Congrès des communes en Polynésie : Des compétences « à la carte » pour les municipalités

©Présidence de la Polynésie française

Congrès des communes en Polynésie : Des compétences « à la carte » pour les municipalités

À l’occasion du 31e congrès des communes en Polynésie, le président Édouard Fritch a annoncé deux projets de loi permettant de leur ouvrir la porte à des partages de compétences avec le Pays. Jeunesse, sports, développement économique et surtout actions sociales… L’idée est surtout de sécuriser juridiquement, par des conventions et « au cas par cas », des actions déjà existantes dans nombre de municipalités. Reportage et explications de notre partenaire Radio 1 Tahiti.

Le Pays et les communes vont pouvoir mieux partager leurs compétences. C’est l’annonce faite par le président de la Polynésie Édouard Fritch, lui-même maire de Pirae, dans son discours d’ouverture du 31e Congrès des communes, organisé depuis ce lundi et pour quatre jours à Paea, sur l’île de Tahiti. Une annonce qui devrait en ravir plus d’un parmi les 48 maires présents ou représentés à la salle Manu Iti. 

Car une bonne partie de leurs municipalités outrepassent régulièrement le cadre de leurs compétences. Il faut dire que ce cadre est strict, très strict : si, dans l’hexagone, les communes disposent d’une « compétence de droit commun » qui leur permet d’exercer les tâches qui ne sont pas exclusivement confiées à une autre collectivité, les maires polynésiens doivent se contenter de celles qui leur sont expressément dévolues dans le statut de la Polynésie : voirie, transports locaux, eau, déchets, police ou encore écoles du premier degré…

Aides à la population, mesures pour la jeunesse

Or la crise Covid l’a plus que jamais démontré : « quand il y a un problème, la population ne va pas voir l’État ou le Pays, ils viennent directement voir les tavana (maires, ndlr) », explique Cyril Tetuanui, le président du Syndicat de promotion des communes (SPC-PF) et maire d’Uturoa. « Donc on assume des compétences qui ne sont pas juridiquement les nôtres. On les finance, et juridiquement c’est dangereux pour nous »

À titre d’exemple, le tavana d’Uturoa cite certaines actions sociales – la distribution de bourses scolaires, les aides aux matahiapo (personnes âgées, ndlr), les aides alimentaires, qui se font de plus en plus nécessaires en ces temps de crise du pouvoir d’achat -, la gestion de la jeunesse avec des évènements, les programmes ou installations dédiés ou les sports avec le financement de clubs locaux… « Ça n’est pas dans notre compétence », insiste le représentant des maires de Polynésie. « Et c’est ça qu’on veut qu’on sécurise avant qu’il y ait un recours contre les tavana »

De droite à gauche : Cyrile Tetuanui, président du SPC-PF, Édouard Fritch, président de la Polynésie, Tony Geros, maire indépendantiste de Paea, Gaston Tong Sang, président de l'Assemblée territoriale et maire de Bora Bora, Tematai Le Gayic, député, et Lana Tetuanui, sénatrice ©Présidence de la Polynésie française

À défaut de recours, les tavana ont déjà fait l’objet plusieurs fois de remontrances de la part de la Chambre territoriale des comptes. « Et c’est bien normal » reconnaît Édouard Fritch, qui dépasse lui-même allégrement le cadre des compétences de sa mairie à Pirae, par exemple en ce moment même avec les Jeux de Pare Nui« Le sujet de la coopération ou de l’association des communes à l’exercice des compétences du Pays n’est pas un sujet tabou pour moi », insiste le président pendant son discours d’ouverture. « Pourquoi le président Fritch ne ferait-il pas confiance au maire de Pirae ? ». 

Reste que malgré les demandes des communes depuis plusieurs années, et l’existence de possibilités statutaires de partager certaines compétences au travers de lois du Pays, aucun texte n’était jusqu’à présent sur la table. « Je n’ai pas souhaité travailler dans la précipitation », reprend le maire de Pirae. « Il est de notre responsabilité d’avancer méthodiquement, sans précipitation, avec une vision commune, partagée et responsable : où voulons-nous aller, et où nous ne devons pas aller ? Et surtout que ce sujet ne nous divise pas demain ».

Du cas par cas par convention

Si le sujet aboutit enfin c’est que les « difficultés » étaient de plus en plus grandes : « certaines communes se voient des dépenses refoulées par la paierie », rappelle le président-tavana. Les deux projets de lois du Pays, préparés par le gouvernement en coopération avec le SPC-PF, ont donc pour objet de mettre en œuvre deux articles du statut – 48 et 55, qui autorisent, justement, des conventions de partage de compétence dans un sens ou dans l’autre. 

Lire aussi : Polynésie : Dans son observatoire des communes, l’AFD constate une « amélioration générale des finances communales »

« Ce ne sera pas un partage de compétence générale », reprend le président qui espère pouvoir présenter les textes dans les prochaines semaines à l’assemblée. « Je vais voir et travailler avec chaque commune pour voir quelles compétences elle souhaite exercer ». Pas d’obligation, donc. De quoi rassurer parmi les tavana qui sont aussi soucieux de ne pas voir la barque de leurs responsabilités être trop chargée. Ces deux projets de loi du Pays, s’ils sont adoptés à Tarahoi, devraient constituer un « vrai changement de nos modes de fonctionnement qu’ils soient administratifs, juridiques ou financiers », commente Édouard Fritch.  

Et ce changement en appellera d’autres. Des travaux doivent être lancés, par la suite, pour concrétiser l’article 43 II de la même loi organique. Un article qui permet cette fois d’encadrer par une loi du Pays un partage de compétence global entre les communes et le Pays en matière de développement économique, d’aide sociale, d’urbanisme, de culture, ou de jeunesse et sport. Le sujet est plus complexe, car il porte de lourdes implications budgétaires. « Pour l’instant, la priorité des communes n’est pas de courir après l’argent, mais de sécuriser l’existant », assure le maire de Pirae.

Charlie René pour Radio 1 Tahiti. 

Dans un second reportage sur le Congrès des communes en Polynésie, Radio 1 Tahiti fait un état sur la position des maires de la Collectivité à sept mois des prochaines élections territoriales, qui promettent d'être très disputées. À lire ici.