Avenir institutionnel en Nouvelle-Calédonie : quelles sont les hypothèses listées dans le « document de synthèse » remis aux délégations ?

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Avenir institutionnel en Nouvelle-Calédonie : quelles sont les hypothèses listées dans le « document de synthèse » remis aux délégations ?

Le ministre des Outre-mer, Manuel Valls, a remis aux délégations un « document de synthèse » dans lequel sont compilées, sous la forme d’hypothèses, les positions des uns et des autres sur les différents sujets abordés cette semaine. Autodétermination, corps électoral, partage des compétences… Nos partenaires des Nouvelles Calédoniennes dressent la liste des propositions désormais à l’étude.

L’autodétermination et le lien avec la France

« Reconnu par chacun comme inaliénable », le droit à l’autodétermination est un point essentiel des discussions politiques. Le débat porte notamment sur « son échéance et ses conditions de déclenchement », détaille le document. Pour autant, le lien entre la Nouvelle-Calédonie et la France « demeurerait inscrit dans la Constitution française », a-t-il été acté. Sur cette base, quatre hypothèses ont été évoquées cette semaine sur l’autodétermination : 

  • Un accord global, prévoyant le transfert des compétences régaliennes à la Nouvelle-Calédonie et leur délégation à la France, sans nouvelle consultation, à l’issue d’un délai à déterminer.
  • À l’issue d’une période à déterminer, consultation d’autodétermination sur le transfert des compétences régaliennes et le partenariat avec la France. Durant cette période, partage de certaines compétences régaliennes et construction d’une citoyenneté calédonienne.
  • Sans période prédéterminée, possibilité d’organisation d’une consultation d’autodétermination avec une procédure de déclenchement impliquant une majorité qualifiée au Congrès calédonien.
  • Statut de large autonomie décidé en 2025 sans préjudice de l’exercice du droit inaliénable à l’autodétermination dans des conditions à définir. 

Concernant le partage des compétences, deux hypothèses sont avancées :

  • Le statu quo 
  • Les transferts mentionnés aux articles 23 et 27 de la loi organique n° 99-209 du 19 mars 1999 relative à la Nouvelle-Calédonie et non mis en œuvre sont opérés, ou en partie, de plein droit à la Nouvelle-Calédonie. Celle-ci peut décider d’en déléguer certaines à l’État français pour une période fixe ou indéterminée. Cette délégation peut être révoquée à tout moment par le Congrès de la Nouvelle-Calédonie à la majorité des deux tiers.

Au sujet des compétences liées aux relations internationales :

  • Maintien du statu quo : aux termes de l’accord de Nouméa, les relations internationales et régionales font aujourd’hui partie des compétences partagées entre l’État et la Nouvelle-Calédonie.
  • Exercice accru de la compétence partagée "relations extérieures" : Les relations internationales sont une compétence de l’État, qui intègre les intérêts de la Nouvelle-Calédonie dans ses négociations et son action extérieure. Lorsque ces questions relèvent des compétences du territoire ou ont un impact direct sur lui, le gouvernement calédonien est consulté et associé aux actions de la France dans le Pacifique, hors défense et sécurité. Un protocole précisera cette collaboration, incluant une consultation préalable sur les projets de loi relatifs aux traités et accords concernant la Nouvelle-Calédonie.
  • Transfert pur et simple : La compétence relations internationales, aujourd’hui partagée, est transférée à la Nouvelle-Calédonie, à l’exception de la conclusion des traités de défense et de sécurité. La Nouvelle-Calédonie sera associée aux accords négociés par la France avec les État du Pacifique. Elle pourra conclure des accords internationaux avec tous les État, dans le respect des engagements internationaux de la République française. Elle pourra installer des délégués permanents au sein des ambassades de France, ou créer ses propres représentations internationales.

La citoyenneté et le corps électoral

La question de la citoyenneté pourrait donner lieu à l’adoption d’une « loi fondamentale calédonienne », inscrite dans la Constitution, qui établirait les droits et les devoirs des citoyens de Nouvelle-Calédonie. Parmi eux figure bien évidemment le sujet brûlant du droit de participer aux élections. « Un consensus est apparu », durant les discussions, sur l’intégration de l’ensemble des natifs, soit 12 441 personnes. Mais d’autres critères constituent toujours des points de divergence entre indépendantistes et non-indépendantistes.

Ainsi, quatre hypothèses ont été formulées concernant le corps électoral :

  • Seraient électeurs aux élections provinciales, les natifs.
  • Seraient électeurs aux prochaines élections provinciales les natifs inscrits sur le tableau annexe de 1998 à 2010, soit 12 441 personnes ; les conjoints de citoyens calédoniens avec une durée à déterminer ; les personnes présentes depuis plus de 10 ans et qui sont parents d’enfants nés en Nouvelle-Calédonie ; les personnes présentes depuis plus de 10 ans et moins de 15 ans en Nouvelle-Calédonie et qui justifient de 10 points "citoyens".
  • Seraient électeurs aux élections provinciales les natifs ; les conjoints de citoyens calédoniens avec une durée à déterminer ; les personnes présentes depuis plus de 10 ans et qui sont parents d’enfants nés en Nouvelle-Calédonie ; les personnes présentes depuis plus de 10 ans et moins de 15 ans en Nouvelle-Calédonie et qui justifient de 10 points « citoyens ».
  • Fusion des corps électoraux spéciaux pour les élections provinciales et pour les consultations d’autodétermination.

