'a pas de souci de marché puisque les stocks sont souvent écoulés, ils sont déjà vendus. Mais on continue à travailler sur l'objectif d'augmenter la production ».

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Outre la production et l’exportation, la vanille de Tahiti n’a pas abandonné l’idée de protéger sa géographie, à l’instar de la vanille Bourbon de La Réunion, IGP depuis 2021. « La démarche de labellisation de la vanille de Tahiti est née il y a plusieurs années » explique Laïza Vongey. Au départ, il était question d’un Appellation d’origine protégée, or la vanille de Tahiti n’étant plus uniquement cultivée sur l’île de Tahaa mais sur l’ensemble de la Polynésie, l’IGP semble désormais plus adaptée. C’est le choix qu’a fait la filière l’an dernier, avec les recommandations de l’INAO.

« Chaque archipel a sa saisonnalité, son climat, son terroir, mais la vanille pousse. Dans le cas de cette labellisation, étant donné qu'on reste sur le même produit, la vanille tahitensis, la démarche de labellisation en IGP est beaucoup plus appropriée parce qu'elle permet de protéger sa production et sa transformation dans son origine géographique. Donc l'origine géographique où on produit cette tahitensis et où on la transforme, sera protégée par une IGP ».

Il faudra toutefois faire preuve de patience, prévient Laïza Vongey. Contrairement à La Réunion, la Polynésie ne dépend pas directement de l’INAO et entreprend ses démarches de façon autonome, même si elle peut faire appel à l’Institut national en tant que prestataire, pour une assistance technique par exemple. « Si on prend l'exemple de l'IGP La Réunion ou l'AOP du Piment d'Espelette, ce sont des démarches et des procédures qui prennent du temps » indique la directrice de l’Épic, précisant que des candidatures ont pu mettre 20 ans. Celle de la vanille de La Réunion a d’ailleurs débuté en 2002.

« Je ne dis pas qu'on l'aura dans 20 ans à partir de maintenant, parce que ça fait quand même un bon moment qu'on travaille dessus (depuis 2013,ndlr) » assure encore Laïza Vongey qui souligne aussi de la jeune association Interprofessionnelle de la Vanille de Tahiti, « très active sur les travaux pour faire avancer ce dossier ». La filière peut aussi compter sur les évolutions de la réglementation polynésienne : « on a obtenu un cadre réglementaire des signes de qualité que depuis 2021 ».

Laïza Vongey, directrice générale de l'Épic Vanille de Tahiti ©Outremers360

En attendant cette labellisation, c’est toute la filière vanille en Outre-mer qui se fédère. Une démarche entreprise en 2020, là encore dans le cadre du Salon de l’Agriculture, « pour discuter et échanger de nos expériences, de nos difficultés ». D’années en années, les acteurs des vanilles ultramarines ont émis la volonté de se retrouver en dehors du Salon de l’Agriculture, et ailleurs qu’à Paris. D’où l’organisation d’un symposium courant 2025 en Polynésie : « c'est une première, non seulement pour la Polynésie, mais c'est aussi une première pour cette Fédération nationale des vanilles françaises qui s'est créée ».

Le choix de la Polynésie pour ce premier symposium a été finalement assez naturel : « la filière vanille de Tahiti dans les Outre-mer est la filière la plus structurée, la plus organisée, soutenue par le gouvernement, réglementée, encadrée par une loi de pays et par une institution qui est l'Épic Vanille. En Polynésie aussi, parce qu'on est les plus gros producteurs de vanille ultramarine et on est les seuls à faire, bien sûr, la vanille de Tahiti ».

Si la vanille de Tahiti ne souffre pas de rivalités avec ses cousines planifolia ultramarines, elle est toutefois, depuis quelques années, cultivée en Papouasie-Nouvelle-Guinée -le « plus gros concurrent » de la Polynésie-, en Indonésie, aux Comores ou au Vietnam. « Par contre, ils n'ont pas le même produit fini », assure toutefois Laïza Vongey qui souligne encore une fois la nécessité d’une IGP, ajoutée à la carte de la différenciation et de l'authenticité.

Le millier d’opérateurs de la vanille de Tahiti -producteurs, préparateurs ou transformateurs, négociants ou exportateurs-, mettent en avant « une vanille de bouche », appréciée dans la gastronomie, le culinaire, l'agro-transformation. D’autres domaines pourraient être intéressés par la tahitensis, voire le sont déjà, comme la cosmétique, la parfumerie et la pharmacopée. Et le Salon de l’Agriculture illustre l’intérêt autour de cette vanille singulière : les ventes ont été bonnes pour la tahitensis. Le médaillé d’or du Concours général agricole pour cette catégorie, où seuls les Polynésiens concourent, repart d'ailleurs les stocks vides.

©Épic Vanille de Tahiti