INTERVIEW. Nouvelle-Calédonie : « Nous devrons nous adapter au contexte sanitaire pour mener une campagne référendaire sérieuse », déclare Sonia Backès

Sonia Backès devant le centre de vaccination Ko We Kara à Nouméa ©Province Sud

INTERVIEW. Nouvelle-Calédonie : « Nous devrons nous adapter au contexte sanitaire pour mener une campagne référendaire sérieuse », déclare Sonia Backès

« Dans cette période difficile, (…) nous pouvons compter sur la France qui nous apporte un soutien indispensable pour lutter contre cette pandémie », a assuré la présidente de la Province Sud, Sonia Backès, interrogée par la rédaction d’Outremers360. Dans cet entretien exclusif, l’élue non indépendantiste évoque la situation sanitaire de l’archipel, la campagne de vaccination ou encore, le soutien de la Province Sud à l’économie.

Incontestablement, cette crise sanitaire calédonienne se heurte au calendrier politique et institutionnel calédonien avec, en ligne de mire, le référendum du 12 décembre. Mais pour l’élue, aucun doute, cette consultation doit être maintenue car « l’État est en mesure d’organiser cette ultime consultation malgré le contexte sanitaire actuel ».

Le Covid19 est entré en Nouvelle-Calédonie depuis plusieurs semaines désormais. Quelle est la situation à l'heure actuelle ?

La situation est assez préoccupante puisque nous déplorons déjà 177 décès depuis le 6 septembre, et plus de 8 600 cas confirmés. Ces chiffres évoluent de manière croissante et il semblerait que nous approchions le pic de l’épidémie selon les experts. Avec un taux d’incidence de 487 cas pour 100 000 habitants, il est impératif que la population poursuive l’effort collectif de vaccination.

Aujourd’hui, 39,6 % des Calédoniens ont un schéma vaccinal complet. Ce taux évolue positivement mais reste insuffisant dans la perspective d’un déconfinement total. 

Même si la vaccination est aujourd’hui obligatoire en Nouvelle-Calédonie, nombreux sont ceux qui refusent de se faire vacciner. Il y a encore beaucoup de craintes à l’égard des vaccins. C’est la raison pour laquelle la proximité et la présence sur le terrain sont indispensables pour rassurer la population et rappeler la chance que nous avons, grâce à la France, de pouvoir bénéficier gratuitement de vaccins pour toute la population. 

Quelles mesures ont été prises pour tenter d'endiguer l'épidémie ? 

Le sas sanitaire mis en place par le gouvernement a prouvé son efficacité. Nous sommes parvenus à rester covid free pendant plus d’un an et à limiter ainsi la propagation du virus sur le territoire. En revanche, nous savions que le virus allait finir par rentrer en Nouvelle-Calédonie. C’est pourquoi, depuis le mois de janvier, nous incitons la population à se faire vacciner.

Par ailleurs, la Nouvelle-Calédonie est confinée depuis le 6 septembre. Un couvre-feu a aussi été imposé. 

La Province Sud est un acteur majeur dans la gestion de cette crise. Elle participe activement à l’effort de vaccination et de dépistage, tout en préservant les soins assurés dans les centres médicaux sociaux pour les pathologies quotidiennes. Pour cela, nous avons créé des vaccinodromes en partenariat avec nos communes. Le vaccinodrome de Ko we kara, à Nouméa, vaccine en moyenne près de 1 000 personnes par jour. Une belle réussite pour la Province Sud qui a été rendue possible grâce à l'engagement de tous les personnels de la province qui sont pleinement investis et mobilisés dans la gestion de cette crise sanitaire. 

Dans quel état se trouvent les capacités d'accueil et le personnel hospitalier ?

La mobilisation totale du personnel médical du territoire nous permet de traiter les urgences et d’assurer une qualité de soins pour les patients les plus à risques. Ces personnes effectuent un travail formidable et ne ménagent pas leurs efforts. Sur les 500 lits de l’hôpital (Médipôle), 400 sont réquisitionnés pour les patients COVID. 

La Nouvelle-Calédonie a aussi mis en place une mesure assez innovante avec la prise en charge à l’hôtel de certaines personnes atteintes du COVID 19 : les « hôpitels ». Cette offre de soin est destinée aux personnes ne nécessitant pas une hospitalisation. L’objectif est de concentrer nos forces en accueillant les cas les plus graves à l’hôpital afin d’éviter une saturation qui pourrait être dramatique pour les malades mais également pour le personnel médical. 

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Je tiens également à saluer la présence de la réserve sanitaire, arrivée sur le territoire depuis quelques jours pour prêter main forte aux équipes médicales calédoniennes, à la demande du Président du Gouvernement. Cette manifestation de la solidarité nationale vient renforcer l’offre de soins de haute qualité qui est proposée aux Calédoniens. Elle rappelle aussi, dans cette période difficile, que nous pouvons compter sur la France qui nous apporte un soutien indispensable pour lutter contre cette pandémie. En finançant le sas sanitaire, en offrant gratuitement des vaccins à la Nouvelle-Calédonie et en envoyant des renforts humains, elle démontre sa volonté que notre territoire sorte le plus rapidement possible de cette crise sanitaire.

