Décolonisation : Quels enjeux pour la Polynésie lors de la 4ᵉ commission de l’ONU ?

Décolonisation : Quels enjeux pour la Polynésie lors de la 4ᵉ commission de l’ONU ?

Après sa participation au sommet États-Unis / îles du Pacifique à Washington, Moetai Brotherson s’apprête à se rendre à New York pour participer à la 4ᵉ commission de l’ONU. Le parti indépendantiste et l’Église protestante Mā’ohi seront également présents pour faire entendre leurs voix. Dix ans après la réinscription de la Polynésie française sur la liste des territoires non autonomes à décoloniser, les délégations espèrent que la France sera aussi à la table des discussions. Notre partenaire TNTV fait le point.

La question de la décolonisation sera de nouveau au cœur des débats à l’ONU, la semaine prochaine.  Pour la première fois, Moetai Brotherson prendra la parole en tant que président de la Polynésie française et indépendantiste. Son souhait : renouer le dialogue avec le représentant de la France aux Nations unies.

« Il faut dépassionner un peu le débat. Décoloniser, cela ne veut pas forcément dire imposer l’indépendance. Ce n’est pas du tout ça. Nous, ce qu’on veut, c’est la mise en place d’un processus d’autodétermination. Ce processus permet à tout le monde de s’exprimer », expliquait Moetai Brotherson, en marge de la première séance de la session budgétaire de l’Assemblée.

Selon celui-ci, le président Macron est favorable à ce que la France mette fin à la politique de la chaise vide lorsque la question de la décolonisation de la Polynésie française sera évoquée. Le président du Pays veut construire une relation consensuelle avec le gouvernement central. Mais il faudra trouver un équilibre dans les discours, car les élus du parti indépendantiste comptent défendre ardemment leur cause.

« J’espère que certains élus essaieront d’élargir un peu le périmètre de leurs interventions au-delà du simple discours Tavini Huiraatira (parti indépendantiste, ndlr), mais on est en complémentarité, pas en opposition », soulignait Moetai Brotherson.

Lutte contre le nucléaire

Autre sujet crucial pour la délégation : la lutte contre le nucléaire. Hinamoeura Cross en a fait son cheval de bataille. Elle a soumis au vote, à l’Assemblée de la Polynésie, une proposition de résolution de soutien au traité d’interdiction des armes nucléaires. Un texte adopté à l’unanimité.

« C’est un traité international qui réunit de nombreux états et qui est pour l’abolition des armes nucléaires, mais qui met aussi de l’humanité dans ce combat, car il parle de toutes les zones qui ont été contaminées. Nous, nous avons été, au même titre que d’autres états, le territoire où il y a eu des expérimentations nucléaires. Nous demandons une aide internationale car la France ne reconnaît pas ce traité et, sur le plan local, elle ne fait pas assez pour la reconnaissance des conséquences du nucléaire », estime la jeune représentante Tavini. 

Du côté de l’Église Protestante Mā’ohi, la parole sera donnée aussi à la jeune génération. A 15 ans, Ahuura Neuffer est la plus jeune pétitionnaire de la délégation. Elle prépare ce rendez-vous depuis deux mois. « Le message principal, c’est l’acceptation et la communication. Cela m’a permis de me poser pour réfléchir et mieux comprendre ce qui se passe ici et dans le monde », dit-elle.

Mission d’observateurs

Cette année, le camp autonomiste ne sera pas du déplacement à New York. Mais les interventions du président et du Tavini seront suivies de près depuis Tahiti. La position de la France est également très attendue. « A notre sens, il serait aussi peut-être temps pour la France d’accepter une mission d’observateurs pour qu’ils viennent voir sur place ce qu’il se passe. Que l’on est un pays bien autonome avec notre Assemblée, des élections démocratiques que l’État finance et garantit », souligne Tepuaraurii Teriitai, représentante Tapura Huiraatira, parti autonomiste de l’ancien président Édouard Fritch.

« Nous sommes curieux de voir comment vont être les discours au niveau de l’ONU », ajoute Nicole Sanquer, représentante non-inscrite, « est-ce que l’on va revoir un Tavini réconcilié pour le même combat ? Nous sommes aussi en attente de voir si la France va siéger ». Le nouveau contexte politique local aura-t-il une incidence sur les discussions à l’ONU ? Dix ans après la réinscription de la Polynésie sur la liste des territoires à décoloniser, le parti indépendantiste, fort d’une nette majorité à Tarahoi, aura en tout cas les coudées franches pour se faire entendre.

Thomas Chabrol pour TNTV