Face au retrait de la néo-banque Revolut des territoires du Pacifique, la Nouvelle-Calédonie demande une adaptation du cadre juridique

Face au retrait de la néo-banque Revolut des territoires du Pacifique, la Nouvelle-Calédonie demande une adaptation du cadre juridique

La fermeture annoncée des comptes Revolut pour les clients domiciliés en Nouvelle-Calédonie et en Polynésie française ne résulte pas d’un désengagement commercial, mais d’un cadre réglementaire qui empêche l’application du passeport européen sur ces Collectivités. Le gouvernement calédonien a saisi l’État pour demander une évolution du droit afin de permettre aux Calédoniens d’avoir accès aux services de paiement numériques utilisés en France et en Europe. Explications de notre partenaire Les Nouvelles Calédoniennes.

Ce n’est pas Revolut qui quitte la Nouvelle-Calédonie et la Polynésie, mais le cadre juridique qui ne lui permet pas d’y opérer durablement. Le mail reçu ces derniers jours par les clients calédoniens et polynésiens de la néo-banque annonçant sa décision de mettre fin à ses services sur ces territoires a suscité incompréhension et inquiétude.

Les clients ont jusqu’au 20 février pour retirer leurs fonds. La cause de ce retrait ? Un blocage juridique structurel, lié au statut institutionnel des deux Collectivités du Pacifique et aux règles européennes encadrant les services de paiement.

Revolut exerce en Europe grâce à un mécanisme appelé passeport européen, qui permet à un établissement agréé dans un État membre de proposer ses services dans l’ensemble de l’Union européenne (UE). Or, la Nouvelle-Calédonie et la Polynésie française ne font pas partie de l’UE, ce qui empêche l’application de ce dispositif sur ces territoires.

Cette inapplicabilité constitue, selon le gouvernement calédonien, une barrière réglementaire qu’il entend bien franchir. Dans un communiqué publié ce mardi, l’exécutif évoque un « cadre juridique inadapté » qui prive les Calédoniens de services de paiement devenus courants ailleurs, comme Revolut ou Stripe. « Il n’est pas acceptable que les Calédoniens n’aient pas accès aux mêmes services que les autres citoyens français. Les moyens de paiement modernes sont devenus indispensables pour consommer, entreprendre, innover et travailler » souligne Christopher Gygès, membre du gouvernement chargé de l’économie.

Le gouvernement demande une réforme

Dans un courrier adressé le 29 décembre 2025 à Ronan Lescure, le ministre de l’Économie et des Finances, Christopher Gygès s’appuie sur une analyse de l’Autorité de la concurrence, pour solliciter une évolution du droit national, afin d’étendre la reconnaissance du passeport européen aux collectivités d’outre-mer, dont la Nouvelle-Calédonie.

Une réforme destinée, selon le gouvernement, à lever un « frein structurel » à l’accès aux services de paiement modernes, à renforcer la concurrence et à soutenir le développement de l’économie numérique. Une démarche qui dépasse toutefois le seul cadre calédonien. Une telle évolution toucherait à l’articulation entre droit national et réglementation européenne, et ne dépendrait donc pas uniquement d’une décision ministérielle.

Ce processus de fermeture de comptes Revolut a été annoncé dès 2023 en Polynésie française, à la demande de l’Autorité de contrôle prudentiel et de résolution (ACPR), instance chargée de superviser les secteurs de la banque et de l’assurance en France. Cette démarche visait notamment à clôturer des comptes ouverts avec des adresses situées dans l’Union européenne alors que les clients résidaient dans le Pacifique. C’est le même cadre juridique qui s’applique à la Nouvelle-Calédonie.

Aucun chiffre officiel sur le nombre de clients calédoniens

Dans la région, seuls les services ayant fait une demande d’agrément spécifique de l’ACPR sont autorisés à opérer légalement hors de l’Union européenne, rappelle le directeur de l’Institut d’émission d’outre-mer (IEOM), Fabrice Dufresne, qui précise qu’à ce stade, aucun chiffre officiel ou consolidé n’est disponible sur le nombre de Calédoniens utilisant Revolut ou, plus largement, des services bancaires en ligne de type néo-banque. L’IEOM indique ne pas disposer de visibilité précise sur ces données, les comptes n’étant pas déclarés localement lorsqu’ils sont ouverts hors du cadre réglementaire.

Dans une étude publiée en février 2025, l’Autorité de contrôle prudentiel et de résolution souligne par ailleurs que le modèle économique des néo-banques reste fragile, malgré une forte croissance du nombre de clients. La majorité de ces acteurs n’a pas encore atteint une rentabilité durable, en raison de coûts élevés et de stratégies d’acquisition onéreuses.

En attendant une éventuelle évolution législative, les utilisateurs calédoniens et polynésiens de Revolut devront donc se tourner vers des établissements disposant d’un agrément adapté. Un dossier désormais entre les mains de l’État, et dont l’issue dépendra largement de choix dépassant le seul territoire calédonien.

Julien Mazzoni pour Les Nouvelles Calédoniennes