Aujourd’hui, tous les acteurs de la Province Sud sont pleinement mobilisés dans la gestion de cette épidémie. Il est important de reconnaître leurs efforts. Ils contribuent sans aucun doute à sauver des vies et à assurer la continuité d’activité sur notre territoire. 

En attendant un retour à la normale, quelles mesures la Province Sud a pris pour soutenir les acteurs économiques calédoniens ? 

C’est la troisième fois que la Province Sud active son plan d’urgence aux petites entreprises et patentés impactés par les effets de la crise sanitaire. Depuis le 17 septembre, près de 700 demandes ont déjà été enregistrées. Nous estimons que le budget alloué à ce plan d’urgence représentera environ 500 millions de francs (soit un peu plus de 4 millions d’euros). À titre d’exemple, le montant du budget alloué au premier plan d’urgence, en 2020, s’élevait à 906 millions. Plus de 4 500 entreprises avaient pu en bénéficier grâce à la mobilisation et à la réactivité de nos agents.  

Le premier confinement a eu pour conséquence d’accélérer la dématérialisation des services administratifs de la Province Sud. Toutes les demandes d’aide du Plan d’urgence doivent à présent être effectuées uniquement en ligne. Ce qui permet d’une part à nos équipes d’être plus réactives, et d’autre part, pour les demandeurs, de recevoir une réponse très rapidement.  Cette rapidité de réaction, parce qu’elle rassure les entreprises, leurs dirigeants et leurs employés, est essentielle en temps de crise.

Toutefois, l’effort le plus efficient pour soutenir nos acteurs économiques est encore de travailler activement à un retour à une situation normale. C’est pourquoi la Province Sud encourage les populations à se faire vacciner. Plus vite nous serons vaccinés, plus vite nous recouvrerons l’ensemble des libertés dont nos acteurs économiques ont besoin pour évoluer. C’est cela notre priorité.

Êtes-vous favorable à la mise en place d'un pass sanitaire ? 

Bien sûr ! Nous ne pouvons pas nous permettre de prolonger ce confinement indéfiniment. Cette décision serait fatale pour un grand nombre d’entreprises qui se trouvent aujourd’hui dans une situation critique. 

Le confinement, personne ne le niera, a des conséquences économiques terribles. Nous ne pouvons donc pas continuer à restreindre indéfiniment les libertés. Il faut responsabiliser la population en l’encourageant à se faire vacciner. C’est ainsi que nous retrouverons une activité économique normale.

Nous ne serions pas le premier territoire à mettre en place cette mesure. Le pass sanitaire a porté ses fruits dans de nombreux pays et je crois qu’il est de notre responsabilité, en tant qu’élus, de redonner de la visibilité à la population et aux acteurs économiques de notre territoire.

Mobilisés avec nous dans la lutte contre la pandémie, les acteurs économiques calédoniens se sont d’ailleurs montrés force de proposition au cours de ces dernières semaines. Ils sont prêts à mettre en place les mesures nécessaires pour limiter les risques de résurgence des contaminations une fois le confinement levé. 

Au regard de l'évolution de la situation, comment abordez-vous le vote du 12 décembre ?

Le référendum doit être maintenu à la date du 12 décembre. Il n’est pas question de modifier la date. Rien ne le justifie. La France a assuré des élections en plein cœur de la crise sanitaire, les régionales et départementales ainsi que les municipales. Je pense que l’État est donc en mesure d’organiser cette ultime consultation malgré le contexte sanitaire actuel. 

Je comprends la crainte de certains acteurs politiques locaux qui préfèrent repousser cette échéance au regard de la crise sanitaire. Cette volonté est surtout motivée par l’apport incontestable de la France dans la gestion de cette crise. Les faits parlent d’eux-mêmes. Sans que qui que ce soit n’ait besoin d’instrumentaliser la crise que nous traversons, je crois que chacun mesure désormais la chance que nous avons aujourd’hui d’être Français. 

Par ailleurs, la décision de placer le référendum le 12 décembre était motivée par la volonté d’éviter impérativement que le sujet calédonien ne s’immisce dans les débats de l’élection présidentielle. L’histoire calédonienne nous a démontré que la collusion des agendas politiques français et calédonien ne faisait pas bon ménage. Ne répétons pas les mêmes erreurs.

Nous devrons donc nous adapter au contexte sanitaire pour mener une campagne référendaire sérieuse. Nous en parlerons bientôt avec le ministre des Outre-mer, Sébastien Lecornu, lors de sa visite. 

Nous devons impérativement sortir les Calédoniens de cette crise de confiance, leur redonner de la visibilité et de l’espoir. Nous devons rassurer nos potentiels investisseurs et construire un nouveau discours sur la Nouvelle-Calédonie : un discours basé sur l’ouverture et sur les opportunités que nous pouvons offrir. La Nouvelle-Calédonie doit redevenir attractive. L’incertitude politique et institutionnelle freine beaucoup d’initiatives alors que la Nouvelle-Calédonie a tant à offrir. Elle stigmatise notre territoire et ses habitants alors que la Nouvelle-Calédonie ne se limite pas qu’à une simple échéance électorale.

Nous avons un statut à inventer, un projet à co-construire. Nous avons aussi une image à véhiculer en Métropole ainsi qu’à l’étranger : celle d’un territoire accueillant, dynamique et ambitieux, pleinement tourné vers l’avenir et les projets qu’il porte.