INTERVIEW. Général Claude Peloux, commandant du SMA : « Le savoir que nous transmettons, permet aux jeunes de réussir dans la vie »

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INTERVIEW. Général Claude Peloux, commandant du SMA : « Le savoir que nous transmettons, permet aux jeunes de réussir dans la vie »

Au terme de trois années riches en défis et en réalisations, le Général de Brigade Claude Peloux quitte le commandement du Service Militaire Adapté (SMA). Si en octobre 2021, il nous confiait ses objectifs et les grands chantiers à venir pour l'institution ; en cette fin de mois de juillet 2024, l'heure est au bilan. Dans un entretien accordé à Outremers360, il revient sur les projets les plus importants de ces dernières années, les difficultés rencontrées et ses espoirs pour l'avenir du SMA. 

Outremers360 : Quels sont les principaux accomplissements du SMA sous votre commandement ?

Général Claude Peloux : Ils ont été nombreux et j'en suis ravi pour la jeunesse ultramarine et pour ceux qui vont pouvoir en bénéficier. Vous le savez, le président de la République avait souhaité la création d'une nouvelle compagnie sur le territoire polynésien. Nous avons eu la chance de pouvoir poser la première pierre au mois d'avril, cette année. C'est donc vraiment l'aboutissement de la première phase qui va conduire aux travaux qui débuteront à l'été pour que cette compagnie puisse accueillir les jeunes sur le territoire dans de meilleures conditions. Ce sera à l'horizon 2029, mais ils sont déjà en formation sur le territoire !

Quels défis avez-vous dû relever ? 

Alors, c'est toujours un peu compliqué parce que les défis sont multiples. Les premiers sont d'ordre financier, car il faut convaincre de l'importance et de l'intérêt d'un tel dispositif dans les territoires et départements des outre-mer. Cela est assez rapidement balayé dans la mesure où nous arrivons à convaincre nos interlocuteurs que c'est au profit de la jeunesse, de l'emploi, de la richesse individuelle et de la richesse collective que l'on crée. Ces jeunes vont à l'emploi dans des entreprises qui travaillent et qui permettent de mieux développer les territoires grâce à leur présence, à leur travail et au travail des entreprises qui nous accompagnent.

Quelle est votre plus grande fierté ? 

Je pense qu'il y en a plusieurs. D'abord, c'est d'avoir eu l'opportunité pendant ces trois années de commander ce service militaire adapté, qui a été trois années exceptionnelles à la rencontre de la jeunesse et des territoires. C'est l'opportunité de rencontrer des jeunes motivés pour leur avenir, leur envie d'aller à l'emploi. C'est ce qui a motivé tous les cadres pendant ces trois ans.

Comment évaluez-vous l'impact des formations professionnelles sur les jeunes ultramarins ?

Le contexte néo-calédonien nous permet de nous poser cette question de façon plus pertinente. Bien évidemment, au regard de la destruction des emplois constatée avec les événements du 13 mai, nous avons une vraie question sur la jeunesse calédonienne et sur l'intérêt du système SMA. Très clairement, nous avons un bénéfice social que nous n'arrivons pas à mesurer, mais que je traduirais par les efforts que l'État n'a pas besoin d'engager parce que le SMA est là. Quand le jeune arrive, il retrouve un certain nombre de repères. Tout cela est assez difficile à mesurer financièrement. Nous intervenons au profit de la jeunesse, nous les ramenons vers la République et cela n'a pas de prix. C'est vraiment la grande mission du service militaire adapté.

Avez-vous un souvenir marquant qui vous vient en tête ? 

Je pense qu'il y a un souvenir marquant par territoire. Bien évidemment, je mentionnerais en particulier la pose de cette première pierre de la compagnie de Hao en Polynésie française, souhaitée par le président de la République le 28 juillet 2021. En avril 2024, nous avons posé la première pierre de cette compagnie, qui va être le reflet de l'excellence de la formation professionnelle au sein de nos formations administratives. Je pense aussi à l'accueil chaleureux des Mahorais au régiment avec l'accompagnement et la danse, les chants... 

