Des chercheurs français ont recensé des espèces "très sensibles", à l'aire de répartition limitée, dans des grands fonds marins convoités par des compagnies minières dans l'océan Pacifique, a annoncé mercredi l'Ifremer dans un communiqué de presse.
Lors d'une campagne à bord du navire océanographique L'Atalante, ces chercheurs ont recensé une centaine d'espèces dans quatre bassins du Pacifique sud-ouest abritant des sources hydrothermales, des sortes de geysers sous-marins par lesquels s'échappe l'eau chauffée par le magma et chargée de composés chimiques.
Ces cheminées laissent échapper des sulfures polymétalliques, qui sont convoités par les compagnies minières pour l'industrie du numérique, les batteries électriques ou l'aérospatial.
Mais ils abritent aussi des écosystèmes "assez uniques", dont "toute la chaîne alimentaire repose sur la chimiosynthèse", explique Marjolaine Matabos, chercheuse en biologie marine à l'Ifremer, et co-autrice d'une étude parue en mars dans la revue Science of the Total Environment.
Rédigée par des chercheurs de l'Ifremer, du CNRS et de Sorbonne Université, la publication a ainsi recensé 74 espèces (mollusques, vers, crustacés, etc.) dans le bassin de Manus, situé entre 1.200 et 1.700 mètres de profondeur au nord-est de la Papouasie-Nouvelle-Guinée. Parmi ces espèces, 29 étaient exclusivement présentes à cet endroit.
En cas d'exploitation minière, "on peut perdre tout un banc de biodiversité qui sera incapable de se restaurer", souligne Mme Matabos. "Dans la région, c'est très fragmenté: on a des espèces qui sont réduites à une très petite aire géographique".

Or, ces écosystèmes hydrothermaux "ont un impact très important en termes de services écosystémiques", ajoute la chercheuse. "Dans certaines régions, il a été montré que les communautés de poissons sont différentes au-dessus des systèmes hydrothermaux et qu'il y a des abondances de cétacés plus élevés."
"Donc, c'est potentiellement tout l'écosystème océanique qu'on affecte si on commence à perdre cette diversité hydrothermale", relève-t-elle.
"Ces résultats appellent à une vigilance extrême quant aux impacts environnementaux des activités minières sous-marines si elles venaient à voir le jour", indique l'Ifremer dans son communiqué.
Financée par l'Agence nationale de la recherche, la campagne océanographique avait été menée en 2019 dans les eaux de la Papouasie-Nouvelle-Guinée, des îles Tonga, des Fidji, et de la France. Les chercheurs ont notamment recouru au véhicule sous-marin téléopéré "Victor 6000" pour effectuer leurs prélèvements.
Avec AFP