Dans l’océan Pacifique, le contrôle de l’espace et des ressources maritimes est devenu un enjeu majeur pour l’Europe et en particulier pour la France qui est présente avec la Nouvelle-Calédonie, la Polynésie et Wallis-et-Futuna. Dans une étude publiée ce vendredi, l’Institut français des relations internationales (IFRI) souligne que les aires marines protégées de cette zone représentent un dispositif privilégié pour la gestion de l’espace maritime et la protection de la biodiversité. À ce titre, l’auteure de la note préconise un rapprochement entre décideurs et experts européens et océaniens pour renforcer l’efficacité et l’équité des systèmes de gouvernance des océans.
« La gestion durable des ressources halieutiques constitue un enjeu majeur pour l’Union européenne, qui est la première importatrice mondiale de poissons (la moitié du thon importé dans l’UE provient du Pacifique) et joue un rôle de chef de file dans la préservation de la biodiversité », écrit la chercheure Céline Pajon, spécialiste du Japon et de l’Indo-Pacifique au Centre Asie de l’IFRI, dans son étude intitulée « Bâtir des ponts sur le Pacifique bleu. Au-delà des aires marines protégées – Pour une coopération Europe-Océanie ». Dans ce cadre, les aires marines protégées (AMP) sont des outils indispensables à la préservation de la biodiversité et à la concrétisation de l’appel lancé lors de la Convention sur la diversité biologique des Nations unies en faveur de la protection d’au moins 30% de la superficie de la planète (terre et mer) d’ici à 2030.
Selon l’auteure, pour que les AMP soient jugées légitimes, les savoirs traditionnels sur l’océan des communautés locales ainsi que leurs besoins économiques devraient être pris en compte à chaque étape de l’élaboration de mécanismes de protection, dans une démarche participative. « Le Pacifique a besoin des données scientifiques que l’Europe peut lui offrir. L’Europe doit quant à elle comprendre les points de vue et les besoins des Océaniens et apprendre des pratiques coutumières locales pour pouvoir préserver les ressources de façon plus appropriée et démocratique ».
Il s’agit donc de faire converger les données scientifiques collectées à grande échelle et les savoirs locaux afin de concevoir de nouvelles solutions au service d’un développement durable. Pour Céline Pajon, l’apprentissage collaboratif et les solutions conçues de façon concertée renforcent l’efficacité et la légitimité des dispositifs de protection et de gestion des océans. « Les solutions basées sur les traditions ou pratiques locales, telles que le rahui en Polynésie, la zone tabu aux Fidji ou le bul à Palau, contribuent à l’effort de conservation tout en permettant de pérenniser les moyens de subsistance et les pratiques culturelles des communautés », dit-elle en exemple. De même, la décision de la Polynésie d’instaurer des aires marines gérées plutôt que des aires marines protégées s’inscrit bien dans cette logique de réappropriation.
Le développement durable a toutefois un coût. L’UE procure déjà un soutien financier à la Communauté du Pacifique, et Céline Pajon relaie certaines propositions visant à ce que l’Europe intensifie son action « dans les domaines du renforcement des capacités et de la formation d’experts en accueillant des étudiants océaniens au sein d’universités européennes ». Par ailleurs des océanographes européens pourraient également se rendre sur place pour former des océanographes locaux. Enfin, il faudrait garantir un suivi et une surveillance appropriés des aires marines protégées et gérées.
Sur cette question, la France, en collaboration avec ses partenaires du Pacifique (États-Unis, Australie et Nouvelle-Zélande entre autres), assure régulièrement des patrouilles dans les Zones économiques exclusives des pays océaniens qui sollicitent son assistance pour décourager la pêche illicite, non déclarée et non réglementée par certaines nations. L’auteure de l’étude rappelle aussi que « les capacités françaises dans le Pacifique seront renforcées cette année, dans le cadre du déploiement permanent de deux nouveaux patrouilleurs – un basé en Nouvelle-Calédonie et l’autre, en Polynésie française ». Ces derniers procéderont à des missions de surveillance et de souveraineté. En outre, Céline Pajon note que le président Emmanuel Macron, lors du dernier Sommet France-Océanie, a annoncé la création d’un réseau de garde-côtes pour le Pacifique Sud, dont la mission s’articulera autour de trois piliers – le partage d’informations, la coopération opérationnelle et la formation – et dont l’objectif sera de faire face aux logiques de « prédation ».
Qu'est-ce qu'une AMP ?
Il existe de nombreux types d’AMP. Les aires hautement protégées sont pour la plupart de petite taille, situées à proximité du rivage, émanant d’initiatives locales visant à préserver des ressources côtières importantes pour la subsistance et les traditions des populations. Il arrive qu’elles s’appuient sur des pratiques coutumières locales et qu’elles soient gérées par les communautés.
Les AMP au large sont plus vastes et bénéficient rarement d’un niveau élevé de protection. Elles résultent le plus souvent d’une démarche à l’initiative d’un État ou de grandes organisations non gouvernementales, qui apportent des fonds et fournissent un appui scientifique et technique. L’établissement de grandes AMP peut parfois être perçu comme un processus d’accaparement, en raison de l’effet d’exclusion des communautés locales ou des restrictions imposées à ces communautés pour l’utilisation des aires en question. Parfois, de vastes AMP n’existent que sur papier et ne contribuent donc pas concrètement à la préservation de la biodiversité (source : Céline Pajon, IFRI).
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PM