Énergies en Outre-mer : La principale centrale de Polynésie abandonne le fioul lourd pour le gazole

Énergies en Outre-mer : La principale centrale de Polynésie abandonne le fioul lourd pour le gazole

©Dixit

Les moteurs de la centrale Émile Martin d’EDT en Polynésie ne fonctionneront bientôt plus au fioul lourd, comme c’est le cas depuis 35 ans. Le gouvernement a autorisé le passage au gazole, combustible bien moins polluant et depuis cette année, plus intéressant économiquement. Un sujet de notre partenaire Radio 1 Tahiti

C’est un des points « du projet de loi du Pays portant diverses mesures fiscales à l’importation », votée ce mardi sans grandes discussions à l’assemblée de la Collectivité. Les exonérations fiscales sur le carburant ont été étendues au « gazole utilisé pour l’alimentation des centrales de production d’énergie électrique de Tahiti ». De quoi permettre, « à fiscalité constante », le changement de combustible de la centrale de la Punaruu (nom de la zone industrielle où se trouve la centrale), « dans le but de réduire autant que possible les émissions de polluants atmosphériques ».

Un changement d’ampleur, puisque la centrale Émile Martin, qui produit 60% de l’électricité de Tahiti, est jusqu’à présent alimentée par du fioul lourd. EDT, qui en importe plus de 70 millions de litres chaque année, a voulu ré-évaluer ce choix à l’occasion du renouvellement de son contrat d’approvisionnement, en juillet. Une petite révolution : le fioul lourd, pas réputé pour ses qualités environnementales mais traditionnellement peu coûteux, est utilisé depuis la mise en service de la centrale, en 1985.

Les huit groupes de la Punaruu, qui s’apparentent à des moteurs de cargos, peuvent pourtant accepter d’autres types d’hydrocarbures. Ils ont d’ailleurs tourné au gazole maritime (MDO) le temps de quelques mois en 2004 et sont déjà alimentés en gazole classique (AGO) en phase de démarrage et d’extinction. C’est ce gazole, déjà largement utilisé dans les transports et qui représente déjà la moitié des importations d’hydrocarbures du fenua, qui a été retenu. Un choix soumis au nouveau ministre en charge de l’énergie, Yvonnick Raffin, et validé en conseil des ministres le 23 septembre.

Moins de gaz à effet de serre, moins de soufre dans l’air

Le bénéfice principal de cette transition est environnemental : le gouvernement prévoit une diminution des émissions de gaz à effet de serre de 4,5%, et surtout une « division par 1 000 des rejets de soufre dans l’atmosphère ». La réduction serait en fait un peu moindre, mais le fait est que la bascule va dans le bon sens.

Pourquoi ne pas l’avoir fait avant ? Du côté de l’exécutif, on rappelle d’abord que la crise du Covid a profondément bousculé le marché des hydrocarbures. Le cours du baril de pétrole brut s’est effondré pendant le confinement du premier semestre – atteignant ponctuellement des prix négatifs sur certaines places boursières – et reste, en cette fin d’année, bien en deçà des prix de 2019. Mais surtout, de nouvelles règlementations mondiales sur le transport maritime ont affecté au long terme le marché du fuel lourd, qui alimentait jusque-là beaucoup de cargos. Le gazole, dont l’utilisation à la Punaruu aurait risqué, par le passé, de faire grimper les factures d’électricité, est devenu « une bonne option économique ».

Si la Punaruu fonctionne encore au fuel pour quelques jours, le changement est imminent. En témoigne la publication de la loi votée ce matin dans le journal officiel du même jour. Une célérité rare, probablement liée à l’importante livraison de gazole qu’EDT attend pour la fin de semaine. Ses équipes travaillent d’arrache-pied sur cette transition, qui doit se faire sans accroc vu l’importance de la centrale Émile Martin dans la production. Pas de changement de pièces à prévoir, mais il convient de nettoyer les cuves, d’adapter certaines procédures, et de modifier la chaîne d’alimentation, le fioul lourd étant réchauffé à 105°C avant combustion, là où le gazole doit être maintenu en dessous de 40°C.

Au plus long terme, l’utilisation de ce combustible plus léger devrait au contraire faciliter la maintenance et limiter la production de déchets solides de la Punaruu. Le contrat d’approvisionnement a été passé pour un an entre EDT et Pacific Petroleum (PPS). Une période à l’issue de laquelle un bilan du changement sera tiré.

Radio 1 Tahiti