Augmentation de l’inflation, taux de chômage élevé, marché de l’emploi atone et fléchissement de la consommation des ménages, la conjoncture économique de la Guadeloupe marque un essoufflement par rapport à une dynamique de reprise entamée en 2022, d’après une étude de l’Institut d’émission des départements d’Outre-mer (IEDOM). Le secteur du commerce se maintient, tandis que ceux du BTP et du tourisme connaissent une nette amélioration. On observe par ailleurs un ralentissement global dans le secteur des activités agroalimentaires, en dépit d’une hausse de la récolte sucrière.
L’année 2023 en Guadeloupe a été marquée tout d’abord par une hausse de l’inflation, qui a augmenté pour atteindre 3,9% contre 3,6% en moyenne en 2022. Cette évolution est surtout due à l’augmentation des prix de l’énergie (+7,8% en moyenne annuelle) et de l’alimentation (+5,2%). Toutefois, pour la contenir, « des initiatives locales ont été mises en place telles que le dispositif « coup de pouce énergie » (par la Région Guadeloupe en octobre 2023) pour aider les ménages les plus vulnérables à faire face à la hausse des coûts de l’énergie », relève l’IEDOM. Par ailleurs, précise cet organisme, le Bouclier Qualité Prix s’est étendu « à un éventail plus large de produits dans la grande distribution, visant une baisse du prix global des paniers de consommation de 2 à 4% ».
Dans ce contexte, le marché de l’emploi est resté morose et la consommation des ménages a fléchi. Le taux de chômage demeure à un niveau élevé, 19% contre 7% pour la France entière, et le nombre d’offres d’emploi a diminué de 4,2% sur un an. Même si l’emploi salarié privé a connu une légère augmentation de 0,5%, « les chefs d’entreprise rencontrent toujours des difficultés de recrutement dans les secteurs de la distribution, de la logistique et du BTP », souligne l’étude. L’inflation a quant à elle pesé sur la consommation des ménages les plus fragiles, et « le nombre de dossiers de surendettement atteint un niveau record (543, soit +9,7% en 2023) ».
Au niveau sectoriel, « l’activité dans le secteur du commerce se maintient avec un chiffre d’affaires de 5,6 milliards d’euros en 2023 en léger repli (-0,4%, contre +7,1% en 2022) », note l’IEDOM. La collecte de la TVA, basée sur la vente de biens et services, a enregistré une croissance significative de 14,3% sur l’année. Toutefois, cette évolution est à nuancer si l’on considère la diminution de 5,7% de la collecte de l’octroi de mer, liée à l’importation de biens. Le secteur du BTP enregistre de son côté une progression sensible de son chiffre d’affaires (+22% après 4% en 2022), entraînée notamment par l’augmentation continue des coûts des matériaux, ce qui suscite d’ailleurs des préoccupations chez les professionnels.
« En 2023, l’activité touristique poursuit son redressement », constate le rapport, « avec une augmentation significative du chiffre d’affaires de l’hébergement et de la restauration, qui progresse de 13,4% après une hausse de 53,5% en 2022. L’impact de l’épidémie de COVID-19 ayant quasiment disparu, la clientèle touristique fait son retour ». Le nombre de passagers hors transit à l’aéroport Pôle Caraïbes a progressé de 4% sur un an et le nombre de nuitées hôtelières a dépassé son niveau de 2019 (+0,7%). Les réservations se sont accrues de même que le nombre des croisières. Les acteurs de la filière restent confiants, mais demeurent toutefois attentifs à l’évolution des prix des billets d’avion due à l’inflation et aux cours du pétrole, indique l’IEDOM.
Dans le secteur des activités agroalimentaires, on observe un ralentissement de l’activité, « avec des importations et exportations en hausse de 1,5% et 2,5% respectivement (contre 22% et 8,6% en 2022) ». La récolte sucrière 2023 augmente cependant de 9% par rapport à l’année précédente, à 457,6 milliers de tonnes de cannes en 2023 (+0,8 % par rapport à 2021). « Les exportations de rhum agricole diminuent de 1,2% après une forte hausse en 2022. En valeur, les exportations de bananes se stabilisent après une baisse en 2022, alors que les abattages de la filière viande restent en retrait. En dépit d’une légère amélioration, la situation financière du secteur primaire reste fragile, avec une hausse des coûts de production », précise l’étude.
Quelles perspectives pour cette année 2024 ? L’IEDOM reste prudent. Les secteurs du BTP, des services marchands et du tourisme ont des positions encourageantes, avec, pour ce dernier, des projets de croisières programmés à +10% pour la saison 2024/2025 par rapport à la saison précédente. La filière canne, pour sa part, fait face à des défis persistants, en particulier dus aux tensions autour du prix de la tonne. « L’investissement public pourrait jouer un rôle central en 2024, pour stimuler l’économie », conclut l’IEDOM. « Pour dynamiser l’économie locale, des investissements accrus dans la transition énergétique, le renforcement de la compétitivité des entreprises ou encore l’intégration régionale avec les voisins sont nécessaires pour garantir une croissance durable. »
PM