Le tribunal administratif de Papeete vient d’annuler, ce mardi en Polynésie française, l’ensemble de la procédure d’attribution de la concession de l’aéroport international de Tahiti-Faa’a. Un nouvel épisode d’un feuilleton judiciaire débuté en 2010, qui retarde encore la modernisation de cet aéroport. Explications de notre partenaire Radio 1 Tahiti.
Saisi en référé, le tribunal administratif de Papeete a décidé d’annuler entièrement la procédure de passation de la concession de l’aéroport de Tahiti-Faa’a. La CCISM, qui n’avait pas été retenue lors du dernier appel d’offres, et Egis, qui en était sorti victorieux avant de voir son offre annulée par la justice, contestaient l’attribution de ce marché de 40 ans, estimé à plus de 155 milliards de Fcfp, à Vinci Airports. Et dénonçaient de nombreuses irrégularités dans la procédure. Les juges ont retenu l’argument d’une « violation d’accès à la commande publique » mise en avant par Egis.
Après l’annulation de l’offre d’Egis en octobre dernier, confirmée par le Conseil d’État en mars, l’État avait choisi, en septembre, le candidat arrivé deuxième du dernier appel à concurrence : Vinci Airports. La filiale du géant français du BTP et des concessions devait prendre les manettes de la plateforme internationale et lancer sa modernisation avant la mi-2023. Mais la CCISM et Egis dénonçaient une procédure d’attribution entachée d’une cascade d’irrégularités.
Les juges ont surtout retenu, parmi ces arguments, une « violation d’accès à la commande publique » : « Les juges ont considéré que l’exigence imposée aux candidats de préciser l’identité des constructeurs avec qui ils réaliseraient les travaux de rénovation de l’aérogare, sous peine d’irrégularité de leur candidature, ce dont la société Egis avait pâti, a eu pour effet de restreindre excessivement l’accès au contrat de concession et ainsi d’empêcher le libre jeu de la concurrence », précise le tribunal.
La désignation du constructeur au centre des deux annulations
Les juges ont « pris en compte la situation concrète de la concurrence en Polynésie française dans le domaine du bâtiment et des travaux publics » : seules deux entreprises sont « en mesure de réaliser des travaux d’envergure », ce qui restreint la possibilité des autres candidats de se positionner sur le marché. Cet argument fait écho à la décision de référé de 2021 qui avait coûté le marché à Egis. Il était justement reproché au gestionnaire actuel de l’aéroport de ne pas avoir spécifié, dans son offre, quelle société de BTP mènerait les importants travaux de modernisation qu’il prévoyait à Tahiti-Faa’a.
Le cahier des charges exigeait bien un nom mais Egis pointait alors que cette exigence n’était pas cohérente avec la situation de concurrence sur le marché polynésien. Cet impératif de désignation d’un constructeur, fixé par l’État, est donc à la fois à l’origine de l’éviction du lauréat de l’appel d’offres et aujourd’hui de l’annulation complète de la procédure de passation.
Retour à la case départ après douze ans de procédure
Cette décision peut être contestée devant le Conseil d’État, par Vinci Airports ou par l’État lui-même. Et ni l’un ni l’autre ne précisent pour l’instant leur intention. Si l’annulation était confirmée, l’État devrait relancer entièrement un appel à concurrence, une procédure qui pourrait prendre plusieurs années. En attendant, et sauf décision contraire de la part de l’État, c’est Egis, actionnaire d’ADT aux côtés du Pays, qui reste gestionnaire de la plateforme, mais avec des capacités d’action et surtout d’investissement limitées. Le feuilleton de la concession de Tahiti-Faa’a, entamé en 2010 avec la première attribution à Egis, est loin d’être terminé.
Charlie René pour Radio 1 Tahiti