Aires marines protégées : En Polynésie, la limite des 15 milles nautiques autour des archipels fait encore débat

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Aires marines protégées : En Polynésie, la limite des 15 milles nautiques autour des archipels fait encore débat

Au lendemain des annonces de l’UNOC à Nice, la tension sur les principes des futures aires marines protégées ne redescend pas. Reçus mercredi par Moetai Brotherson, les maires des îles Marquises ne baissent pas la garde et pointent du doigt les armateurs de thoniers de privilégier leurs propres intérêts. Reportage de notre partenaire TNTV. 

Les armateurs de thoniers ont-ils fait pression sur le gouvernement polynésien pour réduire les futures aires marines protégées de 30 à 15 nautiques sur les archipels des Marquises, des Australes et des Tuamotu-Gambier ? Les élus des Marquises le pensent. Les hakaiki (maires des Marquises, ndlr) contestent ce zonage dédié à la pêche artisanale, et réclament une aire élargie autour de l’archipel.

Président de la société de gestion du port de pêche de Papeete, Stéphane Pérez se veut rassurant. Pour lui, les armateurs de thoniers sont les premiers à vouloir protéger ces ressources. « Ce sont les premiers concernés (…), les premiers qui souhaitent que notre zone soit protégée, qu’on continue à y pratiquer une pêche durable, réservée à des bateaux polynésiens, par des pêcheurs polynésiens, des bateaux construits en Polynésie, et ainsi de suite », dit-il.

Seuls les équipages polynésiens ont le droit de pêcher dans la ZEE du Pays -soit 4,5 millions de km2-. La pression sur les stocks de thonidés n’est visible qu’en dehors des frontières de la Collectivité, comme le démontre le site global fishing watch. 

Chargé d’étude sur la pêche hauturière à la Direction des Ressources marines, Thibaut Thellier rappelle que les thonidés sont des espèces migratrices, dont les stocks sont l’échelle régionale. « C’est à l’échelle de tout le Pacifique. Donc il n’y a pas de stock de thon spécifique à la Polynésie française, ces stocks sont vraiment à l’échelle de l’océan Pacifique », répète-t-il.

« Pour le thon blanc, on estime que dans le Pacifique, il ne reste plus que 50% des niveaux de stock par rapport à il y a un siècle, par exemple. Pour le thon jaune et le thon obèse, c’est un petit peu plus critique encore, il ne resterait que 30% de ces stocks-là », poursuit-t-il. Des chiffres qui doivent être nuancés. « Ce sont des espèces qui vont pouvoir se régénérer assez rapidement, à condition de bien les gérer, de bien gérer la pêche qui exploite ces espèces-là ».

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Pour y parvenir, des systèmes de surveillance de navires par satellite équipent chaque navire. Un dispositif qui doit permettre à la Direction des ressources marines, la DRM, de savoir si les thoniers respectent les nouvelles normes. 

« On pourra faire un suivi très précis, couplé aussi au suivi des fiches de pêche, parce que les capitaines déclarent leur capture, explique Vaiana Joufoques, cheffe du bureau Stratégie Réglementation et Analyse de la Direction des Ressources marines. « Donc tout ce qui sort de l’eau est déclaré et vérifié. C’est ce qui nous permet de dire qu’actuellement, on a à peu près 8 700 tonnes par an qui sont pêchées par les thoniers polynésiens ».

Avec une équipe de quelques agents en charge de contrôler plus de 80 thoniers, la DRM est toutefois en manque d’effectif. Une situation qui pourrait devenir encore plus critique, puisque le Pays souhaite également équiper de traceurs satellites les 340 bonitiers et autres « poti marara » (embarcation de pêche typique de Polynésie) locaux.

« On a une équipe de 3 personnes qui s’occupe de veiller à ce que tout le monde allume sa balise, que tout le monde respecte correctement la réglementation et donc, un renforcement des moyens serait le bienvenu », glisse-t-elle

Des études de suivis seront mises en place pour mesurer les ressources halieutiques qui permettront de valider -ou non- la pertinence du zonage à 15 nautiques. En parallèle, la DRM souhaite attirer l’attention sur une autre problématique : l’état des stocks de poissons dans les lagons. « On a l’exemple de Tikehau, où le hapu -le kito en paumotu- a complètement disparu de ce lagon parce qu’il y a eu trop de pression sur cette espèce, et donc elle n’a jamais pu revenir », constate Vaiana Joufoques.

En attendant l’arrêté d’application de ces aires marines protégées lors d’un prochain conseil des ministres, les armateurs de thoniers contactés par notre rédaction n’ont pas souhaité répondre à nos sollicitations.

Nicolas Perez et Mata Ihorai pour TNTV