Covid-19 : Dans la Nouvelle-Calédonie confinée, la peur du « scénario polynésien »

Un centre de vaccination dans le quartier de Montravel à Nouméa ©Province Sud

Covid-19 : Dans la Nouvelle-Calédonie confinée, la peur du « scénario polynésien »

La Nouvelle-Calédonie avait été préservée jusque-là grâce à sa stratégie zéro Covid. Mais dans l'archipel, où un confinement strict d'au moins quinze jours est entré en vigueur mardi, on craint désormais de vivre le « scénario polynésien » et une explosion de l'épidémie.

Vingt-quatre heures après la découverte de trois premiers cas autochtones sans lien entre eux, les autorités calédoniennes ont annoncé l'hospitalisation de quatre patients supplémentaires, dont un placé en réanimation. Les malades pourraient bientôt être beaucoup plus nombreux. Au point que le corps médical redoute déjà un scénario catastrophe, semblable à celui de la Polynésie française, archipel à la population similaire - environ 270 à 280 000 habitants - qui enregistre une dizaine de morts par jour.

Devant le Médipôle de Koutio, principal hôpital de Calédonie, en périphérie de Nouméa, une tente blanche et orange a été installée pour permettre le tri des patients. Seules deux infirmières s'affairent en silence et aucun patient n'attend de diagnostic. Mais pour les médecins, il ne faut pas s'y fier. « La semaine prochaine, nous aurons a minima 100 personnes hospitalisées », prédit le docteur Thierry De Greslan, président de la commission médicale de l'établissement.

« Nous avons des clusters éloignés géographiquement, dans des milieux très différents. Le virus n'est pas entré hier, il circule à bas bruit depuis plus au moins deux ou trois semaines », ajoute-t-il. Le repérage précoce des cas est une difficulté rencontrée par tous les pays exempts de Covid. Se pensant préservés, les patients mettent leurs symptômes sur le compte de la dengue ou d'un état grippal courant en cette fin d'hiver austral. 

Autre difficulté, le très faible taux de vaccination de la population calédonienne, à peine plus de 30%. « Pour éviter que le système de santé s'écroule, il faudrait que ce taux soit de 60% », poursuit le docteur de Greslan. La Nouvelle-Calédonie, dont l'accès est très restreint depuis le début de l'épidémie en mars 2020, souffre également d'un manque criant de personnel soignant. « Pour armer tous les lits de réanimation dont nous allons avoir besoin, il faudrait 50 infirmiers, 10 aides-soignants et six médecins de plus ».

« On perdra forcément quelqu'un »

Un sombre tableau qui a poussé le territoire à adopter dès le 3 septembre l'obligation vaccinale pour tous les majeurs. S'y ajoute désormais un confinement strict avec commerces fermées, déplacements limités à un rayon d'un kilomètre, port du masque obligatoire à l'extérieur, écoles fermées et liaisons aériennes extérieures et inter-îles suspendues jusqu'à nouvel ordre.

Pourtant, l'économie du pays est exsangue et des syndicats patronaux, dont le Medef, ont alerté que l'archipel ne se remettrait pas d'un nouveau confinement. « Malgré cela, il aurait été criminel de ne pas confiner », assure Yannick Slamet, membre indépendantiste du gouvernement chargé de la santé. « On est insulaire, on a un mode vie communautaire et une problématique de comorbidité ».

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Comme dans tout le Pacifique, l'obésité, qui frappe 67% des adultes, et le diabète (10% de malades dont la moitié s'ignorent) font des ravages en Nouvelle-Calédonie. L'exemple polynésien, où les comorbidités et le faible taux de vaccination ont pesé sur la pression hospitalière, a joué dans la décision prise par les autorités. « C'est la petite chance que l'on a par rapport à la Polynésie, on a compris qu'il fallait confiner tout de suite », note le docteur de Greslan.

Dans la population aussi, l'inquiétude est palpable. Ce mardi matin, le masque est omniprésent sur le visage des passants avant même de devenir obligatoire. Et les centres de vaccination sont pris d'assaut. Dans le quartier populaire de Montravel, « on est passé de 80 piqûres (de vaccin) par heure à 250 », se réjouit un membre de l'équipe médicale.

Michaël vient de recevoir sa première injection, il n'était « pas pour le vaccin tant que le virus n'était pas là, mais les choses ont changé. On a vu ce qu'il se passait à Tahiti ». Avec sa compagne et sa cousine, venues se faire vacciner, il ne craint qu'une chose : « Une hécatombe comme en Polynésie. Ici aussi, c'est tout petit et tout le monde se connaît. On perdra forcément quelqu'un ». 

Avec AFP.