Le RSMA de Hao, aux Tuamotu, dernière compagnie créée en Outre-mer ©RSMA Hao

Je pense aussi à la Nouvelle-Calédonie, aux coutumes très éloignées et où les jeunes sont ravis de pouvoir venir dans nos formations. Nous avons eu un témoignage très fort, encore ce matin, d'un jeune néo-calédonien qui avait sollicité la Fondation car, après les événements, plus grand-chose ne fonctionnait. Il a été très surpris de la célérité avec laquelle nous avons pu l'accompagner pour qu'il aille à l'emploi. Il fallait le loger, le meubler. Cela a été fait en moins de trois jours et il en a été très surpris. Ce sont des souvenirs extraordinaires. 

La Fondation a été aussi un événement marquant pour les SMA. Pouvez-vous en dire quelques mots ? 

Elle a été créée il y a maintenant à peu près un an, le 6 juillet de l'année dernière. C'est une vraie réussite avec des partenaires qui ont joué le jeu, qui sont membres du comité exécutif, mais également des donateurs. Grâce à cela, il y a cet accompagnement spécifique au profit des jeunes ultramarins, qu'ils soient issus du SMA ou pas, avec des projets emblématiques qui peuvent être menés, à l'instar du projet de cette jeune fille en Guadeloupe qui souhaitait reprendre l'exploitation agricole de ses parents. Elle a passé son bac pro responsable d'exploitation agricole et s'est lancée dans le bio, à la fois dans la production de poulets et avec un circuit monté en collaboration avec la Fondation. Il y a aussi les experts-comptables d'outre-mer de Madame Hoarau qui s'est engagée à contrôler la bonne exécution financière de cette société au bout d'une année d'activité. Il nous semblait important de voir accompagner ces jeunes qui sont à l'initiative de l'entrepreneuriat pour leurs îles.

Comment voyez-vous l'avenir du SMA après votre départ ? 

Il y a une vraie continuité. Bien entendu, je souhaite à mon successeur, le général Bellon, le meilleur pour l'avenir. Très clairement, cette institution qui a maintenant plus de 60 ans s'est inscrite dans le décor, je dirais, des territoires et départements des outre-mer. Elle est connue et reconnue. Je le dis souvent, elle est aussi méconnue car on ne sait pas forcément très bien ce qu'on y fait. On sait que l'on fait de la formation professionnelle et que les jeunes vont à l'emploi, mais on ne voit pas forcément la façon dont on le fait. C'est peut-être un axe sur lequel il va falloir communiquer pour mieux faire comprendre et faire adhérer les jeunes qui souhaiteraient venir au régiment. 

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Les projets qui ont été lancés par mon prédécesseur, le général Laval, que j'ai poursuivis, et qui iront bien au-delà de mon passage et de celui du général Bellon, s'inscrivent dans le plan Horizon 2030. Cela donne une perspective avec des travaux que nous avons conduits jusqu'en 2040 pour rééquilibrer ce que j'ai expliqué tout à l'heure : rééquilibrer ce qui se fait en termes de vivier dans lequel nous allons chercher nos bénéficiaires. Le général Bellon a toutes les armes pour aller de l'avant, faire que le SMA continue à recruter et à former ces milliers de jeunes par an. Je ne doute pas qu'il réussira, car il connaît bien le service militaire adapté ayant été chef de corps du SMA de Nouvelle-Calédonie. La mission à laquelle il est très attaché sera aussi une vraie réussite.

Quels conseils auriez-vous aimé recevoir et que pourriez-vous donner aujourd'hui ?

 Question compliquée. Il y a tellement de choses pour lesquelles on n'est pas forcément préparé au moment où l'on arrive à ce poste-là. Je pense que la première des recommandations, c'est de rester naturel et de rester ce que l'on a toujours été, c'est-à-dire simple, accessible et volontaire pour aller de l'avant. Il y a trois éléments : exigence, exemplarité, mais surtout enthousiasme. Je pense que cette règle des trois E peut être celle que j'ai trouvée en arrivant. Il n'y a pas de raison qu'elle disparaisse avec mon départ.

Quel message souhaitez-vous adresser aux jeunes ultramarins et aux membres du SMA ? 

Un message d'espoir. C'est ce qu'incarne le service militaire adapté. Il est important pour eux d'aller à l'emploi, de créer une richesse personnelle et collective, et donc il ne faut pas hésiter à pousser la porte. Certes, ce n'est pas simple tous les jours, mais c'est le gage d'une réussite à l'insertion puisque, je le rappelle, nous avons un taux d'insertion de 84 %, dont deux tiers dans l'emploi durable. Cela montre bien que le système, entre le savoir-être, le savoir-faire et le savoir que nous transmettons, permet aux jeunes de réussir dans la vie.