En ce qui concerne la citoyenneté calédonienne, trois critères ont été envisagés :

  • La durée de résidence
  • L’engagement citoyen (propriétaire de son bien, engagement associatif, maîtrise de la langue vernaculaire, engagement dans la transmission des savoirs traditionnels, création d’emplois locaux, engagement dans la promotion de l’égalité des genres et de lutte contre les discriminations, PACS, sportif de haut niveau…)
  • Conjoints de citoyens calédoniens

La gouvernance et les institutions

Les discussions menées cette semaine « ont permis de consacrer le rôle de l’ensemble » des institutions calédoniennes, avec un accent mis sur celui des provinces ainsi que sur celui des communes.

Concernant les compétences des provinces, trois hypothèses ont été présentées :

  • Statu quo
  • Différenciation, renforcement de l’autonomie fiscale (fiscalité additionnelle) et économique des provinces.
  • Différenciation, renforcement des compétences provinciales, à l’exception de la matière fiscale qui serait de fait transférée aux provinces (avec une mécanique de reversement à la Nouvelle-Calédonie), mise en place d’un mécanisme élargi de transfert de compétences aux provinces de toutes les compétences de la Nouvelle-Calédonie à l’exception d’une liste à déterminer ; mise en place d’une compétence provinciale en matière de police de proximité et de prévention de la délinquance ; mise en place d’un dispositif de solidarité basé sur la résidence effective des populations.

Les différentes délégations ont également soumis quatre hypothèses sur la question de la répartition des sièges au Congrès : 

  • Statu quo, soit 54 sièges : 7 pour les îles Loyauté, 15 pour le Nord et 32 pour le Sud.
  • Il est composé de 54 sièges ainsi répartis : 6 pour les îles Loyauté, 11 pour le Nord et 37 pour le Sud.
  • Réduction du nombre d’élus au Congrès. Chaque province est représentée en proportion de sa population au congrès. Cette répartition est revue à chaque recensement.
  • Réduction du nombre d’élus au Congrès de 54 à 35 membres tout en préservant la répartition d’équilibre favorisant la surreprésentation des provinces des îles Loyauté et du Nord (5/10/20).

Pour ce qui est de la composition et l’élection du gouvernement :

  • Statu quo. Le gouvernement de la Nouvelle-Calédonie demeurera élu par le congrès et sera responsable devant lui. Il fonctionnera conformément au principe de collégialité.
  • Le gouvernement se compose de 6 représentants désignés par l’assemblée de la province Sud, de 3 représentants désignés par l’assemblée de la province Nord et de 2 représentants désignés par l’assemblée de la province des Îles Loyauté. Le gouvernement désigne, à la majorité de ses membres, le président et le vice-président du gouvernement de la Nouvelle-Calédonie.
  • Les évolutions possibles du gouvernement : maintien des caractères collégial et solidaire, nombre de ministres entre 11 et 15, le président élu directement par le Congrès, la vice-présidence reste à l’opposition, les ministres sont élus par le Congrès sur proposition du président du gouvernement élu. Les candidats sont proposés par les groupes, voire en dehors des groupes.

Concernant les communes, deux hypothèses sont évoquées :

  • Statu quo sur leur niveau de compétences
  • Conforter l’échelon communal, en garantissant une libre administration et une autonomie financière, en transférant la compétence en matière d’urbanisme. Leur action sera consolidée en garantissant leurs moyens financiers et leur rôle au service de la démocratie locale, de l’enracinement du vivre-ensemble en particulier pour la jeunesse.

Pour finir, le rôle du Sénat coutumier a également été questionné. Ainsi, plusieurs options sont sur la table :

  • Statu quo
  • Le Sénat coutumier continuera de représenter au niveau institutionnel la pleine reconnaissance de l’identité kanak et sa légitimité. Son fonctionnement sera conforté à travers l’élection des sénateurs coutumiers par un collège électoral qu’une loi du pays devra définir. Il créera des passerelles entre la société civile et la société coutumière par la présence de représentants du Cese-NC au sein du Sénat coutumier et inversement ainsi que par la création d’une institution issue de la fusion du Cese-NC et du Sénat coutumier qui se prononcerait sur des projets de texte intervenant dans des matières bien déterminées.
  • Le Sénat coutumier devient la deuxième chambre parlementaire dans une formule de bicamérisme parlementaire avec le Congrès. Cette formule serait à étudier pour préserver l’autonomie de la chambre coutumière dans une chambre des communautés, formule qui permettrait de mettre en synergie les coutumiers et les forces vives du pays.
  • Le Sénat coutumier est supprimé. Les missions du Sénat coutumier sont transférées aux aires coutumières. Les aires coutumières seront renforcées dans leur rôle légitime d’interlocuteur des institutions sur les questions relatives à l’identité kanak et au monde coutumier. Les aires coutumières sont obligatoirement consultées par les institutions de la Nouvelle-Calédonie et des provinces sur les sujets intéressant l’identité kanak dans les conditions définies par la loi organique.

Baptiste Gouret pour Les Nouvelles Calédoniennes